Alors que la papauté monnaye ses grâces pour affermir sa puissance politique, Amélie de Bourbon-Parme dresse le portrait romanesque et intime d'un homme d'Église au destin éblouissant, qui inspira à Stendhal « La Chartreuse de Parme ».
Quelques mots sur « L'ambition » :
Rome. XVe siècle, au coeur de la Renaissance italienne. Alessandro Farnese, jeune aristocrate provincial promis à une carrière ecclésiastique, met son ambition au service d'une seule religion : sa famille.
Projeté dans les jeux de pouvoir entre Florence et Rome, soutenu par Laurent de Médicis, il compte sur l'influence de sa soeur, la sensuelle Giulia, maîtresse du pape Rodrigo Borgia, pour devenir cardinal. Usant de l'audace, de l'opportunisme et de l'élan amoureux, Alessandro s'impose au sein d'une papauté corrompue et licencieuse sans se compromettre.
Il profite de l'extraordinaire effervescence humaniste, artistique et politique qui règne dans la péninsule italienne pour poser les fondations d'une aventure humaine et familiale qui le conduira au sommet de l'Église et de l'Europe.
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Alors que commence ce récit, je ne suis qu'un jeune ambitieux, nourri de convictions et d'espoirs, aussi obstiné que malléable, aussi indomptable que perméable aux événements, rêvant de gloire et d'aventure.
(p.14)
Le désir de revoir la belle Isabelle (d'Estrée) autant que celui de rencontrer cette figure militaire avaient emporté ses réticences.
- Je ne manquerai cette invitation pour rien au monde !
- Si tu veux t'amuser, lorsque tu seras là-bas, pour te changer des discussions bucoliques, continua Jean, tu pourras aller écouter les prêches de Jérôme Savonarole...
- Qui est-ce ?
- Un moine qui nous a prédit la fin du monde et que l'on a fait éloigner de Florence. Il a repris ses études à Ferrare et y enseigne à nouveau.
(p.150)
Le duc de Ferrare fit un petit discours pour célébrer le départ en Hongrie de son fils de sept ans, Hippolyte, dont le destin ecclésiastique avait pris un tour exceptionnel. Grâce à sa tante, qui avait épousé le roi de Hongrie, il venait d'être nommé administrateur de l'archevêché d'Esztergom, principal archevêché de l'église de Hongrie.
(p.152)
Celui que l'on appelait messire Jean avait recu la tonsure à l'age de sept ans.
(...) Il courrait encore derrière les ânes et les animaux de la ferme près de la villa de Poggio a Caiano lorsqu'il était devenu chanoine de la cathédrale de Florence et de Fisole, archevêque d'Aix - en Provence, Il se contentait de verser les importants revenus attachés à ces charges dans sa cassette personnelle : elle lui servait à assurer son train de vie et à entretenir sa suite déjà nombreuse.
(p.153)
Laurent( de Medicis) souriait avec toute la douceur dont il était capable lorsqu'il s'apprétait à faire plier son adversaire.
(p.207)
César (Borgia) était sûr de son statut et de sa prééminence. Son impulsivité et son intelligence se mélangeaient à parts égales. (...) Il ne croyait qu'à la stratégie et à la froideur des calculs pour arriver à ses fins. Le compromis était pour lui un aveu d'échec. (...) pour César, tout ce qui n'était pas immédiat était capitulation.
(p.240)
César n'était pas du genre à se laisser faire par la providence. Mais les bénéfices et les titres qu'il avait déjà reçus auraient contenté les plus exigeants. On évaluait à 16000 ducats les revenus attachés à ses charges.
- N'as-tu pas déjà pu en mesurer l'intérêt ?
César sourit d'un air désabusé.
- Pour le moment, peut-être, mais je n'aspire ni à être riche, ni à être craint .
Je souhaite avant tout laisser une trace. Et pour cela, je dois pouvoir exprimer mes talents qui ne sont pas ceux de la pensée ni ceux de la diplomatie, et encore moins ceux de la foi !
