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Citations de Anne Le Maître (31)


Page 63 :
Rencontre, encore. Un jour, sur un de ces chemins de l'heureux pays mâconnais, piqué d'églises romanes et de pâtures, que j'aime à parcourir une fois l'an comme on parcourt ses terres, j'ai rencontré la Joie.
Il était tôt encore, la rosée matinale n'avait pas fini de mouiller mes chaussures. Je revenais de la forêt où j'étais allée rendre hommage à l'un des seigneurs du lieu, un châtaignier vénérable dont les fruits nourrissaient sans doute déjà bêtes et gens au temps de Louis XVI. Comme je débouchais à la lisière du bois, mon regard fut attiré par un corbeau. Juché, noir, sur un piquet de clôture, il fixait le pré sur ma gauche d'un oeil brillant. C'est l'intérêt dont il faisait preuve qui m'a intriguée : clairement, il y avait là quelque chose à voir.
De fait. Parmi les herbes hautes et détrempées, pelage roux, ventre beige sur des pattes sombres, un jeune renard dansait dans le soleil. Il s'élançait, faisait des bonds et des sauts de carpe, tournait follement sur lui-même.
Longtemps le corbeau et moi-même sommes restés à le regarder. Tout à sa joie, il ne nous a pas vus.
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Page 139
De la cour à la ruelle, du jardin au sentier il n'y a qu'un pas : il suffit de pousser la porte, de passer le mur. Comme le trèfle et comme l'ortie, ces aventuriers sans foi ni loi, faisons fi des barrières et prenons le maquis.
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Calendrier des récoltes : en Bourgogne on ne va plus aux jonquilles ni aux mûres mais aux cornouilles et aux cèpes, dont le fumet boisé se combine à celui des pommes sures pour composer la senteur de l’automne.
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Dans le plein silence, dans cette présence au monde que je rêve la plus nue et la plus apaisée possible, le réel entier me rejoint. Ce ne sont plus seulement mes frères humains à qui je fais place mais voici mes frères non-humains : les arbres et les herbes, les oiseaux et les insectes, les éveillés à plumes, à poils et à écailles… Je sens battre ma vie et, parce que j’en suis consciente, viennent à ma conscience toutes ces vies qui ne sont les miennes et qui toutes ensemble battent, pulsent, et chantent et s’agitent et font avec moi monde commun. Le matin bruit de battements d’ailes, de grattements de froissements. Le hérisson ronchonne sous le laurier, les fleurs de lilas se défroissent imperceptiblement. Le ver de terre pousse son tunnel sous les tulipes, trois hérons remontent la rivière et en haut du sapin le merle s’égosille ; autour de moi la ville s’éveille. Je ne suis qu’une poussière dans le vivant multiple.

Jamais seule.

