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Citations de Anne Révah (64)


L’utilisation d’Internet faisant disparaître, à l’insu même du patient et de son médecin, la possibilité de dire les choses comme elles sont au profit de dire les choses comme d’autres les rapportent. Cela ramène de la connaissance au lieu d’entendre du vécu.
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Il ne fallait pas poser de question, faire comme Myor, un homme devait être seul à décider de ce qu'il voulait bien qu'on sache de lui, c'était une régle irréductible, on était maître de son histoire, en tout cas de la partie partageable de celle-ci, et personne ne pouvait vouloir s'approprier un récit par la force, l'insistance, l'intrusion.
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Elle se souvenait qu'en seconde année de médecine, un professeur d'histologie, farouche opposant à l'IVG, catholique traditionaliste, avait organisé dans le grand théâtre de sa faculté un débat piégé sur l'IVG. Bénédicte avait à peine vingt ans.
Il leur avait fait un mauvais discours introductif, un rictus lui tordait la bouche et ses cheveux lissés vers l'arrière lui donnaient un air sévère.
Il leur avait expliqué que l'IVG était une boucherie inhumaine, une extermination, et puis pour étayer son faible propos, il leur avait montré un film, on y voyait de l'intérieur une aspiration, un tube dans un utérus qui enlevait le foetus, le disloquait. Elle avait eu envie de vomir. Les étudiants avaient sifflé devant l'écran géant qui leur vomissait dessus en noir et blanc. Ils avaient poussé des cris, traité l'histologiste manipulateur de fasciste. Et puis dans un brouhaha assourdissant, une voix plus ferme avait réclamé le silence, pour qu'un débat puisse avoir lieu.
(p. 127-128)
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Tu es convaincue que ça va recommencer, tu ne sais pas quand, mais tu y retourneras, parce que la brèche s’est ouverte, elle ne se refermera pas complètement, et aux prochaines difficultés importantes de l’existence, tu risques de reprendre le même chemin, comme une aspiration par la brèche constituée.
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Guillaume avait dit au docteur Flévine qu'ils ne voudraient pas « le » voir, qu'ils ne voudraient pas savoir si c'était un garçon ou une fille, qu'ils n'étaient pas capables d'en savoir quelque chose, qu'il faudrait qu'on les laisse tranquilles, que personne ne devrait plus leur parler de tout ça. Il pleurait.
(p. 107)
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J'ai pris les mots d'assaut. Je les ai érigés en digues, puissantes protections agencées contre mon enlisement. Avec les mots j'ai pu faire comme si je savais. Avec habileté et obstination, j'ai proclamé, distribué des sentences, montrant sans faillir que je savais, tout, presque tout, sur tout. Je disais sans retenue, je pouvais en toutes circonstances montrer que j'avais un avis, n'importe quel avis, peu importait le contenu, il fallait que cela ressemble à une conviction, infiniment construite, une pensée si fortement ancrée, l'autre me regardait émerveillé devant tant d'aplomb et de désinvolture. J'attirais l'attention avec une souplesse enviable, je me donnais à entendre. Pendant la traversée des jours, je posais des mots et des actes tout autour de moi, j'étais visible, vivante.

Qui peut faire le tri parmi tout ce que j'ai mis en ordre apparent. J'ai vécu dissimulée. Je me suis déguisée. Les autres n'ont que peu compté dans cette affaire. Rien ne m'enthousiasmait plus que le miroitement de mon visage dans leurs yeux, et les échos de mes mots. Je me suis imposée à eux pour ne pas tomber dans le vide offensif en mon creux. Il y avait tous ces moments noyés dans le rien, ces flottements menaçants où je prenais la mesure de mon inquiétante vacuité. Alors, avec opiniâtreté, j'installais des mots, des idées, j'empoignais chez d'autres les morceaux de certitude dont j'avais besoin pour inventer et tisser une mise en scène qui puisse être un peu moi.
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Ce qui existe dans les hôpitaux n’est pas de la médecine, c’est la distribution plus ou moins réussie de traitements qu’on compte pour ce qu’ils rapportent à l’hôpital.
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Il y avait eu un processus psychologique, un état difficile à décrire où le corps n'avait pas entendu ce qui se passait en lui. Mais voilà qu'à la seconde où la gynécologue lui confirmait d'une voix ferme et chaleureuse qu'elle était enceinte, Bénédicte ouvrait ses yeux sur ce qui venait de se passer en elle pendant des semaines. Jusque-là elle n'avait pas vu, pas senti, pas reconnu les signes de la grossesse, et pourtant au fond, elle savait très bien, elle avait pleinement su, senti, sans rien pouvoir reconnaître. Elle avait su, dans l'ignorance qu'une partie d'elle avait cherché à lui ordonner. Elle s'était soumise à l'ignorance imposée, elle avait obéi à la partie d'elle qui ne voulait pas d'enfant. Parce qu'une partie d'elle n'avait pas voulu d'enfant, mais pas du tout, pas maintenant, pas d'enfant, et c'était tout son corps qui avait fait en sorte de ne pas voir, de ne pas sentir.
