Pendant des années, il ne m'est pas venu à l'esprit de remettre en question les moyens de rencontres en Occident. Les principes sur lesquels ils se fondent me paraissaient tout à fait pertinents : une fois qu'on a rencontré un homme ou une femme au bureau ou grâce à des amis, on fait en sorte de connaître mieux, et si on aime ce que l'on découvre, on appronfondit la relation, laquelle mène parfois au mariage. Ce qui m'étonne, à présent, c'est la part énorme laissée au hasard par ce système, à la chance, ou au destin. Pour une societé aussi rationnelle qui semble avoir réponse à tout le reste - les meilleurs soins médicaux, une technologie de pointe, de magnifiques autoroutes, et des navettes spaciales - il me paraît étrange que les gens soient réduits à ne compter que sur eux-mêmes pour se chercher l'âme soeur, autrement dit pour l'on peut considérer comme la plus importante décision de leur vie.
Du reste, j'allais plus tard remarquer que, à Delhi, on stigmatisait bien moins les femmes qui s'amusaient que dans la diaspora indienne de Londres ou de New York, où des normes beaucoup plus strictes régissent le comportement des femmes, du fait, peut-être, de cette volonté caractéristique de l'immigrant d'atteindre des performances exceptionnelles et de témoigner de sa culture immémorielle, même après des dizaines d'années passées à l'étranger.
Tout le monde connait ces histoires qu'on choisit de raconter sur soi, celle qu'on a toujours sur le bout de la langue et dont on adore régaler ses nouveaux amis au cours d'un dîner, celle que nos vieux amis ont entendues des dizaines de fois et qui doit les faire rire ou grogner, suivant le moment. Mais qu'en est-il de l'histoire qu'on ne raconte jamais, celle qui profondément enfouie sous une couche de honte ou de déni, par exemple, et qu'on tente d'oublier depuis des années, ou qu'on écarte vite quand un vieil ami de fac vous la rappelle avec un petit sourire affecté
Je dois bien avoir vingt-six différentes façons d'exprimer la solitude. Il y a la solitude extrêmement banale de la fille qui a" des amis geniaux, une vie géniale, mais personne contre qui se blottir le soir". Il y a la solitude bien connue aussi de celle qui a "quelqu'un contre qui se blottir le soir, mais le charme n'y est plus". Il y a la solitude de celle qui a "le plus génial petit ami ou amant du monde, mais pas d'amis". Il y a la solitude de la fille qui "se retrouve chez elle sans personne avec qui boire un verre quand tous ses amis sont partis en week-end". Il y a "la bonne et édifiante solitude de celle qui part en voyage seule". Mais la plus pathétique, la plus douloureuse, la plus insupportable solitude c'est celle de la fille qui "s'installe dans une ville où elle ne connaît quasiment personne
Je vais de nouveau me retrouver dans une ville où je m'éclaterai , mais où l'amour m'échappera, comme la proie du chasseur disparaissant derrière des arbres.