Ashita no Joe est également l'un de ces titres cultes que Glénat nous a fait le plaisir de sortir quand ils ont mis en place dans les années 2010 une collection Vintage qui malheureusement n'a pas eu le succès escomptée. Cependant, elle a eu le mérite pour les lecteurs d'alors de proposer à prix réduits de longues séries cultes et inédites en France de grands auteurs comme Tetsuya Chiba ou Shintaro Ishinomori et bien qu'avec du retard, je suis bien contente de pouvoir à mon tour y plonger.
Ashita no Joe est un titre emblématique du shonen sportif des années 70. Avec 20 tomes dans son édition originale, 13 chez nous, Tetsuya Chiba en s'inspirant des classiques pour enfants comme Rémi sans famille ou des oeuvres sociales à la Dickens, nous fait plonger dans le Japon pauvre de l'après-guerre où les orphelins peinent à s'en sortir et font bêtises sur bêtises dans les quartiers pauvres en périphérie des grandes villes. Mais notre héros, Joe, lui a du talent et il sera remarqué par un ancien boxeur qui va tenter de faire quelque chose de lui. Ce ne sera cependant pas si facile de le faire entendre à cette forte tête.
Avec cette oeuvre, le duo Tetsuya Chiba et Asao Takamori qui est à l'oeuvre va devenir ultra célèbre. Il faut dire que ces hommes des années 30 puisent dans leur vécu d'après-guerre pour nous offrir alors une oeuvre moderne et poignante aux inspirations japonaises comme occidentales qui d'emblée avait tout pour en faire une oeuvre culte. Il y a en effet du Tezuka (des premiers temps) dans la virtuosité de l'introduction de ce jeune héros et des bidonvilles qu'il côtoie, il y a également du Disney et du Charlot dans cette narration archi fluide aux allures un peu cartoonesques si agréable, où nonchalance côtoie misère sociale et message dramatique. Le lecteur de maintenant pourra trouver ça dater, ce n'est pas du tout mon cas, j'ai eu contraire trouvé les dessins et leur mise en scène très moderne, dynamique et percutante, en plus d'être amusante et profonde à la fois. Ashita no Joe, c'est pour moi l'ancêtre moins misérabiliste, plus énergique et lumineux de Rainbow, le titre carcéral de George Abe et Masumi Kakizaki.
Le premier tome faisant plus de 360 pages, c'est quasiment un volume double. Il est donc très dense à lire mais prometteur dès les premières pages. En nous présentant son héros nonchalant et fanfaron qui lutte contre le carcan de cette société qui l'enserre, les auteurs nous mettent directement de son côté. On suit alors d'abord avec amusement ses péripéties dans les bidonvilles tokyoïtes qui vont lui faire rencontrer son futur mentor, mais qui vont aussi nous éclairer sur la personnalité haute en couleur de ce boxeur en puissance, qui aime les entourloupes mais a le coeur sur la main. Autour de lui, c'est tout un Japon miséreux d'après-guerre qui est reconstitué où les gosses errent dans les rues, où les clochards sont nombreux, où l'ivrognerie et les bagarres sont à tous les coins de rue, où les petits boulots sont durs et mal payés et où l'administration est défaillante. Cependant les auteurs malgré cette misère qu'ils décrivent, ne tombent pas dans le cliché misérabiliste, non ils nous montrent avec leur héros une possibilité de voir la lumière.
Car Joe est un peu un rayon de soleil, à chaque ennui il lutte pour trouver une solution et avancer dans la voie qu'il s'est fixée. C'est certes un rebelle dans l'âme qui refuse souvent la main tendue, mais au final il écoute et réalise que ça peut l'aider. Il n'a cependant pas une vie facile, il passe de l'orphelinat, aux foyers, à la rue, aux centres éducatifs mais jamais il ne lâche rien. On a souvent peur pour lui car c'est un milieu très rude, mais il s'en sort toujours avec panache. Et la boxe dans tout ça ? Elle lui tombe dessus par hasard. Au début, ça ne l'intéresse pas, mais petit à petit l'idée creuse son chemin, et surtout sans qu'il s'en rende compte, en quelques coups elle commence à le faire vibrer. La passion est née.
Nous ne sommes cependant aux prémices de cette histoire dans ce premier tome. Les auteurs n'ont fait que nous introduire la personnalité haute en couleur de leur héros si charmant, irritant et complexe à la fois, ainsi que des gens qui vont tourner autour de lui. Ils ont surtout posé le portrait d'un Japon bien rude et misérable où la société était encore bien défaillante vis-à-vis de ses pauvres gens adultes comme enfant. Mais déjà, ils ont posé leur patte avec un style graphique aux fortes inspirations occidentales qui fait mouche par son dynamique et son ton enjoué malgré les vicissitudes qu'ils racontent. Ashita no Joe a donc déjà tout d'un grand titre !
Bonus : Glénat offre de très intéressantes clés de compréhension dans les ultimes pages qui éclairent vraiment sur la vie au Japon à l'époque de l'intrigue et avant.
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