(p. 43-44)
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Au début il n'y avait que de la tristesse, et un tout petit peu d'espoir que tout s'arrange finalement, puis progressivement il y avait eu un effondrement invisible, l'installation d'une tristesse incommunicable, sans larme, et enfin il y avait eu la phase des larmes ininterrompues, une tristesse sans tristesse. La dissolution. Elle avait entendu ce mot pour l'Assemblée nationale, dissolution, c'était ce qu'elle vivait, elle ne pouvait pas l'expliquer avec des phrases, des détails, des métaphores, c'était physique.
(p. 109-110)
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J'avais peut-être, dans mon obsession, ma peur de la perdre, fabriqué de toutes pièces des souvenirs de Patricia, qui avaient l'air d'être la réalité de mon passé vécu avec elle, en fait, je ne savais plus. Par mes propres efforts, j'avais rendu ma mémoire incertaine, mais au moins, depuis mes quatorze ans, mon amour pour Patricia n'avait subi aucune épreuve.
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Il était empli d'une gratitude dont les manifestations étaient peut-être insuffisantes, mais que chacun devait pouvoir percevoir dans le creux de sa voix.
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Magnifique livre qui m a fais penser un peu a Veronique Olmi.
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Il faut aimer les fous pour qu’ils restent humains, les aimer encore pour les regarder, les écouter, les porter. Tu as trouvé de l’amour comme ça toi aussi, il y en a eu, beaucoup, heureusement, sinon tu errerais toujours dans un monde effrayant.
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Seules la bonté universelle et l’intégrité peuvent établir en nous cette harmonie mentale qui conduit à la paix intérieure. (Jules Cotard).
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J'ai arrêté d'écouter, je n'entendais plus rien, un silence brutal. Quatre taches claires taches claires trouaient mes masses cérébrales, envahissaient mes oreilles, mes yeux, ma respiration. J'ai recompté plusieurs fois : quatre trous de lumières vibraient sous mes yeux. J'y ai perdu la voix du neurologue. J'étais sans doute malade, c'est ce que j'avais compris. Le plan de Manhattan sur mon avant-bras était le signe d'une guerre cérébrale peut-être déjà engagée, presque muette mais réelle, quelque chose de larvé, de torve. J'ai senti que mes yeux regardais le monde à distance.
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« Et à quoi ressemblait le jour de certitude? Une sensation nouvelle en son creux, une amertume épicée dans la bouche, une pesanteur dans la poitrine rebelle et délicieuse, un grésillement dans les oreilles, musical, vertigineux, une senteur déployée, tenace dans les narines, un tremblement des lèvres sur une phrase comme un spasme irrésistible, une évidence de la pensée, anguleuse, une joie presque lourde, encombrante. En ouvrant les yeux, en les refermant, en respirant l’air de la terrasse, en mangeant, en marchant, en levant la tête vers le ciel de nuit sans lune, en faisant résonner le bois de la terrasse sous les pas. Une certitude en creux. Debout face au spectacle bouleversant des six montagnes. »
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je veux vivre ce qui vient avec soulagement............
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Ce quotidien plongé dans le temps et son extension, ces longues listes qu’on égrène. Ma vie est un découpage du temps qui ne s’ignore pas, s’accroche à mes pas. Je connais mes heures et l’encombrement de mes jours. C’est si simple. Il y a une chose que je sais, j’aime la lumière du jour, ses rythmes et ses éclats. J’ai peur de la nuit. Elle efface les contours, elle perd ceux qui y traînent
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Le délire t’appartient, il vient de toi, personne ne l’a produit à ta place, il faut le reconnaître comme étant une part de toi-même, une part que tu ne dois pas négliger, si tu veux éviter que cela recommence, tu dois te le réapproprier, cesser de le regarder comme une donnée étrangère dont tu aurais été la victime, tu n’es victime de rien, ni de personne à part de toi-même, tu ne l’as pas décidé mais le désordre est en toi et à toi. D’ailleurs, il n’y aurait pas eu une douleur totale, des angoisses sidérantes, avoir été en dehors du monde n’aurait pas été un problème, au contraire. Un autre monde ce n’est pas une mauvaise chose en soi, ça a certains avantages, l’ailleurs, un vrai voyage, si on en revient, parce que si l’on reste coincé ailleurs c’est un problème, mais si on peut ainsi s’absenter, voir le monde autrement, voir des choses invisibles à l’œil nu, voir l’intérieur de soi étalé au-dehors. Un mouvement indicible t’a conduite vers ton délire, c’est bien ton délire, le chamboulement des sensations, des voix, des corps, c’est ton ouvrage, pas une œuvre.
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La marche lente, le regard absent, les gestes pris dans une gangue, tous les mouvements du corps ralentis, la tête et les yeux qui ont un moment de décalage quand ils se déplacent, le corps légèrement penché en avant, des tremblements de la main qui tient le verre. C’est comme ça que les autres te voient. C’est comme ça qu’on sait que tu prends des neuroleptiques.
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