Citations de Ananda Devi (312)
Je suis la part de vous que vous ne voulez pas être. Le monstre qui se cache en vous tous. Votre peur la plus intime. La main portant la nourriture à votre bouche tremblante de désir.
On pourrait aller ailleurs, déménager, dit-il. Le temps qu'ils oublient ?
Pauvre père. Il ne mesure pas l'étendue du monde virtuel. On ne peut pas en sortir. Il est éternel. Il est partout. Infini. Il n'y a pas d'oubli possible, puisqu'il est hors du temps et de l'espace.
Nous avons inventé l'enfer.
Manger encore, manger comme haute ambition, manger comme but ultime, manger comme personne ne l'a jamais fait, manger parce que l'alternative est de mourir dans la sécheresse du corps et du cœur et parce qu'on va mourir quand même, bouche dévoreuse, langue saliveuse, estomac infini, je ne suis qu'un ventre, c'est là tout ce que je suis, rien d'autre, pas de promesse d'avenir, pas l'ombre d'un bonheur ne se profile sur mon horizon, la fin est permanence, comme la faim.
Le jour où je dirai je t'aime à un homme, je me suiciderai, dit-elle, le rire en pente.
Pas de faux-semblants, s'il te plaît: l'écriture est l'habit que tu portes pour justifier ton existence. Des combats faits avec la brume des mots, et tout aussi peu de substance. Tu jouais à la perfection tous tes rôles, mais tu ne faisais jamais que tisser un cocon de fictions entre toi et le monde.
Charmeuse? De serpents, peut-être. Mais ce n'est qu'ici que je parviendrai à aller jusqu'au bout de ce que j'ai entrepris: l'honnêteté.
Je peux être chacune des rides entaillées sur le visage de la vieille. Je peux être le flanc du chien malade qui entre profondément dans ses côtes et en ressort pour tenter de préserver le flux de la vie dans son corps. Je peux être la main mobile de l’homme, fermée, ouverte, fermée, ouverte, pour ne pas se figer tout à fait. Je peux être un bout de chemise effilochée qui traîne dans une flaque d’urine à ses côtés. Je peux être la voix du vent qui souffle sans violence et l’île qui dort sans chercher à comprendre.
Une pupille rétractée sur son infini, qui ne contemplait plus la réalité mais percevait la couche de mensonge qui recouvrait chaque visage, chaque mot, chaque image, chaque sentiment. L’épingle de ce regard ponctionnait la membrane élastique étirée entre son passé et son avenir – ou ce qu’il en demeurait
Les mots, dit-elle, efface mes mots, puisque je n’ai plus rien à dire qui vaille la peine d’être écouté. A toi, je peux parler sans mots
la cité s’étalait et engloutissait ceux qui ne savaient pas nager. La ville entrait en guerre, les jeunes dieux la chevauchaient pour aller cueillir leurs rubans de vainqueurs, pour prendre tout ce qui pouvait être pris, bouche ouverte pour capter l’air, le temps, la vie, le grondement de destruction, de construction, et, au milieu des mâchoires de fer, les invisibles broyés
Mais elles lui permettaient de se sentir vivante, de poursuivre son étrange exploration du monde, de s’imaginer qu’elle faisait partie des choses et qu’elle n’était pas cette forme transparente que les miroirs et les glaces lui reflétaient fortuitement
Les ombres qui le masquaient étaient un présage de détresse, creusaient la distance physique qui les séparait, lui rappelaient sans ménagement qu’il n’y avait eu qu’une nuit, une seule, même pas, une demi-nuit, un fragment de nuit, et qu’elle n’avait jamais pu voir son visage