(p.258)
Ce sentiment ne reflétait pas la moindre culpabilité, mais plutôt une sorte d'embarras ou de gêne. La vérité était plus crue, moins belle qu'elle n'en avait l'air. Ce vêtement ( de cardinal) était trop grand pour moi (Alessandro Farnese). Mes geste s'y perdaient, mes pensées y étaient mal ajustées, mon âme n'avait rien à y faire.
(p.265)
Comme toutes celles à qui on a tout donné et tout refusé en même temps, Lucrèce (Borgia) était capricieuse.
(300)
Depuis Florence, Savonarole fulminait (...) Ses sermons redoublaient de violence contre l'Eglise "débauchée", " la curie, putain fière et menteuse".. Il n'en finissait pas d'insulter le pape (...) L'accusant d'être un simoniaque, athée et pécheur public.
(p. 342)
Bien que sa figure ait changé, le regard de César était toujours le même. Il était habité par ce mélange d'ardeur et de folie, cette conviction que personne ne pouvait lui résister.
(p.366)
Le premier moine, le plus âgé des deux, était celui qui devait sonder les âmes : le dos voûté sous sa robe, le sourire presque caressant, en forme de confession. L'autre, grand et mince, le visage sec et jeune, mettait à exécution les intuitions de son acolyte : du haut de sa silhouette, il flairait le relâchement par-delà les tonsures.
Traversés par leur mission comme par la foudre, les deux serviteurs de l'Inquisition se tenaient sans bouger au milieu de l'atelier.
Un petit col ourlé de fourrure noir, des surpiqûres de satin, une coupe parfaite. Au premier regard, le vêtement était superbe. L'empereur le trouva sinistre. Il était d'un noir plus profond que d'habitude, d'une matière plus riche, comme si tous les deuils et les séparations étaient venus se noyer dans la trame du velours pour en épaissir la matière, en brosser le tissu. Que le tailleur avait voulu coudre ensemble, dans une sorte d'apothéose funèbre, tous les désastres et les chagrins de son existence. Tout cela dans l'épaisseur du velours.
Sans plus d'émotion, l'empereur fit signe de la main de continuer lorsqu'il vit surgir l'épée et la gaine sur laquelle était inscrire la devise « L'Autriche régnera sur le monde entier. », la tiare et le globe impérial en or.
Il fut saisi par l'inutile beauté de ces pièces; elles n'avaient pas empêché la chrétienté de se déchirer, ni son pouvoir d'être contesté par ceux-là mêmes qui auraient dû être à ses côtés contre les Infidèles.
(...) c'était finalement sur un animal de bât, une mule au pelage élimé par les charges trop lourdes pour elle, qu'il allait rendre sa couronne. Il fallait le déhanchement d'un baudet, le balancier lent et solide de sa croupe pour déposer le pouvoir. La simplicité d'une bête de somme pour renoncer au monde.
Il avait perdu la plupart de ses cheveux et son crâme presque entièrement dégarni ressemblait à une capitulation. Il ne lui restait que deux touffes clairsemées de chaque côté, des mèches sans conviction qui subsistaient là par fidélité plus que par intérêt pour ce destin sans lumière.
Pour ne pas laisser paraître son trouble, il déroula mécaniquement la série de révérences et de prosternations qu'il tenait en réserve dans les plis de son vêtement, frôla de sa grosse bouche ourlée par les discours trop obséquieux la main de l'empereur et quitta la chambre.
Les semaines glissaient comme des nénuphars sur un étang, en douceur, sans faire de bruit.
Car il ne lui déplaisait pas de les convier à une sorte de découronnement impérial et de lire une dernière fois dans leurs regards le reflet de sa propre solitude.
L'empereur dévisagea son majordome : ses paroles étaient rares, ce qui leur donnait un air de sagesse.