Citations de Belinda Bauer (95)
" cela avait été un peu le cas quand il avait perdu son père-comme quand on perd un gant ou une chaussette ce n est pas parce qu on ne les voyait plus que ces choses cessaient d exister; elles se trouvaient toujours quelque part - spus le lit, dans le lave linge, parterre, derrièrele canapé - et finissaient toujours par reapparaitre."
"Cette chose qui change entre ici et là. Entre la vie et la mort. Je ne peux pas la sentir; ce que je veux c est la voir. Je veux savoir ce que c est".
Pour finir, alors que Patrick avait 8 ans, Mark Bennett, le fils d’un fermier d’une corpulence monstrueuse, le traita d’idiot et lui asséna un coup de poing dans le dos tandis qu’il faisait le cochon pendu sur les barres à grimper. Tombé dans la poussière, Patrick resta allongé par terre, le visage levé vers le ciel et le souffle coupé, jusqu’à ce qu’il retrouve sa respiration. Le temps qu’il se relève lentement, l’énorme garçon était déjà très haut sur la balançoire et riait à gorge déployée. Patrick se posta à côté du portique, puis attendit que la balançoire ralentisse et arrive à sa hauteur pour flanquer à Mark Bennett un coup de batte de base-ball en plein visage. La vitesse combinée de la balançoire et de la batte mit le garçon K.-O. ; il tomba, exécutant un saut périlleux impressionnant qu’une génération d’enfants de Brecon affirmeraient avoir vu de leurs propres yeux.
L’école appela la mère de Patrick ; comme elle éclata en sanglots et raccrocha, ils contactèrent son père, qui quitta son travail en pleine journée pour aller le chercher.
Il en mourut.
Il avait vu quantité de médecins, mais ce n’est que lorsqu’il entra à l’école, à l’âge de 5 ans, que Patrick s’aperçut qu’il y avait en lui quelque chose qui ne tournait pas rond. Il détestait le chahut de ses camarades et le côté physique de la cour de récréation, où il était le seul à la débarrasser de ses graviers, puis à trier ces derniers en fonction de leur taille.
En classe, il n’y avait jamais de tâche trop complexe pour lui, et peu de choses qu’il n’était pas capable de faire. Quand les autres enfants se précipitaient dehors pour jouer, Patrick se tortillait en poussant des cris perçants si l’institutrice essayait de le détourner de son alphabet ou de ses opérations. C’était un obsédé de la connaissance.
Il mettait le contenu de sa gamelle sens dessus dessous et laissait de côté tout ce qui était rouge. Il répétait de manière obsessionnelle tout ce qu’on lui disait, comme un perroquet, mettant tour à tour l’accent sur chaque mot de la phrase pour apprécier les différences qui en résultaient.
Les bons patients dans le coma étaient calmes ; ils ne faisaient pas de bruit ; ils ne s’en prenaient pas à vous quand vous tentiez de les aider. Ils n’attrapaient pas de pneumonie, ne nécessitaient pas beaucoup d’attention supplémentaire, ne débranchaient pas leur sonde d’alimentation ni leur perfusion. Ces bons patients avaient des familles polies, qui ne saturaient pas l’espace de choses apportées de la maison, et qui arrivaient avec des petits cadeaux – des petits riens, vraiment – pour les infirmières, dans l’espoir que celles-ci prendraient bien soin de leur être cher pendant les longues heures où elles n’étaient pas auprès de lui.
À son grand dam, la réalité s’était révélée tout autre, prenant des formes auxquelles Tracy n’avait pas songé, et encore moins été confrontée avant. Si quelques patients étaient, de fait, plongés dans un coma profond – manifestement endormis, inertes –, d’autres se trouvaient dans des états végétatifs variables. Tracy assumait toutes les tâches classiques d’une infirmière : elle changeait les perfusions et les cathéters, s’occupait de la toilette des malades, leur administrait leurs médicaments et les faisait manger, et notait les changements dans leur respiration ou leurs mouvements. Mais ici, il y avait aussi une crème à bien faire pénétrer dans la peau pour qu’elle reste souple, des tours de lit à installer pour les patients qui s’agitaient et se débattaient, et des escarres à prévenir chez ceux qui ne le faisaient pas. Il y avait des grognements, des gémissements, des clignements d’yeux et des cris incohérents à traduire en demandes intelligibles d’eau ou de changement de chaîne télévisée. Là, il y avait des couches à changer et des fesses couvertes d’excréments liquides et orange à nettoyer. Les physiothérapeutes se battaient à grand bruit avec des membres roides et des mains aux doigts recourbés comme des griffes. Il y avait des attelles à sangler autour de jambes, et des corps pesant comme un âne mort à hisser dans des fauteuils roulants ou sur des tables basculantes où ils gisaient, comme crucifiés – tout cela pour essayer de les empêcher de se recroqueviller dans une position fœtale dont il serait impossible de les faire sortir un jour.
Patrick jeta un dernier coup d’œil à la scène ; rien ne bougeait en bas. Il se demanda comment étaient les choses à l’intérieur de la voiture – inertes, tordues, baignant dans le sang, et saturées de la musique de Roy Orbison qui devenait de plus en plus forte, comme le son des anges suppliciés.
Le policier leur cria quelque chose et battit du bras avec fureur afin qu’ils continuent à avancer.
Avant que sa mère ait eu le temps de redémarrer, Patrick ouvrit sa portière et sortit sur la route.
— Patrick !
Il l’ignora ; à l’extérieur de la voiture, l’air était vif, et la pente au-dessus de lui paraissait plus réelle – une bosse de matière solide recouverte d’un tapis rouge-jaune d’herbe d’hiver morte. Il s’avança pour rejoindre les pompiers.
