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Citations de Anthony Doerr (484)


Kalapathes avait peut-être raison, dans le fond: il se peut bien qu'une obscure magie vive entre les pages des vieux livres. Tant qu'il lui restera des phrases à lire à sa sœur, tant qu'Aethon s'obstinera dans son périple insensé, poursuivant à tire-d'aile son rêve dans les nuages, les remparts de la ville résisteront peut-être; il est possible que la mort demeure un jour de plus à la porte.
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Tant qu'Anna poursuit sa lecture, Maria semble apaisée, le visage serein, comme si, au lieu d'écouter un conte absurde dans une cellule humide au cœur d'une ville assiégée, elle se trouvait déjà dans les jardins de l'au-delà, bercée par les cantiques des anges; Anna se rappelle alors ce que lui disait Licinius : raconter une histoire est une façon d'étirer le temps.
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Il dessine un tsunami prenant une ville d'assaut. Des bonshommes en bâtons s'échappent des maisons ou sautent par les fenêtres. Au-dessus, il écrit : CLUB DE SENSIBILISATION À L'ENVIRONNEMENT, LE MARDI ENTRE MIDI ET DEUX, SALLE 114. Et il ajoute sous le dessin : TROP TARD POUR RÉAGIR, BANDE DE CONS ? Mrs Tweedy l'oblige à supprimer « BANDE DE CONS » avant d'imprimer des copies sur la machine du personnel enseignant.
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– Voici votre uniforme de parade, votre uniforme d’exercice, votre tenue de gymnastique. Bretelles croisées dans le dos, parallèles devant. Manches retroussées aux coudes. Chacun de vous devra porter un poignard dans son fourreau, à sa ceinture, du côté droit. Levez le bras droit pour vous signaler. Alignez-vous toujours par rang de dix. Ni livre ni cigarettes ni aliments ni effets personnels – rien dans les casiers à part les uniformes, brodequins, couteau, cirage. Plus un mot après l’extinction des feux. Les lettres aux familles seront postées le mercredi. Vous vous dépouillerez de votre faiblesse, de votre lâcheté, de vos hésitations. Vous deviendrez comme une chute d’eau, une rafale de balles – vous vous précipiterez tous dans la même direction, au même pas, vers la même cause. Vous oublierez votre confort, vous ne penserez qu’à votre devoir. La nation sera votre seule et unique raison de vivre. Compris ?

- Oui, hurlent-ils.

Ils sont quatre cents, en plus des trente instructeurs et des cinquante membres du personnel, sous-officiers et cuistots, palefreniers et gardiens. Certains cadets ont tout juste neuf ans. Les plus âgés, dix-sept. Visages juvéniles, nez pointu, menton pointu. Yeux bleus – forcément bleus.

[...]

