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Citations de Belinda Cannone (348)


Les yeux parlent et donnent, nous entrons en contact par leur entremise, nous dialoguons ou accompagnons le dialogue, nous manifestons l’accueil. C’est dans ses yeux que j’ai lu la tragédie d’Élisa, dans son regard baissé que j’ai entendu le « Ne me regardez pas » du garçon dans le métro. Quand nous nous regardons, il devient plus difficile de faire comme si — faire comme si tu n’étais pas malheureux, assis sur ton trottoir, comme si tu n’avais pas besoin de moi, comme si je n’avais pas compris que tu étais perdue… Dans l’amour, je te regarde et te détaille, je m’enfonce dans tes yeux, nos sourires conversent et cette contemplation qui est un toucher nous ravit. Le visage est aussi le lieu du baiser royal, le baiser amoureux, qui tient sa force et sa noblesse d’être échangé par les lèvres, c’est-à-dire à hauteur de visage.
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Je dois ajouter que ce n’est pas la terre qui me touche ici (je viens d’une mer), mais le sol, celui qui permet l’appui d’où rejaillir — pour marcher, courir, danser. Étrange émotion lorsque, sortant de ma douche et me penchant pour me sécher, je vois mon pied sur le tapis et je sens les muscles de ma jambe : impression fugitive d’un solide pilier, et gratitude pour ce privilège, être debout sur la Terre…
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La fiction est un laboratoire où s’expérimentent toutes sortes de manières d’être au monde. Nous avons besoin de vivre et d’éprouver l’expérience des « autres », telle que nous la propose imaginairement le roman pour, en accédant à de multiples secrets d’initiés, accroître notre compréhension de la société et des êtres. La fiction consiste en la fabrication d’un univers mental partagé, d’un terrain d’entente. Et si cette magie est possible, c’est qu’elle crée un effet de présence réelle qui nous met en relation avec des psychés étrangères.
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Habituellement, pour être « initié », il faut en passer par l’expérience concrète. Mais on peut l’être par la fiction qui dépose en nous ces savoirs par le truchement des histoires et des personnages qui les portent. Ainsi sommes-nous enrichis. N’a-t-on pas souvent constaté combien ils nous paraissaient de vieux enfants ceux qui, ne lisant jamais de fiction, ne disposent que de leur pauvre expérience personnelle pour vivre ? Si je ne lisais pas, que saurais-je de la vie dans sa complexité et ses ambiguïtés, moi dont l’existence est si réduite — à une aire géographique, des habitudes qui sont celles de ma société, quelques activités, quelques amis me ressemblant…
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C’est le privilège de la fiction de nous permettre d’être traversés par des affects réels suscités par des histoires feintes. Grâce à elle, nous comprenons des expériences que nous ne vivons pas dans la réalité et nous nous en accroissons, car nous profitons des mêmes contenus idéels et émotionnels — puisque seules sont efficaces les « idées-affects », idées assorties d’affects.
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La femme — c’était une grande femme forte, m’expliqua Élisa — l’avait déshabillée, enveloppée dans sa blouse qu’elle venait d’ôter, puis serrée contre elle longtemps. Tandis qu’Élisa tremblait de froid, elle lui avait parlé doucement dans un long murmure incompréhensible mais tendre — j’imaginais ces mots qu’on chuchote aux enfants pour les rassurer, mots de nuit qui accompagnent les ondulations des rideaux et les stridences régulières des insectes, mots siciliens rugueux que la bonté rendait caressants —, et elle avait tenu le corps d’Élisa contre elle jusqu’à ce qu’elle soit réchauffée. Après un court séjour au centre d’accueil — elle ne voulait pas parler du centre d’accueil —, Élisa était repartie vers le nord. Pendant son récit, sa voix s’était éparpillée en brefs sanglots à deux reprises, quand elle avait suggéré l’horreur de la Libye, puis quand elle avait évoqué la tendresse de la femme sicilienne. Deux attitudes humaines qui pulvérisent la raison.
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Échangisme, séduction, conversation : le tango est le lieu d’une relation provisoire mais étroite, et la mise en scène d’un jeu. On n’accorde pas assez d’importance à la dimension ludique de nombre de nos interactions. La création de nos identités d’homme et de femme dans le commerce amoureux ne relève-t-elle pas du jeu de rôle ? Ces identités passagères, outrées, joueuses, sont aussi sérieuses et factices que celles qu’empruntent certains amants lorsque dans la chambre ils se déguisent en soubrette ou en (zut ! en quoi se déguise-t-on parfois dans le jeu érotique ? bref).
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La séduction, cependant, n’inclut pas un contact physique. Les corps sont observés, appréciés, évoqués parfois, mais ils ne se touchent pas. Au tango, si. Ils sont étroitement embrassés. Corps qui se touchent : une des situations les moins anodines qui soient, car le corps est sacré.
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J’ai peut-être mauvais esprit mais il serait tentant de voir, dans ce renouvellement permanent des partenaires, une forme de libre-échangisme régulé et courtois. Ainsi, alors que le bal traditionnel a longtemps été, disent les sociologues, une « institution marieuse », on pourrait à présent considérer la milonga comme l’occasion fantasmatique d’une orgie ritualisée.
