Balli Kaur Jaswal

Après des mois de négociations acharnées, ils étaient enfin parvenus à un compromis : Anil s’inscrirait à l’université, mais prendrait une année sabbatique avant. Pendant cette période, il était convenu que le jeune homme se mettrait activement en quête d’un emploi (ses parents espéraient ainsi qu’il se rendrait compte qu’on ne trouvait pas du travail d’un simple claquement de doigts quand on n’avait aucun diplôme).

— Mais vous n’êtes pas de la même génération ! C’est une adulte et toi, tu n’es encore qu’un enfant ! C’est comme si vous veniez de deux planètes différentes !

Enfin, c’est de notre fils qu’il s’agit, Kabir ! Il vient à peine de sortir du lycée et nous annonce qu’il veut emménager avec une femme qui a deux fois son âge, et toi, tu es “un peu préoccupé” ?! » D’ailleurs, où Anil avaitil bien pu rencontrer une femme de trente-six ans ?

Comment voulait-elle qu’on se souvienne d’elle ? Épouse, mère, veuve, grand-mère ; elle avait été tout ça. Une chance pour ses filles que les obsèques sikhes ne s’embarrassent pas d’éloges funèbres ; elles n’auraient pas à se creuser la tête pour établir la liste de ses maigres réussites. Parfois, elle pensait savoir laquelle de ses filles conserverait le souvenir le moins tendre. Mais quand son état connaissait une légère amélioration, elle se montrait plus optimiste : ses filles seraient au moins toutes d’accord pour dire qu’elle avait fait de son mieux.

Si j’ai appris une chose au cours de ma vie, c’est que rien n’est plus important que de témoigner son amour à ses proches. Ne l’oubliez jamais.

Quel privilège j’ai eu de vous voir grandir et de partager vos succès, vos échecs, vos joies et vos peines ! Vous accompagner jusqu’à l’âge adulte m’a permis de revivre ; grâce à vous, j’ai l’impression d’avoir vécu mille et une vies au cours de ma brève existence. Bien sûr, certains points, notamment mon testament, restent encore à régler, mais il y a un temps pour tout.