Chacun est une motte de glaise et le potier qu’est le corpulent et rougeaud commandant façonne quatre cents pots identiques.
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Dans son imagination, ses rêves, tout a une couleur. Les bâtiments du musée sont beiges, châtains, noisette. Les savants qui y travaillent sont lilas, jaune citron, et brun-rouge. Des accords de piano restent suspendus dans le haut-parleur du petit poste TSF chez les gardiens, projetant leurs superbes noirs et leurs bleus compliqués dans le couloir, en direction du dépôt des clés. Les cloches d’église envoient des arcs bronze qui se répercutent contre les fenêtres. Les abeilles sont argentées. Les pigeons, roux, auburn, voire dorés. Les immenses cyprès devant lesquels ils passent tous les matins sont de chatoyants kaléidoscopes – chaque aiguille est un polygone de lumière.
Elle n’a pas de souvenirs de sa mère, mais l’imagine comme une brillance blanche, silencieuse. De son père irradient mille couleurs, opale, rouge fraise, feuille-morte, vert sauvage ; une odeur d’huile et de métal, la sensation d’un pêne qui s’enclenche dans sa gâchette, le bruit de son trousseau de clés qui tinte pendant qu’il marche. Il est vert olive quand il parle à un chef de service, un crescendo d’orange quand il s’adresse à Mlle Fleury qui travaille aux grandes serres, un rouge vif quand il tente de cuisiner. Il est d’un incandescent bleu saphir quand il se met à son établi, le soir, et fredonne tout bas en travaillant – le bout de sa cigarette est d’un bleu prismatique.
Les sourds, ils entendent battre leur cœur, Frau Elena ? Pourquoi la colle ne se colle pas à la paroi du flacon ?
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Ainsi font les dieux, ils tissent les fils du désastre à l'étoffe de nos vies, afin d'inspirer un chant pour les générations à venir.
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Vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la Terre n'est à personne.
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À chaque signe correspond un son, associer les sons revient à former des mots, et en associant les mots, on finit par bâtir des univers.
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À quinze ans, Seymour est en âge de comprendre que le problème ne se résume pas à l'absence de son père et à ses jeans de seconde main, ni même aux soixante milligrammes d'anxiolytiques qu'il prend tous les matins pour tenir le tumulte en respect : sa différence est beaucoup plus profonde que cela. Les autres garçons de seconde vont chasser le wapiti, fauchent des canettes de Rel Bull à la supérette, fument de l'herbe en haut des pistes de ski ou forment des équipes pour participer à des jeux de combat en ligne. Lui, il se renseigne sur les quantités de méthane stockées dans le permafrost sibérien en train de fondre. Ses lectures sur le déclin des strigidés l'ont orienté vers la déforestation, et, de fil en aiguille, il a découvert l'érosion des sols, la pollution des océans, le blanchissement corallien, réchauffement de la planète, la fonte des glaces et la disparition des espèces; tout se passe beaucoup plus rapidement que ce qu'avaient prévu les scientifiques, chaque système de la planète étant relié à l'ensemble par un réseau de fils invisibles : la pollution en Chine fait vomir les joueurs de cricket de Delhi, les feux de tourbe indonésiens envoient des milliards de tonnes de particules de carbone dans l'atmosphère de la Californie, les méga-feux qui ravagent le bush australien teintent de rose ce qui subsiste des glaciers de Nouvelle-Zélande. Réchauffement de la planète = plus de vapeur d'eau dans l'atmosphère = hausse des températures = encore plus de vapeur d'eau aggravation du réchauffement = fonte du permatrost = davantage de carbone et de méthane séquestrés par le permafrost libérés dans l'atmosphère = hausse des températures = permafrost réduit = moins de glace aux pôles pour absorber l'énergie solaire. Toutes ces études et tous ces arguments sont disponibles à la bibliothèque, mais, pour autant qu'il puisse en juger, Seymour est le seul à s'y intéresser.
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Devoir d'histoire américaine, classe de troisième :
Sans vouloir vous offenser, c’était quand même un peu fort, le chapitre que vous nous avez donné à lire. «Christophe Colomb était un grand bomme», «Les Indiens adoraient Tbanksgiving» – un vrai lavage de cerveau. J'ai trouvé des infos bien plus intéressantes à la bibliothèque
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Si seulement on pouvait guérir aussi facilement qu'on se blesse. Une cheville foulée, un os fracturé – il suffit d'une seconde pour se faire mal. Au fil des heures, des semaines et des années, les cellules du corps travaillent à se reconstituer telles qu'elles étaient juste avant la lésion. Et malgré tout on ne redevient jamais la même personne –pas exactement.
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Omeir s' aperçoit que la haine progresse dans les rangs, pareille à une maladie contagieuse. Trois semaines après le début du siège, il y a déjà des hommes qui ne combattent plus au nom de Dieu ou du sultan, ni même seulement pour assouvir une rage melée d'effroi. Tuer tout le monde. En finir. À certains moments, Omeir lui-même sent la fureur flamber en lui, et il n'a pas d'autre désir que voir le poing ardent de Dieu déchirer le ciel pour broyer un à un les bâtiments de la ville, jusqu'à ce que tous les Grecs soient morts et que lui puisse regagner son village.
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“Un reposoir, dit-il enfin. Tu connais ce mot ? Un lieu de repos. Un texte – un livre – est un lieu de repos pour les souvenirs de ceux qui ont vécu avant nous. Un moyen de préserver la mémoire après que l'âme a poursuivi son voyage.”
