Anne-Marie Sicotte

Mais tout cela ne signifie pas que la femme est l'égale de l'homme, comme le prétendent certaines. Celles qui affrontent ces messieurs dans un but de reconnaissance de leurs droits (...) renient leur féminité et vont à l'encontre du plan divin, qui est de faire se joindre les humains, dans un esprit de total harmonie.

Dans la belle société, une dame ne travaille pas, point à la ligne ! Ou alors, elle fait partie du menu peuple, et les bourgeoises répugnent maintenant à placer leur délicatesse entre des mains rougies et usées.

Il faut être aveugle, monsieur, pour ne pas voir à quel point les femmes sont fortes. Chaque fois que j'accompagne une femme en couches, j'admire son énergie et sa puissance. Ce qui affaiblit les femmes c'est quand on les transforme en des poupées tout juste bonnes à se vêtir d'une belle robe et à s'asseoir au salon !

les hommes, nos seigneurs et maitres, se comportement envers les femmes avec une étrange cruauté. D'un côté, ils prétendent que les femmes leur sont supérieures et vantent leur perfection en des termes proprement extravagants. De l'autre , dans leur ateliers, leurs magasins ou leurs propres maisons, ils se transforment en tyrans à la tête d'une armée d'esclaves, offrant à la veuve ou à la jeune fille un salaire dérisoire.

Du plus fervent catholique à l'athée fanatique, chacun proclame sa vérité! Pour sa part, Léonie croit au doute; cette pensée étrange lui tire un pauvre sourire. Elle croit au doute. parce que le doute fait rechercher, questionner, avancer. Tandis que les certitudes, elles, signifient la stagnation, l'intolérance...

C'est uniquement parce que Léonie est ereintee, les émotions en suspens, qu'elle peut supporter la proxi mité de sa pauvre grande fille secouée par la bour rasque et de son gendre au visage défait, luttant contre les larmes. Elle est infiniment soulagée que l'affiliction que lui a causée la disparition de son cher Simon ait fini par céder à l'épuisement, car il serait trop périlleux pour elle de côtoyer une telle manifestation de douleur Elle aurait peur de se briser en mille morceaux comme un vase échappéé sur le carrelage...

Depuis les années 1960, plusieurs des voisinages ouvrier qui se sont constitués pendant la grande période d'urbanisation ont disparu, et d'autres ont été modifié. Ils ont abrité en leur sien une vie intense, parfois difficile, que l'on perçoit souvent au détour de photographies officielles de manufactures nouvellement construites, des machines spectaculaires ou des commerces faisant étalage de leur prospérité.

Pour un peu que tout le monde s’y mette, le dix-neuvième siècle sera celui du bonheur universel ! Jusqu’à présent, l’être humain n’a pas encore réussi à créer une société égalitaire ; au contraire, d’ignobles rapports de force existent entre les riches et les pauvres, entre les instruits et les ignorants, qui permettent aux premiers d’imposer leurs lois aux seconds. Si la marche du monde continue sur cette lancée, jamais on ne mettra un frein à l’exploitation de l’homme par l’homme !

Mais ce qui saute au visage de la clientèle, c’est plutôt cette entorse à une coutume à laquelle les riches oisives tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. Passe encore qu’une demoiselle s’adonne à quelque ouvrage utile, de préférence bénévole, mais une dame dont le mari devrait tirer une légitime fierté à lui assurer une existence sans souci aucun… Dans la belle société, une dame ne travaille pas, point à la ligne !

Quand on s'intéresse à la science, reprend Marguerite avec candeur, comment peut-on continuer à croire que c'est Dieu qui a créé l'homme et le monde en six jours? Si la Bible se trompe sur ce sujet, peut-être qu'elle s'est trompée sur d'autres...

Aucun système de pensée, proteste Simon, n'est digne de se répandre au sein de l'humanité s'il ne peut être soumis à l'examen de la raison, s'il ne peut être tout de bon discuté, analysé, comparé.

L'homme reste le même, partout et de tout temps. S'il peut s'enrichir et jouir de ses possessions et de ses privilèges, il le fera.

Il paraît que, sans les lumières de la religion catholique, les hommes, et surtout les femmes, sont incapables de gouverner leur vie et de décider de leurs actes.

La fierté d'être Canadien de langue française, quant à elle, se replie dans un nationalisme étroit, sous le contrôle d'un clergé catholique triomphant. Les gens ont appris à la dure que la liberté d'expression était une chimère.

Loin d'être uniforme, le mouvement de résistance populaire épouse une géographie politique et sociale variable. En gros, le district de Montréal est plus affirmé dans ses revendications que celui de Québec, porté à atermoyer et à se laisser dominer, à cause de son statut de siège de l'Exécutif de la colonie et du haut commandement militaire.

La France et la Grande-Bretagne sont des nations ennemies séculaires. Bon an mal an, les Britanniques qui administrent la Province of Quebec assimilent les Canadiens parlant français à des traîtres et à des révolutionnaires.

Comptoir commercial, le Canada est dirigé par un aréopage sélect formé d'un nobliau anglais doté du titre de gouverneur et de deux conseils encombrés de marchands venus faire fortune. Comme bien d'autres, Louis-Joseph Papineau le dénoncera.

Si on avait plus de poésie dans nos vies, soupire Léonie, on aurait moins besoin de religion. 48

1845.
Que lui reste t-il comme choix? Toutes les positions de clercs, de comptables et de rédacteurs sont réservées aux hommes. Quant à étudier la science médicale... aucun médecin n'accepterait une femme comme apprentie, et aucune école de médecin n'admettrait une femme comme élève.

Tous les hommes d’envergure du bourg le proclament: la législature doit être convoquée instamment. Dans cette colonie corrompue, seule la chambre basse peut faire office de tribunal impartial! Car le verdict de la cour du coroner le prouve: le district tout entier semble livré aux égorgeurs. P. 554