Citations de Algernon Blackwood (51)
Les bûches envoyaient leurs étincelles crépiter dans le ciel constellé.
Dans l'atmosphère planait ce silence menaçant qui précède souvent les violents orages.
Les ténèbres semblaient s'être déployées plus vite que d'habitude, et pas la moindre lueur colorée n'indiquait où le soleil avait fini sa course.
Dehors, la nuit était calme et douce, sans un souffle d'air; les vagues étaient silencieuses, les arbres immobiles, les nuages pesaient comme de lourds rideaux sur les cieux.
Les érables avaient revêtu leurs parure d'or et de vermillon et les rires cristallins des huards ricochaient dans les baies protégées où l'on n'entendait pas leurs étranges voix en été.
Le mois de septembre était déjà bien avancé, les grosses truites et les maskinongés s'agitaient au fond du lac et commençaient à s'aventurer de plus en plus à la surface, alors que les vents du nord refroidissaient l'eau.
La lune, à présent plus basse, coula derrière la cime d'un immense cèdre qui diffracta la lumière en faisceaux d'argent. Les étoiles avaient pâli. Une mince lueur rouge apparaissait derrière les hauteurs, à l'extrémité est de la vallée.
On entendrait bientôt les hiboux et les chouettes, alors que les ténèbres estomperaient tous les détails de leur doux voile noir et que les étoiles scintilleraient par milliers.
Au-dessus de sa tête, par-delà la cime des immenses arbres, le ciel du soir se paraît d'un orange d'opale, translucide et nacré.
En regardant autour de lui, il fut envoûté par les charmes de cette forêt vierge; seuls le murmure de la cascade et le soupir du vent dans les branches rompaient le silence.
La végétation, plus mince et plus espacée, comprenait surtout des bouleaux argentés, des sumacs et des érables, éclaboussant de leurs couleurs flamboyantes des clairières dégagées semblables à des parcs.
Il découvrait les vertus de la solitude profonde. Pour la première fois de sa vie, le paysage l'appelait et cet appel se manifestait de façon curieuse... Il ressentait du réconfort.
Les arbres se resserraient sur son passage sans qu'il le remarque. Ils le guidaient...
La nuit enveloppait la forêt, le ciel débordait d'étoiles, la vie nocturne suivait son cours sans bruit, avec cette capacité extraordinaire que des millions d'années avaient perfectionnée.
Quand ils émergèrent enfin de l'épaisse forêt, Grimwood s'arrêta derrière l'Indien, son guide, et contempla la vallée grandiose qui se déployait devant eux, baignée de la lumière dorée du soleil couchant. Appuyés sur leurs fusils, ils étaient captivés par ce panorama insoupçonné.
Pêcheur invétéré avant tout, il n'en était pas pour autant insensible à la beauté.
Par cette paisible journée d'automne, l'eau chantait, étincelante, et le ciel, bleu et dégagé, se répandait sur tout cela, éclatant de lumière.
Il s'enfonçait dans cet immense monde de forêts, qui couraient sur des centaines de milles, seulement connues des biches, des ours, des orignaux et des loups, mais pas encore foulées par l'homme; un monde désert, primitif, sauvage.
Les arbres attendaient, écoutaient, guettaient son prochain mouvement. La forêt se refermait sur lui.
La raison trouve toujours une dizaine d'explications à l'apparition d'une émotion nouvelle...