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Invention merveilleuse, la tanda, c’est-à-dire la séparation programmée : plus de destin, plus de fatalité, et l’on ne risque pas de blesser quelqu’un en le quittant puisque c’est la règle. Il suffira, si l’on ne veut plus danser avec lui (avec elle), de ne pas se laisser réinviter (de ne pas la réinviter). De toute façon, en principe encore, dans le bal on ne danse pas plus de deux ou trois tandas avec le même partenaire : au-delà, une histoire s’amorce.
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Savoir dire merci, faire un compliment discret, exprimer le plaisir qu’on a éprouvé, sourire : la courtoisie devrait toujours accompagner ces moments de haute civilité. Car il existe un savoir-danser, comme on dit un savoir-vivre, puisque nous sommes, l’autre et moi, et c’est ce qui importe, et c’est la merveille, nous sommes en relation étroite, moi me passionnant pour lui et ne souhaitant que cet embrassement, cet abrazo qui, visant l’accordanse, vaut fugitive alliance.
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On trouve aussi le danseur histrionique : ne pensant pas à sa partenaire mais à briller, il ne danse pas, il se pavane. Travers également répandu dans les deux sexes, peut-être plus fréquent chez les femmes dont certaines dansent sans écouter le tanguero, avec pour unique visée de se faire remarquer par la salle.
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Ainsi, dans le bal c’était encore moi-même que je retrouvais, mes idiosyncrasies et mes embarras. Et il en va de même pour chacun : si l’on sait observer, on appréciera la multiplicité des personnalités qui se pressent sur la piste, chaque corps, chaque expression, chaque posture et chaque regard dénonçant un individu singulier.
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Longtemps j’ai pensé que la vie était absurde. Je me la représentais par une image tirée d’un Marvel lu dans mon enfance, celle du « Surfeur d’argent », voyageur taciturne qui glissait dans l’espace interstellaire, seul et figurant l’exil. Mais si la vie était absurde, pourquoi l’aimer tant ? Un jour j’ai compris que l’image était fausse — non ressemblante. Nous ne glissons pas entre les étoiles, nous marchons, un pied se levant après l’autre, le corps toujours en déséquilibre mais jamais ne tombant, et cet élan qui nous fait avancer est la raison même de notre joie d’exister.
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Mon éducation tout entière a été fondée sur l’idée de mon étroite inclusion dans la communauté humaine, associée à celle de la planète comme maison commune, de sorte que mes goûts et mes intérêts ont toujours été liés au fait d’être en relation — aimer, étreindre, transmettre, s’adresser, admirer, aider, danser.
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C’est pourquoi, par exemple, « être une femme » n’a pas constamment la même intensité ni la même signification : devant ma mère cette facette de moi-même a des implications et des échos particuliers, devant mes étudiants elle n’a quasiment aucune importance, alors que devant mon amant elle est centrale, pour lui comme pour moi. Ce qu’est Je varie selon l’interaction dans laquelle Je est pris, au point qu’on peut affirmer que le « sentiment de soi », fondé pour partie sur la continuité constituée par ma fréquentation de moi-même (mon « identité narrative », dit Ricœur), recouvre des réalités éphémères et changeantes.
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Quand j’invente une forme, une histoire, c’est pour mieux être entendue de lui dont je ne cesse de parler. Parce que nous sommes dans cet embrassement, deviennent mon proche, outre mes proches, le Pakistanais qui vend des breloques, la Rom qui mendie sur sa couverture, le danseur qui m’enlace, le vieillard malade, l’amie qui s’égare, l’enfant timide et le voisin acariâtre.
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Liberté, amour, sécurité. Je peux l’accueillir dans l’ abrazo du tango, lui tendre la main pour passer un gué, le considérer. Il peut me donner beaucoup. Sans lui, la plupart des activités m’indiffèrent. Et même lorsque j’écris, repliée dans la solitude de mon bureau, devant mon chêne ou devant les ailes du moulin de la Galette, c’est encore lui qui m’occupe, lui à qui je m’adresse, avec qui je dialogue silencieusement.
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L’hospitalité concrète ne peut donc être que conditionnelle, elle engage une politique, des considérations économiques — tout se complique.
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Dans la vie de tous les jours, avec les inconnus, et même avec la plupart des connus, on ne franchit jamais un certain espace qui maintient nos corps à distance. Pas touche. Dans le métro — les femmes connaissent bien cela —, sentir un corps collé au sien fait violence. Partout, sans avoir besoin de le calculer (on l’apprend au biberon de la culture), on sait exactement dans quelle proximité ou quel éloignement se tenir*1. Seul moment où les corps s’accolent : l’étreinte charnelle. Alors, transgressant les barrières habituelles, les amants entrent dans l’intime et ce mouvement, avant tout geste, cet aller au-delà (trans/gradi) est en lui-même un événement. Parce que tu me plais, je me plaque à ton corps et m’y love.
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