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Citations de Anna Seghers (73)


"Bien qu'ici beaucoup de gens ou même tout le monde, soit très gentil envers moi, j'ai tout de même parfois l'impression d'être littéralement transformée en glace. J'ai l'impression d'être tombée à l'époque glaciaire tellement tout me paraît froid. Non pas parce que je ne suis plus sous les tropiques, mais parce que beaucoup de choses sont tout à fait oppressante et d'une froideur incroyable pour moi, qu'il s'agisse du travail, d'amitiés, de choses politiques ou humaines. " lettre de Anna Seghers à Georg Lukacs. Postface
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Sottises, sottises, sottises que toute cette dépense d'énergie pour aller d'une ville en flammes à une autre ville en flammes, pour passer d'un canot de sauvetage à l'autre, sur la mer sans fond.
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Anna Seghers
...il y avait un couple que j'ai vaguement connu dans le temps . Vous savez bien vous-même ce que ça vaut, ces rencontres fugitives dans les gares, les antichambres des consulats, le bureau des visas, à la préfecture . Comme c'est fugace, le bruissement de quelques mots, comme le froissement de billets qu'on change à la hâte . Seulement, parfois, on est frappé d'une simple exclamation, d'un mot, que sais-je ? d'un visage . Rapide et fugace, ça vous traverse de part en part . On lève les yeux, on tend l'oreille, et voilà qu'on est empêtré dans une histoire . Je voudrais bien, une fois, tout raconter à quelqu'un d'un bout à l'autre . Si seulement je n'avais pas peur d'embêter le monde . Vous n'en avez pas soupé, vous, de ces récits bouleversants ? N 'en avez-vous pas assez de ces histoires palpitantes de mort qu'on frôle et de fuite éperdue ? Moi, pour ma part, j'en ai vraiment soupé . Et si quelque chose peut encore m'émouvoir aujourd'hui, c'est un métallo qui me raconterait combien de mètres de fil de fer il a torsadés dans sa longue vie, ou encore le halo de lumière sous lequel des enfants font leurs devoirs.

[ in "TRANSIT" ]
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Ma peur s'était complètement dissipée, la croix gammée ne me semblait qu'un spectre, je voyais avancer et repartir, derrière le grillage du jardin, les plus puissantes armées du monde; je voyais crouler les empires les plus insolents et s'édifier d'autres empires, jeunes et audacieux; je voyais les maîtres du monde s'élever et mourir. Moi seul, j'avais le temps infini de vivre.
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Il me semblait que, dans cette brève journée d'excursion avec ma classe, toutes choses m'étaient en même temps arrachées et rendues.
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Dès le premier mois qui suivit la prise de pouvoir de Hitler, des centaines de nos chefs [les résistants allemands au régime nazi] avaient été assassinés, partout dans le pays, chaque mois, d'autres l'étaient. [...] Toute une génération avait été exterminée. C'est ce que nous pensions par ce matin terrible et nous le dîmes aussi, pour la première fois, nous dîmes qu'il nous faudrait quitter cette vie, tant de nous assassinés, éliminés de la surface du globe, qu'il nous faudrait périr sans descendance. [...] un no man's land allait s'étendre entre les générations, que les anciennes expériences ne parviendraient pas à franchir. Quand on lutte, tombe, et qu'un autre reprend le drapeau et lutte et tombe aussi, et que le suivant le reprend et doit à son tour tomber, c'est un ordre naturel, car on n'obtient rien sans en payer le prix. Mais si personne ne veut reprendre le drapeau, parce que personne ne connaît plus sa signification? Alors, nous eûmes pitié de ces jeunes gars qui faisaient la haie pour accueillir Wallau, lui crachaient dessus, le regardaient d'un air bovin. Voilà qu'on arrachait du sol de ce pays ce qu'il produisait de meilleur, parce qu'aux enfants on avait enseigné que c'était de la mauvaise herbe. Tous ces garçons et ces filles, là dehors, une fois qu'ils avaient derrière eux la Hitler Jugend [...] puis le service du travail et l'armée, ils étaient semblables aux enfants de la légende qui, élevés par des bêtes, finissent par déchirer leur propre mère.