Oui : je me tais et voici que tout me parle.
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Chut. Marquons une pause, taisons-nous un peu. Offrons parfois, si peu que cela soit, la possibilité d’une écoute. Faisons place à la parole de l’autre. Donnons à sa voix et à ses mots vrais une chance d’émerger : « Et toi, comment vas-tu aujourd’hui ? Mon ami, mon frère, qu’as-tu à me dire ? Comment va ta vie ? Qui es-tu ?…
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Début octobre, les feuilles des marronniers envahissent les trottoirs et au réveil, quand j’ouvre mes volets, les petits matins sentent la mousse et le brouillard. C’est le temps des premières flambées et des dernières confitures, gelées de pomme et de coing couleur de cuivre qu’on aligne avec soins dans l’ombre des placards.
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Page 20 :
Aussi est-ce à la seule aune de mon corps que je m'en vais mesurer le monde - du haut de mon mètre soixante-sept je le contemple, petite mammifère dressée sur mes pattes de derrière. Deux jambes, le dos droit, la nuque souple : quelque part entre le hêtre et le brin de muguet, j'ai la hauteur d'un églantier ou d'une rose trémière, d'un roseau pas trop grand, d'un lilas poussé à l'ombre.
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L'émerveillement ou l'inquiétude: tout plutôt que l'indifférence, cette mort lente du cœur.
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L'aligot.
De la tomme de Laguiole et des pommes de terre, de la crème et de l'ail : c'est l'aligot, le plat de l'Aubrac, une purée qui file avec malice du plat jusqu'à l'assiette. Il a réconforté plus d'un randonneur qui avait sous-estimé la rudesse du climat de l'Aubrac. D'abord fait avec du pain au Moyen Age, quand les pommes de terre ne figuraient pas au menu des Européens, plat maigre des vendredis sans viande, base alimentaire des buronniers exilés loin des villes, ce mets réconfortant est aujourd'hui un argument supplémentaire pour le développement du tourisme local.
........Prévoir une promenade digestive après le repas.
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» Que rapportes-tu de ton voyage, voyageur ?
As-tu griffures aux jambes ou bleus à l’âme ?
Que nous rapportes-tu de plus que ce hâle léger de ta peau et quelques rides au coin des yeux ?
Je vous rapporte des mots et des couleurs. Voici un bouquet d’émeraude et de cobalt. Voici le carmin d’un épilobe, l’or d’un collier, l’outremer d’un orage. Voici la laque de garance dont était issue par un matin d’hiver la montagne de la Table dominant la baie du Cap où vaguaient cargos et baleines… Et mêlé aux pigments, en même temps que la poussière de la route, c’est le voyage entier que je vous livre. Ce sont les effluves musquées du marché aux étoffes de Dakar, c’est la nuit qui tombe en longs accords d’orgue sur les vitraux de l’abbatiale de Conques. C’est la peur mauve du sanglier sous les pins, le froid d’un lac suédois qui noue les muscles des mollets, le baiser d’un brin de chèvrefeuille. Le poids du sac. Le goût du pain tiède. Le craquant d’une pomme. C’est l’empreinte, la moisson, la matière brute, le minerai sortant tout juste de la fosse. Plié sur le dessus de mon bagage, je vous rapporte le temps que j’ai passé à me dépayser. La lenteur des jours. Dix minutes en tête-à-tête avec une fleur. Un quart d’heure sous un chêne à regarder tomber l’averse… »
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Sagesse première, premier enseignement de l'herbe des chemins, de la fleur du sous-bois, du vent qui nous serre elles et moi dans une même étreinte : le trésor de l'être-là. Hic et nunc, ici et maintenant. Toute projection, toute fuite abolie, délivrée du passé comme des incertitudes de l'avenir, je suis invitée à la présence.
Et le monde se dévoile à moi comme ce qu'il est : un espace sacré.
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Tout est plus vivant de devoir mourir. Tel est l'enseignement. Toute vie est dérisoire, et toute vie est en même temps unique, infiniment fragile - la palpitation de la veine - précieuse en raison même de sa fragilité. A l'individualisme qui consacre Narcisse comme centre de son propre univers, je veux substituer l'attention infinie à chaque individu. A chaque humain, à chaque graine qui tente de toutes ses forces de soulever son tombeau de terre brune pour déployer une promesse de fleur.
A ce prix-là, peut-être, nos minuscules et infinies souffrances seront rédimées.
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Bien sûr, c’est une manière de raconter l’histoire ; il y en aurait d’autres. Elle fait sens, cependant, tellement sens qu’elle me porte encore. On peut vivre – on vit le plus souvent – plusieurs histoires à la fois : il n’y a que les romans et les films qui donnent à voir des vies cohérentes, linéaires, qui vont à pas comptés (à pas contés) de la première à la dernière page, de la première image au mot « fin ». Nos vies, ce que nous en savons, ce que nous en disons, sont tout sauf linéaires. Ou plutôt, peut-être, le fil qui se déroule en s’entrelaçant à la trame des jours, des mois, des années, dessine des motifs sin- guliers qu’on ne peut lire qu’en déployant l’étoffe, au moment où l’on quitte du regard l’endroit précis où le fil se noue.
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Être là, enfin.
Au présent.
Quand reflue ma conscience, ne laissant que l’instant jaillir comme une source. Être comme un brun d’herbe parmi d’autres brins d’herbe, malmené par l’hiver, bruni par la neige, secoué par le vent. Être là, sans plus de quand ni de pourquoi.
M’échapper à moi-même.
Et mystérieusement, me rejoindre.
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Le temps, nous l'avons. La question n'est pas d'en gagner ou d'en perdre. La question est d'en faire le meilleur usage possible.
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Toi qui t'es levé, qui as eu le courage de quitter ton quotidien, qui t'es mis en route pour un ailleurs que tu n'imagines qu'imparfaitement, assieds-toi. Savoure le temps qui t'est offert.
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Donne-moi le pays
dur comme le roc
pur comme le givre
blanc comme la neige

Entraîne-moi encore
là où manque le souffle
là où le vent s’éploie
là où mon cœur s’éteint...
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Les thérapeutes le savent bien, qui mettent entre les mains de ceux que la souffrance égare des chats et des fleurs : un jardin est un chemin de guérison.
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Demandez-nous
Le poids du temps
Le prix du vent
Et des orages...
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J’ai donc posé mes bagages dans la maison des castors. Puis, moi qui avais tant marché, tant couru les chemins, je suis allée m’asseoir sous l’arbre, au fond du jardinet en friche.

C’est là que tout s’est passé. Dans l’immobilité. Dans le silence. À l’ombre de la mort, croyais-je alors. Mais il y avait, plus forte que la mort, la présence bienveillante d’un cerisier peuplé d’oiseaux.
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