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Citations de Anna de Noailles (313)


La vie profonde -

Être dans la nature ainsi qu’un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l’orage,
La sève universelle affluer dans ses mains.

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l’espace.

Sentir dans son cœur vif l’air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre :
- S’élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l’ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise
Laisser du cœur vermeil couler la flamme et l’eau,
Et comme l’aube claire appuyée au coteau
Avoir l’âme qui rêve, au bord du monde assise…

(extrait de "Le Cœur innombrable", 1901)
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Les coeurs voudraient bien se connaître,
Mais l'Amour danse entre les êtres,
Il va de l'une à l'autre attente
Et comme le vent fait aux plantes
Il mêle les douces essences ;
Mais les âmes qui se distancent
Sont plus rapides dans leur course
Que l'air, le parfum et la source
Et cherchent en vain à se prendre,
l'Amour n'est ni joyeux, ni tendre...
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Voici venu le froid radieux de septembre :
Le vent voudrait jouer et entrer dans les chambres ;
Mais la maison a l'air sévère, ce matin,
Et le laisse dehors qui sanglote au jardin.

Comme toutes les voix de l'été se sont tues !
Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ?
Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois
Que la bise grelotte et que l'eau même a froid.

Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;
Elles voudraient aller où les oiseaux s'envolent,
Mais le vent les reprend et barre leur chemin :
Elles iront mourir sur les étangs demain.

Le silence est léger et calme ; par minute
Le vent passe au travers comme un joueur de flûte ;
et puis tout redevient encore silencieux,
et l'Amour qui jouait sous la bonté des cieux

S'en revient pour chauffer devant le feu qui flambe
Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes,
Et la vieille maison qu'il va transfigurer
Tressaille et s'attendrit de le sentir entrer.
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La vie profonde

Etre dans la nature ainsi qu’un arbre humain,
Etendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l’orage,
La sève universelle affluer dans ses mains.

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l’espace.

Sentir dans son coeur vif l’air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre :
– S’élever au réel et pencher au mystère,
Etre le jour qui monte et l’ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise
Laisser du coeur vermeil couler la flamme et l’eau,
Et comme l’aube claire appuyée au coteau
Avoir l’âme qui rêve, au bord du monde assise.

(Extrait du recueil "Le coeur innombrable")
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Anna de Noailles
LES PARFUMS

Mon cœur est un palais plein de parfums flottants
Qui s’endorment parfois aux plis de ma mémoire,
Et le brusque réveil de leurs bouquets latents
— Sachets glissés au coin de la profonde armoire —
Soulève le linceul de mes plaisirs défunts
Et délie en pleurant leurs tristes bandelettes…
Puissance exquise, dieux évocateurs, parfums,
Laissez fumer vers moi vos riches cassolettes !

Parfum des fleurs d’avril, senteur des fenaisons,
Odeur du premier feu dans les chambres humides,
Arômes épandus dans les vieilles maisons
Et pâmés au velours des tentures rigides ;
Apaisante saveur qui s’échappe du four,
Parfum qui s’alanguit aux sombres reliures,
Souvenir effacé de notre jeune amour
Qui s’éveille et soupire au goût des chevelures ;
Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal,
Douceur du grain d’encens qui fait qu’on s’humilie,
Extrait de l’iris bleu, poussière de santal,
Parfums exaspérés de la terre amollie ;
Souffle des mers chargé de varech et de sel,
Tiède enveloppement de la grange bondée ;
Torpeur claustrale éparse aux pages du missel,
Acre ferment du sol qui fume après l’ondée ;
Odeur des bois à l’aube et des chauds espaliers,
Enivrante fraîcheur qui coule des lessives,
Baumes vivifiants aux parfums familiers,
Vapeur du thé qui chante en montant aux solives !