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- Je veux rentrer chez moi.
- De plein gré? Vous savez aussi bien que moi ce qui vous attend.
- Et ici? Qu'est-ce qui m'attend ici? Vous connaissez peut-être le conte de l'homme mort. Il attendait dans l'éternité que le Seigneur décidât de lui. Il attendait, attendait toujours. Un an, dix ans, cent ans. Puis il implora son verdict; Il ne pouvait plus, disait-il, supporter l'attente. On lui répondit: Qu'est-ce que tu attends donc? Il y a longtemps que tu es en enfer." Et l'enfer, c'était cela: l'attente imbécile de rien. Quoi de plus infernal? La guerre? Elle vous rejoint d'un bond par-dessus l'océan. Maintenant j'en ai assez. Je veux rentrer chez moi.
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En ce temps-là, tous n'avaient qu'un désir : embarquer. Tous n'avaient qu'une crainte: rester en arrière.
Partir, partir de ce pays écroulé, de cette vie écroulée, de cette planète! les gens vous écoutent avidement tant que vous parlez de départs, de bateaux capturés qui jamais n'arriveront au port, de visas achetés et de visas falsifiés, et de nouveaux pays de transit. Tous ces racontars servent à abréger l'attente, car les gens sont rongés par l'attente. Ce qu'ils écoutent de préférence, c'est l'histoire de bateaux partis sans eux, mais qui, pour une raison quelconque, n'ont jamais atteint leur but.
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Contrairement à ce qu'on admet d'ordinaire, on oublie quelquefois très vite l'essentiel, parce que cela vous pénètre, se confond avec vous, tandis que des faits insignifiants vous traversent souvent l'esprit, parce qu'ils s'accrochent à vous sans qu'il y ait mélange.
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Ce four à bois là, voyez-vous, ça me plait. Et cet homme qui bat la pâte, avec son poignet souple. Oui, ça, au fond, c'est la seule chose qui me plaise en ce monde; je veux dire que la seule chose qui me plaise, c'est ce qui dure toujours. Car un four à bois a toujours flambé ici, et depuis des siècles c'est toujours de cette façon-là qu'on bat la pâte. Et, si vous me reprochez, à moi, de changer perpétuellement, je vous réponds que c'est une recherche obstinée de ce ce qui dure toujours.
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Jusqu’alors, quand une femme survenait, une femme qui pouvait me plaire, mais qui ne venait pas pour moi, j’avais toujours réussi à me convaincre que je ne l’enviais pas à celui qui l’aimait, et que rien d’irremplaçable ne m’avait échappé. La femme qui passait maintenant près de moi, je ne la laissais à personne. Il me semblait insupportable qu’elle fût entrée, mais pas pour moi ; seule une chose eût été aussi désastreuse : qu’elle ne fût pas entrée du tout. Elle examinait encore une fois, très attentivement, la partie de la salle où je me trouvais moi-même. Elle scrutait tous les visages, toutes les places, comme les enfants cherchent, avec une insistance maladroite. Quel était donc celui qu’elle cherchait désespérément ? Qui pouvait donc être attendu avec cette ferveur ? Qui pouvait provoquer cette déception amère ? Cet homme qui n’était pas là, j’aurais voulu l’assommer à coups de poing.
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Il était six heures du soir. Mon regard vide, par-dessus les têtes des gens, fixait la porte. Elle tourna une fois de plus. Une femme entra. Que vous dirai-je ? Je puis seulement dire : elle entra. L’homme qui s’est suicidé rue de Vaugirard, il savait s’exprimer autrement. Moi, je ne puis que dire : elle entra. Ne vous attendez pas à ce que je vous la décrive. Ce soir-là, d’ailleurs, je n’aurais pas su dire si elle était blonde ou brune, si c’était une femme ou une jeune fille. Elle entra. Elle s’arrêta et regarda autour d’elle. Il y avait sur son visage une expression d’attente exaspérée, presque de crainte. On eût dit qu’elle espérait et redoutait de trouver quelqu’un en cet endroit. Mais, quelles que fussent les pensées qui l’entraînaient, elles n’avaient certes rien à faire avec des histoires de visas. Elle traversa d’abord la partie de la salle que je pouvais embrasser du regard, celle qui donnait sur le quai des Belges. Je vis encore le bout pointu de sa capuche sur la grande vitre devenue grise maintenant. J’eus peur qu’elle ne revînt plus jamais : il y avait là-bas, dans l’autre secteur de la salle, une porte qui menait au dehors : elle ne faisait que passer, sans doute. Mais elle revint presque aussitôt. Sur son jeune visage, l’expression d’attente cédait à la déception.
