Citations de Aude Seigne (63)
Et parce que être connecté devient aussi naturel que respirer de l’oxygène, les gens pensent que c’est immatériel, qu’il n’y a pas d’impact sur l’environnement.
June s'est souvenue d'un artcie qui listait les qualités qui feraient l'être humain du XXIième siècle;s'y trouvaient à la fois "savoir programmer"et "faire un feu", "construire des meubles" et "être capable d'exprimer ses opinions par écrit de manière claire".
Il est allongé au fond de l’océan. Il est immobile, longiligne et tubulaire, gris ou peut-être noir, dans l’obscurité on ne sait pas très bien. Il ressemble à ce qui se trouve dans nos salons, derrière nos plinthes, entre le mur et la lampe, entre la prise de courant et celle de l’ordinateur : un vulgaire câble.
Appelons-le FLIN.
Il n'y à rien à faire si ce n'est des actions de plancton dans un océan dont il faudrait changer les courants. Pourquoi ne m'avait-on jamais dit tout cela?
Je suis d'une nostalgie bête, puérile, de choses que je n'ai même pas connues. Jalouse de cet homme sur les remparts, dont la vie était quatre fois plus courte et mille fois plus difficile que la mienne mais que j'envie pour la place laissé aux projections, aux rêves, aux questions – insolubles historiquement- sur le monde qui l'entourait. Jalouse de son plaisir à imaginer ce qui pouvait se trouver au-delà des océans, plaisir mille fois supérieur à la connaissance certaine de frontières qu'une vie d'homme ne suffit plus à parcourir. J'ai la nostalgie de l'ignorance, de la naïveté, de l’imagination, des promenades en longues jupes dans l'enfance de ma grand-mère, des familles regroupées devant la télé le 21 juillet 1969 et assistant médusées aux premiers pas de l'homme sur la lune. Chaque période passée suscite ainsi en moi des regrets sans fondement, un romantisme à rebours, une nostalgie qui est aussi pratique, réconfortante et contradictoire. Je rêve de cahiers en beau papier alors que je n'écris plus que sur l'ordinateur et me félicite ainsi d'épargner des forêts alors que je ne les côtoie même plus.
On est si seul si on pense qu'on est seul. L'intériorité, voilà qui fait peur.
- S'il n'y avait qu'un chiffre à retenir, ce serait celui-ci : selon le site Consoglobe, une heure d'échanges de mails dans le monde consomme autant d'énergie que 4000 allers-retours Paris-New York en avion. Je vous laisse faire le calcul pour une journée ou une semaine, et je n'ai pas besoin de vous dire qu'il y a beaucoup plus de mails que d'avions qui traversent l'Atlantique. Alors que peut-on faire ? On ne va pas arrêter d'écrire des mails ? Non, mais on peut penser différemment les situations que nous vivons tous les jours. A t-on vraiment besoin de mettre toute sa hiérarchie en copie ? D'envoyer un mail de cinq mots à la personne en face de soi pour dire "Pause-café dans 10 minutes " ? D'avoir quatre logos en pièce jointe dans sa signature électronique ? Selon le même site, un mail avec une pièce jointe, c'est une ampoule basse consommation allumée pendant une heure.
À Baotou, on dirait que deux tendances sont poussées à leurs extrêmes : la pureté de l’harmonie mathématique et ses forces de destruction.
il avance sans le savoir, par des canalisations souterraines, comme lorsqu'on ne sait pas qu'on avance parce que tout se passe dans le noir, à l'arrière de la conscience.
On aime imaginer celui qui écrit en artiste, en joaillier de la langue. On aime penser que celui qui écrit traite les mots comme des joyaux précieux, les baigne dans des huiles très fines, les élime, les rend à la fois purs et transparents jusqu'à ce qu'ils ne désignent plus qu'une seule évidence, la délicatesse et la précision d'une pensée. (p. 38)
C’est ça qu’il faudrait viser : des petits moments de grâce imprévus plutôt que des grandes trajectoires.
Je dis que ce qu’on donne à une personne n’est pas retiré à une autre, que l’amour est inépuisable. Au bout de deux heures de discussion, il n’y a plus rien à dire. Nous sommes muets face à l’océan.
Il dit que le temps passe trop vite quand nous sommes ensemble, que nous sommes à moitié pareils et à moitié différents, et que c'est l'équilibre parfait pour faire un couple. [...] Il dit qu'il y a toutes sortes de manières d'aimer quelqu'un, et que le couple n'en est qu'une.
J'avais grandi en croyant à l'équité absolue, certaine de partager toutes les charges, toutes les possibilités d'un homme. Je m'en veux de mes Illusions, interloquée que nos corps ne soient finalement pas égaux. Que la peine d'Emeric, même si elle existe, ne puisse rien comprendre à la mienne.
Pourquoi l'émotion suscitée par la fiction ne serait-elle pas réelle ?
Elle sourit légèrement, elle aime laisser le silence se remplir de sens, laisser s’épaissir l’instant comme un mélange. » p 25 a 10
Dans le café-librairie d’Oliver, des étudiants profitent du wifi sur de grandes tables en bois collectives, un cappuccino à côté de l’ordinateur. Les jeunes retraités lisent des classiques, qu’ils feuillettent avec un americano, pendant que les parents consomment d’épais romans à succès accompagnés de latte macchiato en attendant la fin des cours. Ceux qui commandent qu’un expresso sont souvent des intellectuels, artistes, journalistes ou voyageurs. Quand Oliver dit qu’il vient de Seattle, on lui fait cette remarque : « Seattle ? La ville d’Amazon et de Starbucks ? Vous avez fait un mélange des deux ? » Et c’est exactement ce qu’Oliver a fait, même si sa situation obéit davantage à l’ajustement de ses envies qu’à un plan de carrière préliminaire. » p 46
Sans qu’elle sache comment – sait-on jamais retracer le chemin de quoi que ce soit sur internet – elle tombe sur un site qu’elle ne connaissait pas et dont elle s’étonne qu’il soit encore en ligne. Le site a tout simplement pour thème principal le fait d’éteindre internet. » p 72 a 2
Ils complètent ainsi une même tirade, récitant chacun à leur tour des segments de leurs savoirs communs. Elle caresse sa main en regardant par la fenêtre défiler les champs bruns, il passe un bras autour de ses épaules en contemplant la mer, ils renouent peu à peu les fils, réparent l’absence, se retissent l’un à l’autre par le langage et le corps. » p 131 a 12
Le fait est qu'internet est devenu presque gratuit, c'est bientôt un bien public, on parle de droit à la connexion. Et parce qu'être connecté devient aussi naturel que respirer de l'oxygène, les gens pensent que c'est immatériel, qu'il n'y a pas d'impact sur l'environnement. C'est un énorme malentendu. » p 124 a 13