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Citations de Belinda Cannone (348)


Très loin là-bas la lune est passée devant le soleil et le ciel a posé son ventre de velours sombre sur le jour, les rires se sont tus et les grands buffles soufflaient, immobiles dans l’air épais et frais. Quelques villageois ont frissonné comme si un danger – un souffle de vent – courait sur l’étang – sur le monde. Ils se sentaient dehors comme s’ils étaient dedans, l’obscurité et le silence avaient refermé l’espace autour d’eux, ils se croyaient dans une immense bulle sans savoir si le reste de l’univers continuait sa vie à l’extérieur. Ceux qui avaient les mains levées devant les yeux, doigts écartés, les ont gardées ainsi, songeurs, et pendant un instant tous les tracas avaient disparu. Une très vieille femme qui restait sur son banc, devant sa case, s’est demandé si là-bas, chez ses enfants, en France, le soleil se cachait aussi.
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On pourrait croire qu’elle offre son visage enfantin à la noria désordonnée des oiseaux piailleurs, peut-être joueurs, qui foncent sur elle puis l’esquivent au dernier moment en montant à la verticale, tandis qu’elle écoute le bruissement de leurs ailes. Elle aime sentir, bien qu’elle ait dompté la peur d’être atteinte, son cœur bondir quand les martinets surgissent comme des balles d’obsidienne, et une joie confuse la prend d’être capable, elle, si petite si frêle, d’interrompre leur trajectoire. Ses lèvres ne sourient jamais – grave, recueillie, si douce Minette –, mais parce qu’elle commande aux oiseaux, parfois, un éclat traverse son regard.
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Au début, la seule à en parler est la mère. Et encore : peu et à presque personne. Les hameaux sont dispersés, il peut s’écouler du temps sans qu’on se voie, surtout quand la météo est rude, allez savoir qui est chez soi et qui a disparu. Pendant des semaines les habitants de la vallée n’y prennent pas garde. C’est l’épicier ambulant, lui qui passe chaque semaine dans toutes les maisons avec sa camionnette, qui lui dit un jour Ça fait longtemps qu’on n’a pas vu ta fille. Elle s’est raidie, racontera-t-il ensuite, hautaine dans sa blouse grise, ou noire peut-être, ses cheveux gris, oui, gris et ramassés dans un chignon trop serré, raidie comme si je lui avais envoyé une décharge électrique. Il n’a pas insisté.
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Le temps reste très froid. Les bouquetins s’enhardissent assez bas et il n’est pas rare de surprendre deux cornes au-dessus d’un rocher, près d’une maison. Le ciel est d’un bleu de glace, la neige sur les sommets aveugle.
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Les parents des trois disent que ça leur a rappelé leur jeunesse, à l’époque d’avant les générateurs, quand l’électricité était courante, comme l’eau, quand eux aussi avaient voulu vivre autrement, Mais ces jeunes, leur hostilité, ça faisait presque peur. Mais est-ce que vous avez compris quelque chose à cette foire ? Eh ben, en fait c’est pas du tout comme nous, nous on voulait juste plus de liberté et on était gais, alors que nos enfants sont très en colère, ils nous accusent, c’est surtout ça, leur truc, ils nous reprochent, ils nous reprochent tout, l’état du monde, de la planète, ils nous ont dit Vous avez tout bousillé. On les a regardés un peu étonnés, Au contraire, on leur a dit, on voulait tout améliorer, c’est pas notre faute si l’industrie, si les grandes entreprises, si tout ça, vous auriez vécu en ce temps vous auriez fait pareil, on était pris dans, dans, dans le mouvement. Ils nous ont interrompus, Vous avez trop profité. Et on ose à peine vous l’avouer, ont murmuré les parents, mais ils ont ajouté qu’on comprenait rien à rien, qu’on était englués dans nos avantages, et ils nous ont chassés comme des malpropres.
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Je peux donc à présent répondre à une question posée à l'orée de ce livre, celle des œuvres comme consolation. Non. Les œuvres, en nous donnant l'occasion de ressaisir le monde, nous permettent d'y exercer une forme de liberté.
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Et depuis, vois : on met à mal le Code du travail et on dit « réforme, acceptez les réformes », on fait passer une loi en force et on dit aux manifestants « vous ne voulez pas dialoguer », et partout, ici comme dans le monde, l’opinion commune déclare que les Français seraient cramponnés à leurs acquis et réfractaires au changement. Mais pourquoi accepterait-on un changement qui ne signifie en réalité qu’adaptation a un monde qui se précipite vers l’avant pour le seul bénéfice des privilégiés? Adaptation qui passe par un recul en matière sociale.
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On accède à l'émerveillement non en raison de la nature merveilleuse du spectacle mais grâce à un état d'être favorable, ou, autrement dit, s'émerveiller résulte d'une procédure alchimique dont le principe se trouve dans le regardeur et qui permet de révéler une dimension secrète des choses.