— J’ai dans mon cœur un parc où s’égarent mes maux,
Des vases transparents où le lilas se fane,
Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux,
Des flacons de poison et d’essence profane.
Des fruits trop tôt cueillis mûrissent lentement
En un coin retiré sur des nattes de paille,
Et l’arôme subtil de leur avortement
Se dégage au travers d’une invisible entaille…
— Et mon fixe regard qui veille dans la nuit
Sait un caveau secret que la myrrhe parfume,
Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit,
Est un amas de cendre encor chaude qui fume.
— Je vais buvant l’haleine et les fluidités
Des odorants frissons que le vent éparpille,
Et j’ai fait de mon cœur, aux pieds des voluptés,
Un vase d’Orient où brûle une pastille…





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La journée heureuse.

Voici que je défaille et tremble de vous voir,
Bel été qui venez jouer et vous asseoir
Dans le jardin feuillu, sous l’arbre et la tonnelle.
Comme votre douceur sur mon âme ruisselle !
Je retrouve le pré, l’étang, les noyers ronds,
Les rosiers vifs avec leurs vols de moucherons,
Le sapin dont l’écorce est résineuse et chaude ;
Tout le miel de l’été aromatise et rôde
Dans le vent qui se pend aux fleurs comme un essaim.
On voit déjà gonfler et mûrir le raisin ;
L’odeur du blé nombreux se lève de la terre,
Le jour est abondant et pur, l’air désaltère
Comme l’eau que l’on boit à l’ombre dans les puits,
Le jardin se repose, enfermé dans son buis…
Ah ! moment délicat et tendre de l’année,
Je vais vous respirer tout au long des journées
Et presser sur mon coeur les moissons du chemin ;
Je vais aller goûter et prendre dans mes mains
Le bois, les sources d’eaux, la haie et ses épines.
Et, lorsque sur le bord rosissant des collines
Vous irez descendant et mourant, beau soleil,
Je reviendrai, suivant dans l’air calme et vermeil
La route du silence et de l’odeur fruitière,
Au potager fleuri, plein d’herbes familières,
Heureuse de trouver, au cher instant du soir,
Le jardin sommeillant, l’eau fraîche, et l’arrosoir…
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Etre dans la nature ainsi qu'un arbre humain,
Etendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,
La sève universelle affluer dans ses mains.

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l'espace.

Sentir dans son coeur vif l'air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre :
- S'élever au réel et pencher au mystère,
Etre le jour qui monte et l'ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise
Laisser du coeur vermeil couler la flamme et l'eau,
Et comme l'aube claire appuyée au coteau
Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise...
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LE TEMPS DE VIVRE

Déjà la vie ardente incline vers le soir,
Respire ta jeunesse,
Le temps est court qui va de la vigne au pressoir,
De l'aube au jour qui baisse.

Garde ton âme ouverte aux parfums d'alentour,
Aux mouvements de l'onde,
Aime l'effort, l'espoir, l'orgueil, aime l'amour,
C'est la chose profonde ;

Combien s'en sont allés de tous les cœurs vivants
Au séjour solitaire
Sans avoir bu le miel ni respiré le vent
Des matins de la terre,

Combien s'en sont allés qui ce soir sont pareils
Aux racines des ronces,
Et qui n'ont pas goûté la vie où le soleil
Se déploie et s'enfonce.

Ils n'ont pas répandu les essences et l'or
Dont leurs mains étaient pleines,
Les voici maintenant dans cette ombre où l'on dort
Sans rêve et sans haleine.

Toi, vis, sois innombrable à force de désirs,
De frissons et d'extase,
Penche sur les chemins, où l'homme doit servir,
Ton âme comme un vase ;

Mêlée aux jeux des jours, presse contre ton sein
La vie âpre et farouche ;
Que la joie et l'amour chantent comme un essaim
D'abeilles sur ta bouche.

