Amandine Ré

Elle a côtoyé les enfers et pourtant, elle refuse de croire que le diable peut prendre possession de chacun d’entre nous, que l’humain en général est la pire des ordures qu’il existe sur cette Terre.

Si j’ai conscience qu’on ne peut forcer une personne à nous aimer, j’ai aussi la certitude qu’on ne peut pas m’obliger à la désaimer. J’ai assez souffert de sa fuite et de sa lâcheté, c’est à son tour de morfler.

Je devrais lui dire quelque chose pour la convaincre que tout ça n’est que du passé, qu’elle finira par oublier à quel point les souvenirs peuvent être mortels, mais je mentirais. Parce que la douleur ne part jamais. Elle irradie en nous telle la gangrène et nous bouffe l’âme.

J’ai promis à Kendra de lui faire vengeance, et je le ferai. De la plus laide des manières, même.

j’ai choisi le chemin le plus sinueux, combinant études et prostitution. Mais il s’avère que c’est une combinaison gagnante pour moi.

Je n’aime pas être une pute. Ne chipotons pas avec les mots, c’est ce que je suis une fois la nuit tombée. Mais vendre mon corps et mon cul me permet de manger, et d’étudier.

Je suis un leader.
Soit on me respecte, soit un devient un ennemi.
Aucune sympathie, aucune pitié. Et pour ces dames, aucune chance de faire palpiter autre chose que ma bite.

Mon nom ? Ne réfléchis plus. On m'appelle A.

Je la suivrai comme son ombre et encore mieux… Même quand la lune remplacera le soleil, je serai encore là. Partout où elle ira, qu’importe les pensées qu’elle aura à mon égard. J’ai besoin d’elle comme l’air que mes poumons réclament. J’ai besoin d’elle pour parvenir à mes fins. Elle est l’unique pour cette mission. Le dessin est net, précis et pour rien au monde je ne changerai mes plans. Demain soir, Ambre et moi allons retrouver notre passé.  

« L’amour ça commence toujours bien… Les années passent et les mensonges arrivent, l’infidélité aussi. Vous le sentez, vous le savez, le doute vous ronge mais il vous faut des preuves pour attaquer ? Besoin d’un détective privé ? Appelez-moi. La traque est ma spécialité ».

Si Ambre pensait que sa vie était devenue meilleure, elle se leurrait.
Rien ne sera mieux tant qu’elle n’affrontera pas la réalité qu’est sa pathétique vie, tant qu’elle ne se battra pas contre ses démons.

Ambre est mon appât, celle dont je vais avoir besoin pour accéder au butin tant espéré.
Elle se pensait introuvable, elle était devenue presque intouchable.
Voici une longue année de traque terminée. Une longue année durant laquelle j’ai failli abandonner, pour au final ne rien lâcher.
Je l’ai fait suivre à travers les villes, à travers les états.

— Vous êtes trop confiant. Je ne pense pas que je céderais à vos soi-disant charmes. Vous êtes un con, un arrogant, un...
— Et tu es une pute. Je ne baise pas avec ce genre de femmes. Parce que c’est ton boulot, d’abord. Mais je peux te dire une chose, Princesse. Le jour où je te toucherais, plus aucun autre ne passera après moi, ce qui te mettrait dans une merde inimaginable pour rembourser ce que tu dois.
— Vous êtes un sadique.

Le destin me met des bâtons dans les roues pour m’empêcher d’atteindre la félicité ; il me dicte d’assumer mes erreurs, il m’oblige à affronter à ce que j’ai voulu effacer de ma mémoire.

Le sommeil ne vient pas ; je crois bien que le marchand de sable m’a encore oubliée.
Les pensées négatives envahissent ma boîte crânienne et je n’ai même pas d’alcool pour les étouffer.
J’agonise sous la peur, écorchant le courage qui a fait de moi celle que je suis censée être.
L’impression de faire le saut de l’ange dans les abysses des enfers, de m’y noyer, me fait suffoquer. Je vais crever, putain. Je vais crever et je ne peux plus contrer ma destinée.

Les hommes, les femmes, l’humain en général n’est pas destiné à aimer qu’une seule et unique personne tout le long de sa vie.
Parce qu’on rencontre l’autre, qu’on apprend à le connaître, qu’on aime ses défauts bien avant ses qualités, qu’on en devient drogué avant de finir aveuglé par ce qui bat dans notre poitrine.
Qu’importe les actes…
Qu’importe les mots…
Qu’importe les mensonges débités à toute vitesse.
On ne voit plus juste.
On ne voit plus la réalité malgré les avertissements de notre conscience.
On se ment à soi-même.
On se torture, on souffre, on suffoque.

Ça me met complètement en rage d’avoir le pressentiment que le mal est à mes trousses, plus proche qu’il ne l’a jamais été quand j’ai tout fait pour le maintenir à distance. Je me sens perdue, triste et à la fois enragée. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive, je ne comprends pas mes réactions, encore moins la folie qui fait courir le sang dans mes veines. J’ai envie de hurler, d’arracher mes larmes pour les lui jeter à la gueule et lui montrer à quel point je souffre.

Espionner en étant malin est un art.
Ne pas faire de bruit.
Ne pas se faire voir.
Ne pas parler.
Ne jamais échanger avec la cible.
Ne jamais vouloir connaître les tenants et aboutissants de l’histoire.
Disparaître.

Je n’ai pas peur de suivre cet homme. Je n’ai jamais eu peur de suivre qui que ce soit. Je n’ai jamais eu la crainte de devoir me justifier s’ils devinaient mes intentions. Les infidèles pensent être assez discrets, assez prudents, tellement prudents qu’ils deviennent directement suspects. Et la plupart du temps, ils le sont… Prudents... Quand il s’agit de leur moitié blessée seulement, mais pas avec les inconnus.
Je suis un

Traquer des hommes ou des femmes infidèles n’a rien de bien palpitant. Les trompés le sentent, ils savent que leurs soupçons sont fondés. Je ne demande même plus quels sont les signes qui les ont alertés puisque ce sont toujours les mêmes : téléphone planqué, divers codes pour tout verrouiller, changements de mot de passe, excuses pour rester seul, mensonges.

Je suis la fille sans identité à décliner aux autres.
Je ne suis pas celle que les autres voient.
Sur le papier, tout a l’air simple, mais à vivre, tout devient compliqué.

Mes pensées ne s’arrêtent jamais. Jamais.
Pas une seule seconde de répit, pas une seconde de pause, pas une seconde tout court.
J’ai appris à devenir comme ça.
Je suis devenue comme ça.
Ils ont tout fait pour que je sois comme ça.
Je me suis auto-conditionnée pour être méfiante, sur mes gardes, toujours à l’affût d’un visage qui ne me serait pas totalement inconnu. Ils ne doivent pas me trouver.
Je n’avais rien.
Je n’ai toujours rien.
Je suis seule, terriblement seule.
Je n’ai pas de famille. J’en avais pourtant une.
Mais si j’ai appris quelque chose de cette dernière année écoulée, c’est que la famille ne fait pas obligatoirement partie de notre vie à tout jamais.