La création est une forme de prise de position et l'artiste ne peut échapper complètement au monde qui l'entoure, à moins de vivre en ermite, ce qui n'était pas mon cas. (p.41)
Nous retrouvons souligné ici un trait important de l'esthétique et de la philosophie japonaises: l'amour pour le vide, le non-dit, la pause, le silence!
Suggérer plutôt que représenter, toute l'esthétique japonaise est fondée sur ce principe (...).
C'était un autre beau jour de fin d'automne, il y avait de cela plusieurs années déjà. Il avait plu toute la nuit et au matin la végétation, débarrassée de toute poussière, brillait de mille feux. J'étais sorti me promener pour profiter du spectacle. Les feuilles d'érables qui dans certains bosquets commençaient à rougir faisaient ressortir par contraste la beauté des feuilles encore vertes. J'aimais particulièrement ce moment, juste avant l'embrasement complet de tous les érables.
Je me dirigeai donc vers le jardin d'un petit temple qui se trouvait non loin de chez moi et dont j'aimais l'agencement savant des espèces. et là, je cherchai "mon" arbre, un érable aussi, mais différent de ceux qui composent notre paysage. Il était plus grand avec des feuilles plus larges. et à cette époque de l'année, le grand érable, en avance sur les autres arbres, était habillé de jaune, un jaune si lumineux que même par temps gris, on avait l'illusion que le soleil était tombé sur la terre et le faisait flamber. Il ne devenait pas rouge comme les autres érables du Japon, il restait d'un beau jaune qui tournait au brun juste avant de se dévêtir d'un seul coup de ses feuilles.
J'entendais alors le râteau du jardinier qui s'occupait à collecter cette abondante moisson, première récolte de l'automne. sous peu, l'arbre tendrait ses bras noirs vers le ciel, implorant sa parure blanche d'hiver. Alors, l'envie me prenait de trouver tout de suite le dessin et les couleurs qui pourraient rendre, dans toute sa beauté, cette ultime explosion lumineuse. Puis je décidai de rentrer, heureux de cette petite promenade qui, pensais-je, renouvellerait mon inspiration.
Au Japon, il n'y a pas d'art mineur. ce qui compte avant tout, c'est de pousser son art jusqu'à l'excellence (...).
Je repensai alors à tous ces livres que j'avais feuilletés du temps où j'étais commis dans la bibliothèque de prêt en rêvant un jour de pouvoir auusi en illustrer.
cependant, j'ignorais alors les difficultés de la création "sur commande". illustrer un livre, c'est se glisser dans une histoire écrite par un autre, c'est tenter de traduire la fantaisie d'un autre (p.36)
Le peintre doit-il copier toute sa vie ? N'a-t-il aucune possibilité d'évoluer et de montrer ce dont il est capable ? Eh bien moi je prétends que si les écoles sont utiles, elles ne sont pas suffisantes et qu'à un moment donné, il faut pouvoir créer son propre style, vraiment créer. (p. 50)
Maos Oei [...] savait à quel point il était passionné, drôle capable de porter le même intérêt à la poésie comique, à l'illustration d'un livre de cuisine où à de truculents ébats érotiques. Elle le savait amoureux fous de la vie et du genre humain. Elle connaissait aussi son immense orgueil, qui lui faisait préférer la misère aux compromissions, ses colères, lorsqu'un dessin lui résistait, et ses fous rires lorsqu'il était de bonne humeur.
Maos Oei [...] savait à quel point il était passionné, drôle capable de porter le même intérêt à la poésie comique, à l'illustration d'un livre de cuisine où à de truculents ébats érotiques. Elle le savait amoureux fous de la vie et du genre humain. Elle connaissait aussi son immense orgueil, qui lui faisait préférer la misère aux compromissions, ses colères, lorsqu'un dessin lui résistait, et ses fous rires lorsqu'il était de bonne humeur.
Et je repensai alors aux conseils que le peintre chinois Shen Tsung-ch´ien donnait dans son Traité de l'art de peindre, de toujours éviter la vulgarité. Et par éviter la vulgarité, il ne visait pas les sujets vulgaires, mais parlait d'un état d'esprit. Et il dessait une liste de personnes qui ne devraient pas peindre : ceux qui ont perdu leur innocence, ceux qui aiment le luxe, ceux qui se battent pour le pouvoir et l'argent, ceux qui suivent le goût du peuple, ceux qui ont un esprit bascet vulgaire et bien sûr ceux qui boivent trop. Sans aucun douteShun ´ei appartenait à cette catégorie, et cela l'avait ruiné.