Et puis regarde fuir, sans regret ni tourment,
Les rives infidèles,
Ayant donné ton cœur et ton consentement
A la nuit éternelle...
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Il était là, je tenais sa main, j’étais contente, et maintenant ma conscience s’inquiète. La conscience, c’est une tristesse qu’on éprouve après un acte qu’on vient de faire et qu’on referait encore…
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Je sais que je suis jolie, que je suis jeune, je le sens. Je sens ma vie et ma jeunesse à chaque minute ; je sais que j’ai, sous ma robe droite, mon corps qui est doux, mes jambes qui ont des mouvements. Je n’y avais jamais pensé. Je croyais que des religieuses ne sont toujours que des religieuses ; mais maintenant je sais que, quand elles n’ont plus leur robe, ni leur linge, elles sont nues.
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Il fera longtemps clair ce soir


Il fera longtemps clair ce soir, les jours allongent.
La rumeur du jour vif se disperse et s’enfuit,
Et les arbres, surpris de ne pas voir la nuit,
Demeurent éveillés dans le soir blanc, et songent…

Les marronniers, sur l’air plein d’or et de lourdeur,
Répandent leurs parfums et semblent les étendre ;
On n’ose pas marcher ni remuer l’air tendre
De peur de déranger le sommeil des odeurs.

De lointains roulements arrivent de la ville…
La poussière qu’un peu de brise soulevait,
Quittant l’arbre mouvant et las qu’elle revêt,
Redescend doucement sur les chemins tranquilles ;

Nous avons toujours l’habitude de voir
Cette route si simple et si souvent suivie,
Et pourtant quelque chose est changée dans la vie ;
Nous n’aurons plus jamais notre âme de ce soir…
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Offrande à la nature


[…]

J’ai porté vos soleils ainsi qu’une couronne
Sur mon front plein d’orgueil et de simplicité,
Mes jeux ont égalé les travaux de l’automne
Et j’ai pleuré d’amour aux bras de vos étés.


Je suis venue à vous sans peur et sans prudence
Vous donnant ma raison pour le bien et le mal,
Ayant pour toute joie et toute connaissance
Votre âme impétueuse aux ruses d’animal.


Comme une fleur ouverte où logent des abeilles
Ma vie a répandu des parfums et des chants,
Et mon cœur matineux est comme une corbeille
Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.


Soumise ainsi que l’onde où l’arbre se reflète,
J’ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au cœur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir.


Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature.
Oh ! faut-il que mes yeux s’emplissent d’ombre un jour,
Et que j’aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l’amour.
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L’Offrande à la nature

Nature au cœur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n’aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses,
L’eau luisante et la terre où la vie a germé.

La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains,
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.
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Le secret que je te promets et qui trahit les femmes, le voici, mon amour ; s’il te plaît de t’assurer de leur passion, de leur attachement, retire-leur un instant ton coeur, tourmente-les, rends-les jalouses, infuse en elle le doute, fais-les souffrir, fût-ce un peu, fût-ce à peine, et ces fronts contents et fiers ploieront sans force sous le joug affreux de la confiance perdue, et des pleurs calmes et stupéfaits descendront sur ces beaux visages, et tu ne verras plus devant toi que l’Eve lamentable qui est née humblement du corps généreux d’Adam.
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Anna de Noailles
C’est l’hiver, le ciel semble un toit

C’est l’hiver, le ciel semble un toit
D’ardoise froide et nébuleuse,
Je suis moins triste et moins heureuse.
Je ne suis plus ivre de toi!

Je me sens restreinte et savante,
Sans rêve, mais comprenant tout.
Ta gentillesse décevante
Me frappe, mais à faibles coups.

Je sais ma force et je raisonne,
Il me semble que mon amour
Apporte un radieux secours
À ta belle et triste personne.

— Mais lorsque renaîtra l’été
Avec ses souffles bleus et lisses,
Quand la nature agitatrice
Exigera la volupté,

Ou le bonheur plus grand encore
De dépasser ce brusque émoi,
— Quand les jours chauds, brillants, sonores
Prendront ton parti contre moi,

Que ferai-je de mon courage
À goûter cette heureuse mort
Qu’au chaud velours de ton visage
J’aborde, je bois et je mords?…
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Octobre, et son odeur de vent, de brou de noix,
D'herbage, de fumée et de froides châtaignes,
Répand comme un torrent l'alerte désarroi
Du feuillage arraché et des fleurs qui s'éteignent. (...)

