J’étais heureuse. Pour la première fois.
Mais à quinze ans, je n’avais pas encore la notion du danger véritable. Je savais qu’en approchant mon doigt d’une flamme je pouvais me brûler, je savais que si je traversais la route je pouvais me faire écraser. Je savais même que les pédophiles existaient.
Par contre, ce que j’ignorais, c’est que la vraie douleur est souvent provoquée par les gens que nous aimons. J’ignorais encore plus qu’un amour à sens unique était la pire des tortures que l’humain était capable de supporter.
Le monde extérieur m’effraie, le monde extérieur me donne le tournis, le monde extérieur me fait vomir.
J’ai peur, je suis angoissée, je suis phobique sociale, phobique de tout et pourtant je ne suis pas malade.
Il y a eu lui, puis eux. Puis lui, elle et encore lui. Il y a eu lui et moi.
Puis, plus rien. Le néant a pris possession de mon cœur, la douleur a remplacé les mouvements de mes jambes, l’affliction a séché mes larmes.
J’essaie de comprendre, je voudrais qu’il se remémore nos peurs, nos doutes, nos rires, nos baisers, nos baises à n’en plus finir.
Je voudrais juste qu’il se rappelle du pourquoi il m’a aimée.
J’ai besoin de m’accrocher à chacun de mes souvenirs. Qu’ils soient erronés ou non. J’ai besoin de rejouer chaque scène, de me replonger dans ce passé impétueux pour exploiter les divers scénarios possibles. J’ai besoin de comprendre… Pour avancer.
Millimètre par millimètre, je dois le faire.
Pour moi. Rien que pour moi cette fois.
Je ne suis pas folle, je ne suis pas à lier, je ne suis pas une folle à lier. Je suis seulement une femme perdue.