Citations de Alison Bechdel (109)
[En parlant de ses parents] « Leur concentration extatique ravive chez moi un ressentiment familier. Il est sans doute puéril de leur contester les bienfaits de leur solitude créative. C’était la seule chose qui les nourrissait. De ce fait, elle dévorait tout. Suivant leur exemple, j’appris vite à me sustenter seule. C’était toutefois un cercle vicieux. Plus nous trouvions de gratification dans nos génies respectifs, plus nous nous isolions. Notre maison était une colonie d’artistes. Nous mangions ensemble mais consacrions le reste du temps à nos quêtes personnelles. Et dans cet isolement, notre créativité prenait un tour compulsif »
L'expression "quelle horreur" a un côté un peu facétieux qui me rappelle Wilde. Elle englobe l'horreur réelle - la puberté, la disgrâce publique - pour l'esquiver d'un rire à la dernière seconde.
J’appris des choses sur les tics et sur un truc appelé la « danse de Saint-Guy ». Mais ces manies et tics involontaires restaient un jeu d’enfant face à la sourde terreur d’annihilation qui motivait mes propres rituels.
Pendant des années après la mort de mon père, quand on me parlait de mes parents, je transmettais l’information de la manière la plus plate…
- Mon père est mort. Il s’est jeté sous un camion.
…avide de détecter chez l’autre le tressaillement du chagrin qui se dérobait à moi. L’émotion que j’avais refoulée devant le cadavre béant resta refoulée.
Parfois, quand tout allait bien, je crois que mon père aimait vraiment avoir une famille. Du moins la touche d’authenticité que nous apportions à son tableau. Une nature morte avec enfants.
- Toi, tu vas prendre un bain, un verre de vin, et retourner me bosser cette thèse.
- Je ne sais pas Nancy. Il faudra peut-être toute la bouteille.
Dans le chaud après-midi d'été, la ville se réduisait, comme un fond de sauce longuement mijoté, à un effluve d'une complexité et d'une richesse stupéfiantes.
Avec la même perversité, la rivière étincelante venue du plateau qui traversait notre ville était claire comme le cristal, précisément parce qu'elle était polluée. Les écoulements miniers avaient rendu l'eau trop acide pour que la vie y subsiste.
Voici le cœur vital de la théorie de Winnicott : le sujet doit détruire l’objet. Et l’objet doit survivre à cette destruction.
Si l’objet ne survit pas, il restera intériorisé, une projection du moi du sujet. Si l’objet survit, le sujet pourra alors l’envisager comme une entité séparée.
Pour Freud, l’agressivité humaine est une réaction à la réalité, une frustration devant l’échec du monde extérieur à pourvoir instantanément à nos besoins. Mais pour Winnicott, c’est l’inverse. La réalité ne nous pousse pas à l’agressivité. L’agressivité nous fait sentir réels.
Peut-être que la mère ne parvient à être un miroir qu’à temps partiel. Dans ces cas « douloureux », certains bébés apprennent à ravaler leurs besoins quand ceux de leur mère sont si manifestes.
Chez la plupart des névrosés, « la cause d’un problème se situe du côté des parents et en particulier chez la mère ». Mais l’origine véritable réside moins dans la mère personnelle que dans les archétypes mythiques que nous projetons sur elle.
[A propos du concept d’objet transitionnel de Winnicott]
Les bébés utilisent souvent un objet spécial au moment où ils apprennent qu’ils sont distincts de leur mère. L’objet occupe « l’aire intermédiaire entre l’objectif et ce qui est perçu subjectivement ». Il n’est pas « moi » mais pas non plus « pas-moi ». […]
Au-delà des objets, les comportements aussi peuvent être transitionnels. Un rituel apaisant du coucher, par exemple.
J'ai toujours été une archiviste méticuleuse de ma propre vie. [...] J'ai commencé à tenir un journal intime à 10 ans, à consigner par écrits mes revenus et mes dépenses à 13. [...] Tous ces détritus furent bien utiles pendant l'écriture de Fun Home pour corriger les inévitables distorsions de la mémoire. J'ai découvert que la vérité documentaire était presque toujours plus riche et plus surprenante que mon propre souvenir. Plus intéressante que toutes les façons dont j'aurais pu romancer tel ou tel évènement.
Je ne voulais pas me relaxer, je voulais m'éteindre, ne plus rien sentir. Le Bouddha appelle ces deux pulsions "L'envie de l'existence et de la non-existence".
— Oh, salut. Je n'avais pas vu que vous étiez là ! Je suis juste en train de faire circuler ce bon vieux Chi ! Nombril rentré, pieds bien plantés ! Fessiers engagés ! Mon allure intello est sans doute trompeuse, mais... je suis une maniaque de l'exercice physique.
- Les voies du seigneur sont impénétrables.
- Ça n'a rien d'impénétrable! Il s'est tué parce que c'était un pédé honteux maniaco-dépressif qui ne supportait pas de vivre une seconde de plus dans cette petite ville bornée.
Ce que j’attendais de ma mère, quoi que ce fût, n’existait tout simplement pas. Ce n’était pas de sa faute. Et ce n’était pas non plus de la mienne si j’étais incapable de l’obtenir. Je sais qu’elle me donnait ce qu’elle pouvait.
Pour nous calmer, Mamie nous laissait inspecter le plafond avec sa torche et débusquer les insectes.
— Y en a un !
— Fourmisseau !
Quand nous en trouvions un, elle déclarait que c'était soit un "fourmisseau" soit une "fourmipuce", différenciation taxonomique qui m'a toujours échappé, et l'écrasait avec un chiffon au bout de son balai.
J'en vins à détester sa façon de traiter ses meubles comme des enfants et ses enfants comme des meubles.
La mère qui n’est pas « suffisamment bonne » échoue à satisfaire le « geste spontané » de l’enfant. « A la place, elle y substitue le sien propre qui n’aura de sens que par la soumission du nourrisson. Cette soumission de sa part est le tout premier stade du faux self ».
La soumission est la bête noire de Winnicott, la spontanéité, son summum bonum. Il ne définit pas vraiment le vrai self, mais il est « ressenti comme réel ». Le faux self étant bien sûr ressenti comme faux. […]
L’une des raisons pour lesquelles une mère risque de négliger le geste spontané de son bébé, écrit Winnicott, survient quand le père ne joue pas assez bien son rôle.