Les rosiers emmêlés aux rayons blancs du jour,
Les dalhias, voilés de gouttes d'eau pesantes,
Sont encore encerclés de guêpes bruissantes,
Mais la rouille du temps les gagne tour à tour.
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AMOUR

Ô mon amî, ô ma vérité, quoi de plus dépouillé que toi et moi, de plus nu, de plus livré l’un à l’autre, de plus semblable que toi et moi au meurtrier qui s’endort, dans la nuit du crime, sur l’épaule de la femme qui lui a prêté dans l’ombre un monstrueux secours ?
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Amour, pourquoi toujours mêler ton nom divin
À la mort sombre et négative ?
Toi seul es évident, tout autre espoir est vain,
Rien n’est rien, hormis ceux qui vivent.

Toi seul poses l’empreinte allègre de tes pas
Sur la cruelle et sourde terre.
Tout est brutal et froid. — Toi seul es un mystère,
Puisque la mort n’existe pas !...
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Un poème pour fêter l'accalmie, pour chanter la fin de la canicule en région parisienne :

Dieu merci,la pluie est tombée
En de fluides longues flèches,
La rue est comme un bain d'eau fraîche,
Toute fatigue est décourbée.

Les réverbères qui s'allument
Par cette nuit lourde et mouillée,
Brillent dans la ville embrouillée
Comme des phares sur la brume.

Un parfum de verdure nage
Dans toute cette eau renversée;
A petites gouttes pressées
L'été s'évade du naufrage.

On voit des gens à leur fenêtre
Qui, le corps et le rêve en peine,
Respiraient et vivaient à peine,
Et que l'ondée a fait renaître.

La journée était moite et lente
Et couvait trop son rude orage;
Maintenant l'esprit calme et sage
Se trempe d'eau comme une plante.

L'âme était sèche, âcre et rampante,
L'éclair y préparait sa course;
L'air est dans l'air comme une source,
D'humides courants frais serpentent,

Tout se repose et tout s'apaise,
Tout rentre dans l'ombre et le somme,
Tandis que meurt au coeur de l'homme
Le feu des volontés mauvaises.

Anna de Noailles (1876-1933) L'ombre des jours.
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Anna de Noailles
La mort dit à l’homme…

Voici que vous avez assez souffert, pauvre homme,
Assez connu l’amour, le désir, le dégoût,
L’âpreté du vouloir et la torpeur des sommes,
L’orgueil d’être vivant et de pleurer debout…

Que voulez-vous savoir qui soit plus délectable
Que la douceur des jours que vous avez tenus,
Quittez le temps, quittez la maison et la table ;
Vous serez sans regret ni peur d’être venu.

J’emplirai votre coeur, vos mains et votre bouche
D’un repos si profond, si chaud et si pesant,
Que le soleil, la pluie et l’orage farouche
Ne réveilleront pas votre âme et votre sang.

- Pauvre âme, comme au jour où vous n’étiez pas née,
Vous serez pleine d’ombre et de plaisant oubli,
D’autres iront alors par les rudes journées
Pleurant aux creux des mains, des tombes et des lits.

D’autres iront en proie au douloureux vertige
Des profondes amours et du destin amer,
Et vous serez alors la sève dans les tiges,
La rose du rosier et le sel de la mer.

D’autres iront blessés de désir et de rêve
Et leurs gestes feront de la douleur dans l’air,
Mais vous ne saurez pas que le matin se lève,
Qu’il faut revivre encore, qu’il fait jour, qu’il fait clair.

Ils iront retenant leur âme qui chancelle
Et trébuchant ainsi qu’un homme pris de vin ;
- Et vous serez alors dans ma nuit éternelle,
Dans ma calme maison, dans mon jardin divin…
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