— Patrick !
Patrick s’appuya contre ce qu’il restait du rail de sécurité et plongea son regard en contrebas. Une voiture gisait là, les quatre roues en l’air, coincée contre un petit groupe d’arbres près de la berge. Une série de décombres indiquait son parcours depuis la route – une portière, un magazine, un bout de tôle tordu.
La voiture devant eux s’était arrêtée, et Patrick vit tous les passagers tendre le cou vers la gauche.
Des badauds.
Qui cherchaient à entrevoir la mort à tout prix.
À présent, ils pouvaient voir l’endroit où une voiture avait basculé dans le ravin. Le rail de sécurité d’un gris métallisé terne avait été étiré et formait un très long trou, comme s’il avait tenté de s’accrocher à la voiture aussi longtemps que possible mais avait finalement été obligé de lâcher prise avec un soupir tordu. Un petit groupe de pompiers regardaient au fond du précipice ; Patrick supposa que leur formation les rendait aptes à cela, au moins.
Quand la voiture a de nouveau percuté le sol, je me suis mordu la joue et j’ai senti le goût ferrugineux du sang dans ma gorge. La portière s’est détachée, et j’ai regardé mon bras droit s’agiter avec frénésie près de l’ouverture tandis que nous décollions de nouveau – moi et la voiture que nous avions achetée avec Alice chez Evans Halshaw à Merthyr. Comme c’était un ancien modèle d’exposition, nous avions eu une ristourne de 2000 livres. La voiture sentait quand même le neuf, et c’était l’essentiel, avait dit Alice.
Elle va vraiment être furieuse contre moi.
La chute s’est déroulée en quatre étapes.
D’abord, la voiture a tapé le sol la tête la première, et le pare-brise a volé en éclats dans un vacarme semblable à celui d’un scarabée géant qu’on écrabouille.
Puis le silence s’est installé tandis que je faisais un vol plané, comme une hirondelle bienheureuse.
Ensuite, la voiture a de nouveau heurté le sol – tout n’était que fracas de métal –, et je me suis retrouvé le nez dans l’herbe. J’ai tenté de rejeter ma tête en arrière, mais je ne contrôlais rien. Je voyais les touffes d’herbe humide et des restes de cristaux du bloc de glace aussi grands et étincelants que des assiettes.
Je me rappelle bien m’être dit : « Ouh là, tu ne l’as pas vue venir, celle-là, Sam ! », puis avoir percuté la barrière et m’être demandé quel mensonge je devrais raconter à Alice pour justifier la bosse sur la Ford Focus. Ça ne faisait que six mois que je l’avais, et Alice me reprochait toujours de conduire trop vite. Mais avant que j’aie eu le temps de penser à un mensonge crédible, la voiture a fait une sorte de bond en l’air, je me suis tout à coup retrouvé du mauvais côté de la barrière, et il n’y a plus eu entre la rivière Taf et moi qu’un précipice de soixante-dix mètres.
Est-ce que j’aurai le cran de leur raconter que j’essayais de changer de station de radio quand j’ai heurté le bloc de glace de plein fouet ? À cause de cette chanson. Est-ce qu’ils trouveront ça drôle ? Ou secoueront-ils la tête en m’accusant de conduite dangereuse ?
Dans un cas comme dans l’autre, je serais soulagé, pour être honnête.
Je ne me souviens pas de grand-chose, mais ce que je me rappelle bien, c’est que la chanson de la piña colada passait à la radio. Vous savez… « Si vous aimez la piña colada, et vous faire surprendre par la pluie. »
Je déteste cette chanson ; je l’ai toujours détestée.
Je me demande si je dirai à la police la vérité sur ce qui est arrivé… enfin, quand je le pourrai.
- Dites-moi juste ce que vous voulez me dire, l'encouragea-t-il. Je suis seulement là pour vous écouter.
C'était complètement faux, bien sûr. Marvel l'aurait volontiers arrêtée, et son gosse avec - et le chien aussi -, s'il avait pensé que cela pouvait servir ses intérêts. Mais au fil des années, il s'était aperçu que, dans ces situations, il n'était guère utile d'être honnête avec les gens; mieux valait leur dire exactement ce qu'ils voulaient entendre s'il voulait avoir la moindre chance d'obtenir ce qu'il voulait entendre, lui.
- Espèce de petit merdeux ! Je vais te tuer, putain !
Jack se risqua à regarder par-dessus son épaule. While était toujours à ses trousses.
Plus grand et plus âgé que lui, mais la fureur le faisait tenir.
Jack continua à courir.
Hors d'haleine, il ne cessait de regarder derrière lui.
Jusqu'à ce que - enfin - il n'y ait plus personne.
Elle haussa les épaules.
- Les femmes enceintes font des conneries.
Elle sourit à demi, mais pas lui. Il resta simplement planté là, les sourcils froncés, comme s'il pensait à autre chose. À quelqu'un d'autre.
Ils étaient assis sur un banc près du canal, et Louis Bridge "Le Glabre" se rasait les jambes.
Jack secoua la poussette du bébé et regarda le soleil en clignant des yeux, l'air furieux.
- Rien.
- Tu fais une tête de six pieds de long, dit Louis en remontant le couteau le long de son tibia.
Louis "Le Glabre" n'avait pas de poils. Ceux qu'il ne pouvait pas raser, il les épilait - ouvertement et sans honte.
Parrott était extrêmement maigre – ou il portait un uniforme extrêmement grand. Marvel n’aurait su dire ce qu’il en était au juste, mais il estima qu’il pourrait glisser une bouteille de lait ans le col de ce gars sans qu’il ait froid au cou.