Citations de Angela Behelle (181)
Le genre de type qui n’existe qu’au cinéma, dans les pubs, les magazines. Ceux qu’on cite en référence comme idéal masculin, mais qu’on n’a qu’une chance sur un milliard de croiser dans la vraie vie.
Le destin, c’est un peu comme la météo, il faut composer avec les éléments. On peut s’en plaindre, s’en attrister ou s’en réjouir, ils s’imposent à tous, implacablement.
Mes cheveux sont longs et épais, et leur couleur flamboyante ne me permet pas de passer facilement inaperçue. Aussi, quand la discrétion s’impose, je ne connais qu’un moyen, c’est de les rassembler en un chignon strict qui atténue un peu l’impact visuel. J’adopte cette coiffure tous les jours, pour le travail. Enfant, j’ai souvent souffert des moqueries de mes petits camarades au sujet de ma rousseur. Quand j’ai pris de l’âge, ce que je considérais à l’époque comme un défaut s’est transformé en un véritable atout de séduction.
Le rythme « métro, boulot, dodo » s’est insidieusement imposé dans mon quotidien comme dans celui de tous ces gens qui courent sans arrêt. Je suis devenue une automate dont l’unique fonction est de travailler. Une automate bientôt trentenaire.
Toute bonne règle se doit cependant de connaître une exception.
En ce samedi soir très printanier de fin mai, on peut facilement reconnaître les touristes qui déambulent en nombre sur ses prestigieux trottoirs. Ils se déplacent le plus souvent en groupes, prennent leur temps et affichent, pour la plupart d’entre eux, un sourire extatique. Ils sont heureux d’être là et de dépenser leur argent. À l’inverse, les vrais Parisiens, qui n’ont pas la chance d’être en congés, se pressent, tête baissée vers leur objectif, sans se préoccuper des vitrines alléchantes. Leur mine est plus souvent renfrognée que réjouie. D’ordinaire, je fais partie de cette seconde horde déterminée, et me soucie de relier un point A à un point B en un minimum de temps, en évitant les artères semées d’embûches. Or, les badauds représentent autant d’obstacles que de précieuses minutes perdues.
Apparemment, me rafraîchir n’aura pas suffi à gommer les effets de l’insomnie.
Les sondages d’opinion sont formels, ce ne sera pas une élection, mais un plébiscite. Tous les instituts en sont convaincus. Il ne manque donc que sa candidature officielle, et les journalistes semblent être les premiers à l’attendre. Le gouvernement actuel est incapable de redresser la tête, la majorité se liquéfie. La situation ravit mes confrères qui envoient des missiles sous forme d’articles au vitriol. Ça amuse le peuple, ça le conforte dans son idée qu’une élite se sert dans son porte-monnaie et le prend pour un imbécile aveugle, sourd, et surtout pas rancunier. Ça alimente des envies de vengeance, de pavés après la plage.
« La compagnie d’une excellente et dévouée secrétaire est plus utile que celle d’une mauvaise et volage épouse ».
« Suicide. »
C’est un mot qui fait l’effet d’une bombe. On perçoit d’abord les atroces sifflements de ses sonorités, puis il atteint le cerveau où il éclate, assourdissant, et cause des séquelles irréversibles. Sur le moment, je n’ai rien su dire pour le consoler. J’étais sous le choc. C’était inconcevable… insupportable. En y songeant, aucun discours n’aurait pu atténuer un tel chagrin.
Je m’étais mis dans l’idée que le partage des enfants se ferait comme celui des biens, à cinquante-cinquante, et je n’imaginais pas que notre mère accepterait de se séparer durablement de son bébé. C’est pourtant ce qu’elle a fait. Quand j’ai été en âge de comprendre, je lui ai demandé comment elle avait pu se résoudre à un choix si terrible. Elle m’a répondu très sobrement que c’était, sans conteste, le plus beau cadeau d’adieu qu’elle avait pu faire à son ex-mari.
Je reprends place derrière ma table de travail immédiatement après avoir raccroché, mais je ne peux me départir de cette bonne humeur qu’Alexandra a insufflée dans mon esprit. J'aime l’espèce d'urgence qu'elle donne à mon quotidien. De spectateur de mon existence, j'en deviens vraiment acteur. Comme Pinocchio, je prends vie et me délivre des ficelles qui m'animaient jusque-là.
Je me rappelle la petite phrase d'un vieil homme accoudé au comptoir d'un estaminet : « Ici, si t'attends le soleil, tu prends racine. » Le tout avec un accent que je crains de ne pas savoir reproduire. On dit des gens du Nord qu'ils ont dans le cœur le soleil qu'ils n'ont pas dehors, et c'est vrai.
Quand les palpitations s’apaisent, je retombe sur l’oreiller. Le rêve cède la place à la réalité, et la solitude me rattrape. Je ne reverrai jamais cet homme, et il ne saura jamais à quel point il m’a émue. Je me sens soudain triste et fatiguée. Je frissonne.
— Si tu veux un très bon conseil de ma part, Cali, n'aie jamais de meilleure amie.
Je fais une moue sceptique en lui en demandant la raison.
— Les femmes se font toujours trahir par leurs meilleures amies. Sous couvert de bons sentiments, elles les envoient droit dans le mur et minaudent quand il s'agit de ramasser les morceaux. Par-derrière, elles sont prêtes à toutes les bassesses pour récupérer ce que l'autre a perdu.
Je me fais de nouveau l’effet d’être une petite souris entre deux matous sournois.
Je veux combattre les démons qui hantent mon esprit, les regrets qui me rongent, le dégoût que m’inspire la seule idée que mon corps a pu être souillé par un autre pour qui j’éprouvais de l’admiration, mais pas de l’amour. J’ai payé le prix de ma naïveté, de mes années trop sages passées dans un internat à l’éducation stricte et religieuse. Un prix bien trop élevé.
— Ce n’était pas contre toi, plaidé-je piteusement. C’était… contre moi.Par lâcheté, je ne vais pas plus loin. Je ne lui dis pas que j’ai trop mal de le voir heureux avec une autre, que je lui en veux de ne pas m’avoir choisie, moi, à sa place. Il aurait suffi d’un mot et tout aurait été tellement différent. Je me suis crue plus forte que je ne le suis vraiment. Moi aussi, je rêve d’une épaule où poser ma tête, de bras rassurants et d’un compagnon qui soit tout à moi, rien qu’à moi. Au lieu de ça, je suis tombée stupidement amoureuse d’un homme qui ne m’appartiendra jamais.
— Je suis désolée, Marc !
Ces excuses me font mal autant qu’à lui. L’indifférence est une chose à laquelle je suis bien incapable de me résoudre. Ce soir, j’ai, moi aussi, plus envie que jamais de ses bras. Nous nous arrachons péniblement l’un à l’autre. Je le regarde s’éloigner de sa fenêtre, la tête basse, après son « au revoir » résigné.
On s’habitue à l’impensable.
Même quand il s’agit de soi.
Le plus difficile n’est pas de découvrir sa véritable nature, c’est de connaître ses limites.
Y en a-t-il seulement ?Jusqu’où est-on prêt à aller ?
Voilà bien une question que je ne m’étais jamais posée.
Et pourtant