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Bien que Benito ne sût pas très bien lui-même s'il croyait en Dieu, il ne permettrait pas qu'on dise du mal de la mère de Dieu.
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Je montai dans un tram, en tête de ligne. J’entrai sans encombre à Marseille. Vingt minutes après, je déambulais avec ma valise sur La Canebière. On est presque toujours déçu par les rues dont on a beaucoup entendu parler. Moi non, je n’étais pas déçu. Je marchais avec la foule dans le vent qui jetait sur nous, par rafales rapides, lumières et ondées. Et cette légèreté qui me venait de la faim et de l’épuisement se mua en une légèreté sublime, magnifique, créée tout exprès pour ce vent qui m’emportait toujours plus vite jusqu’au bas de la rue. Quand je compris que ce scintillement bleu, au bout de la Canebière c’était la mer, le Vieux-Port, je ressentis enfin, pour la première fois après tant d’absurdités et de misères, le seul vrai bonheur qui reste accessible à chaque être, à chaque seconde le bonheur de vivre
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Enfin, elle découvrit, un peu à l’écart, nos trois tables. Elle regarda attentivement les gens qui y étaient assis. Pour aussi absurde que cela paraisse, j’eus un moment l’impression que c’était moi qu’elle cherchait. Elle me regarda, moi aussi, mais d’un œil vide. Je fus le dernier qu’elle dévisagea. Maintenant, elle sortait pour de bon. Je vis encore une fois sa capuche pointue, dehors, devant la fenêtre.
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Marianne, Leni et moi avions toutes trois enlacé nos bras en un geste de solidarité qui ne faisait que refléter la grande unité de toutes choses sous le soleil. Marianne appuyait toujours sa tête contre celle de Leni. Comment devait-il être possible, plus tard, que pénétrât dans ses pensées la folie mensongère qui leur fit croire, à elle et à son mari, qu'ils détenaient le monopole de l'amour de ce pays et qu'ils pouvaient à bon droit mépriser et dénoncer la jeune fille contre laquelle en cet instant elle s'appuyait ?
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Je sautai sur le pont pour pouvoir m'asseoir tout près du gouvernail. La petite cloche du bateau sonna, on rentra l'amarre, le vapeur tourna. La courbe blanche d'écume étincelante se grava dans le fleuve. Je songeai soudain aux blancs sillons d'écume que toutes sortes de navires, sous toutes sortes de latitudes, avaient creusés dans les mers. Jamais plus un voyage ne devait à ce point me marquer de son caractère à la fois éphémère et définitif, jamais plus l'eau ne devait me paraître à ce point insondable et pourtant toute proche.
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A l'inverse de ce qui arrive d'habitude, le professeur vit mourir tous ses jeunes élèves les uns après les autres, au cours de la guerre qui suivit et de la guerre actuelle, qu'ils fussent dans les régiments noir-blanc-rouge ou dans les régiments à croix gammée. Il traversa, lui, tous ces événements sans le moindre mal. Car, peu à peu, il devint trop vieux non seulement pour se battre, mais aussi pour émettre des propos susceptibles de le conduire en prison ou au camp de concentration.
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l’essaim de jeune filles serrées les unes contre les autres, qui remontait le fleuve dans la lumière oblique de l’après-midi, faisait partie intégrante du pays
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C’est seulement en des temps où plus rien n’est possible que la vie s’écoule comme une ombre. Mais dans les temps où tout devient possible, c’est là qu’on trouve la vie tout entière et l’anéantissement.
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