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S'émerveiller réclame non seulement de vivre dans l'instant mais aussi dans la lenteur. " Dans le tourbillon vertigineux de la vie courante, où ils n'ont plus qu'un usage entièrement pratique, les noms ont perdu toute couleur comme une toupie prismatique qui tourne trop vite et qui semble grise", note Proust dans "le côté de Guermantes". La lenteur : ralentir pour que la toupie manifeste ses couleurs. Le réel est beaucoup plus généreux que ne l'imagine la personne pressée.
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j'aimerais ici évoquer cet état intérieur propice à la saisie émerveillée du monde. Celle-ci n'est pas liée au caractère exceptionnel du spectacle que nous contemplons : c'est notre vigilance poétique, notre concentration, qui peut rendre "spectaculaire" (visible) un objet intrinsèquement humble. Je m'intéresse à cet état parce qu'il relève d'une sagesse - d'un savoir-vivre à conquérir contre l'agitation de nos jours.
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s'émerveiller résulte d'un mouvent intime, d'une disposition intérieure par lesquels le paysage à ma fenêtre ou l'homme devant moi deviennent des évènements. L'événement survient au présent pure, dans une épiphanie. Alors je ne me projette plus dans un avenir rêvé, ni ne m'abandonne, mélancolique, à la contemplation du chimérique passé : je suis entièrement requise ici et maintenant. Savoir se rendre disponible à ces évènements qui émerveillent est une voie vers le bonheur, dans la mesure où la vie heureuse est celle vécue au présent.
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Toi aussi, encore tiraillée entre les deux conceptions de l’amour, tu comprends intimement l’Adolphe de Benjamin Constant lorsqu’il déclare : « Malheur à l’homme qui, dans les premiers moments d’une liaison d’amour, ne croit pas que cette liaison doit être éternelle ! Malheur à qui, dans les bras de la maîtresse qu’il vient d’obtenir, conserve une funeste prescience, et prévoit qu’il pourra s’en détacher ! » Si intensité est le maître mot de l’amour, comment conjuguer ce savoir (l’intensité tombera) et la joie du désir à l’époque de l’amour vif ?
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Toi, tu imagines que demain nous ferons couple autrement, dans un engagement provisoire, admettant qu’une séparation n’est pas un échec et que vivre plusieurs liens au long de son existence est une respiration naturelle de la vie amoureuse. Peut-être même perdrons-nous l’habitude de vivre obligatoirement sous le même toit, adoptant des modes de vie plus souples, plus inventifs… Qui sait ? Alors amour et désir charnel ne feront qu’un… plusieurs fois.
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Tu lui écris « Je te pense », formule sans légitimité grammaticale, mais « Je pense à toi » marque trop de distance ; or tu es si pleine de lui (lui : parfum en toi, musique secrète, teinte de l’air) qu’il te faut une expression capable de restituer le fait qu’il est lové en toi. D’où le raccourci. Aussi : il te semble y entendre une appropriation (je te prends en moi), et une suggestion érotique (comme je me délecte de toi, même en ton absence…)
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Qu’est-ce qui, en toi, a vu si clair en lui ? Comment savais-tu que tu aimerais son corps, sa voix, sa manière ? L’as-tu choisi dans une sorte de prescience, ou bien au contraire ton désir de lui s’est-il façonné à son contact, apprenant à s’accorder à ses particularités, à en jouir ? Mais c’est toujours ainsi avec le réel, tu ne sais pas si l’univers te contente si bien parce que vous êtes faits de la même étoffe, inventés au même creuset, ou si ton désir de vivre procède de ce lent et délicieux appareillement de ton être et du monde — de ton être et de cet homme.
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Au moment de la rencontre et de la séduction, les femmes ne sont pas les égales des hommes ; (…) on a déjà atteint la liberté sexuelle mais on n'a pas atteint l'égalité sexuelle.
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Le geste



Chaque matin, de la fenêtre de mon bureau
   je regarde mon chêne,
seul hôte du grand champ qui s’étend devant
   la maison,
de l’autre côté de la route, et qui est désigné
   au cadastre sous le nom de Paradis.

Durant le jour, quand le ciel versicolore est en fête,
ou quand l’eau perle sur la vitre,
qu’une ombre s’étire, que des traînées de brume flottent
ou qu’un animal passe,
je prends une photo à travers le carreau.
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Regarder cette divinité sylvestre



Regarder cette divinité sylvestre
(façon de lui rendre hommage)
est manière de prière matinale :

devant mon lare,
toute pensée étrangère me quitte,
je glisse en mon for intérieur.
À la fois identique à lui-même
et nouveau par quelque élément changeant,
il m’invite à un exercice quotidien de vigilance.

Attention, concentration, émerveillement :
n’est-ce pas la source de toute poésie ?
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Ainsi, le temps passe et ne passe pas sur mon chêne



Ainsi, le temps passe et ne passe pas sur mon chêne.
Sauf mauvaise rencontre, il sera là après ma mort.
Dans ses veines ruisselle le pur présent de ma joie.
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Désir et mélancolie : comme le recto et le verso d'une feuille, inséparables.
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