Alors il ouvre grand les yeux, comme s'il contemplait le fond des ténèbres infinies.
“Mais les livres meurent, de la même manière que les humains. Ils succombent aux incendies ou aux inondations, à la morsure des vers ou aux caprices des tyrans. Si personne ne se soucie de les conserver, ils disparaissent de ce monde. Et quand un livre disparaît, la mémoire connaît une seconde mort.”
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Tourner la page, se frayer un chemin sur les lignes : le barde se lance et fait apparaître dans votre tête un univers débordant de bruits et de couleurs.
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Le berger de l'histoire s'est transformé en âne par accident, puis en poisson, et le voilà qui nage dans le ventre d'un léviathan, voyageant d'un continent à a l'autre tout en fuyant les monstres qui cherchent à le dévorer : c'est stupide et absurde à la fois ; vraiment, il ne peut pas s'agir du recueil de merveilles dont les Italiens s'étaient mis en quête.
Et pourtant. Lorsque les cadences du grec ancien se réveillent et qu'Anna entre dans l'histoire de la même manière qu'elle entrait dans le prieuré sur le promontoire – un appui pour le pied, une prise pour la main –, le froid humide de la cellule s'évanouit pour céder la place au monde grotesque et bigarré d'Aethon.
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Alors que les hommes, s'assoupissent, Omeir ressent une pointe d'appréhension. Il découvre Clair-de-Lune à la lisière des flammes, en train de tirer sur son licol.
« Qu'est-ce qui ne va pas? »
L'animal le guide vers son jumeau qui paraît tout bancal sur ses pattes arrière, seul sous un arbre.
Le sultan l'a peut-être voulu, Dieu l'a peut-être décrété, mais acheminer un objet aussi lourd sur une distance pareille relève quasiment de l'impossible. Au cours des derniers kilomètres, les bœufs de l'attelage semblent s'enfoncer un peu plus sous terre à chaque pas – on croirait que leur voyage, au lieu de les mener à la Reine des Villes, les entraîne sur une pente qui plonge vers l'autre monde.
Malgré le soin qu'Omeir prend de ses bêtes, Arbre, au terme du périple, rechigne à forcer sur sa patte arrière gauche, tandis que Clair-de-Lune peine à lever la tête : les deux frères ne semblent persévérer que pour contenter Omeir, comme s'ils ne se souciaient plus que de satisfaire cette unique requête, si obscure fût-elle, parce garçon en a décidé ainsi.
Il marche à leur côté, les yeux pleins de larmes.
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À l'atelier, la veuve Théodora interdit aux brodeuses d'evoquer la menace qui se rapproche : elles ne doivent parler que d'aiguilles et de points de broderie, et de la gloire de Dieu. Entourer la lame d'argent de fil coloré, prendre trois fils ainsi préparés, exécuter un point, retourner le métier. Un matin, Théodora félicite solennellement Maria pour la diligence qu'elle a déjà mise à broder cinq des douze oiseaux – un pour chaque apôtre – sur un capuchon de samite qui sera cousu à une chape d'évêque. Maria, dont les doigts tremblent, se penche aussitôt sur son ouvrage, murmurant une prière tandis qu'elle fixe au métier la soie d'un vert éclatant et introduit le fil dans le chas de son aiguille. Anna la regarde, perplexe : si le temps des hommes doit bientôt s'achever, les évêques ont-ils encore besoin de chapes de cérémonie ?
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Au mitan de la traversée, le bestiau qui précède Arbre dérape. Le joug qui le relie à son compagnon l'empêche un moment de basculer, puis on entend se briser l'une de ses pattes, un craquement si fort qu'Omeir le ressent jusque dans sa poitrine. L'animal estropié penche de côté, son voisin beugle, l'attelage entier est dévié vers la gauche, et Omeir sent Arbre et Clair-de-Lune bander leurs muscles pour supporter la charge supplémentaire tandis que les deux bêtes renversées luttent contre le courant. Un conducteur accourt avec une lance, transperçant l'un après l'autre les bœufs qui se débattent, les flots se teintent de sang pendant que les forgerons coupent les chaînes qui retiennent les corps à l'attelage, et les autres conducteurs parcourent la file afin de calmer leurs propres bœufs. Ensuite des cavaliers attachent des chevaux aux cadavres, pour qu'on les tire de l'eau et que leur chair soit débitée; les forgerons réparent la chaîne à même le rivage, où ils ont installé l'enclume et les soufflets, et Omeir, amenant dans l'herbe Arbre et Clair-de-Lune, se demande s'ils ont conscience de ce qui s'est produit.
À la tombée de la nuit, il panse d'abord Arbre, puis son jumeau, et se dit en grattant leurs sabots qu'il refusera de goûter à la viande, par respect pour les animaux ; mais plus tard, quand son fumet s'éève dans l'air froid de la nuit et qu'on distribue les portions. il est incapable de résister. Tout en mangeant, il sent sur lui le poids du ciel en même temps qu'un trouble obscur.
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Chaque journée offre à Omeir un nouvel enseignement sur la négligence des hommes. Certains ne se soucient pas de poser des fers à languette sur les sabots de leurs bœufs ; d'autres ne vérifient même pas l'état des jougs, dont les craquelures écorchent les épaules des bêtes. Il y a ceux qui ne pensent pas à les déharnacher une fois à l'arrêt pour garantir leur repos, et ceux qui ne daignent pas protéger leurs cornes pour éviter qu'ils ne se blessent mutuellement. Sang, souffrances, gémissements – c'est ainsi en permanence.
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