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Critiques de Ben Lerner (37)
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L'école de Topeka

Le livre a traîné longtemps dans ma chambre, doublé par beaucoup d'autres dans la pile. J'ai fini par me lancer. Après une centaine de pages, je ne savais toujours pas où j'allais et si les personnages étaient suffisamment intéressants pour m'embarquer avec eux.

On suit trois (voire quatre) d'entre eux. Les parents et le fils, lycéen pendant la majeure partie du roman, puis père de famille à son tour à la fin.

A mes yeux, le point fort réside dans quelques fulgurances, des remarques très intéressantes, mais pas vraiment dans le récit de cette famille de psys à laquelle on ne s'attache pas et qu'on suit de loin. Le sujet est davantage le rapport au langage, la langue, la communication, mais est-ce suffisant ?
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No Art: Poems

« No Art » (2016, Granta Books, 288 p.) rassemble pour la première fois trois précédents volumes de poésie de Ben Lerner, résultats d’une quinzaine d’années d’écriture.

« The Angle of Yaw », soit (L’angle de Lacet), représente le mouvement de rotation horizontal d'un mobile autour de son axe vertical. C’est la troisième composante de la rotation généralisée, en plus du tangage et du roulis qui se déroulent selon un axe horizontal.

« Mean Free Path » (Libre Parcours moyen) définit la distance moyenne qu'une particule ou une onde peut parcourir avant d'entrer en collision avec une autre. Pour Ben Lerner, il faut considérer les poèmes originaux comme des vagues se reflétant sur les murs de l'espace clos du poème, chacune passant sur elle-même et sur l'autre.

« The Lichtenberg Figures » (Les Figures de Lichtenberg) rassemble des poèmes, souvent en prose déjà parus dans cet ouvrage.

Enfin, « The Dark threw Patches Down Upon Me also » (Les Ténèbres m'ont aussi jeté des patchs), l'un des plus longs poèmes également inclus dans « The Lights ». C’est le dernier ouvrage en date du poète et romancier Ben Lerner (2023, Granta Publications, 128 p.). C‘est un mélange de poésie traditionnelle écrite en vers et en prose. Soit trente-six poèmes, dont dix écrits en prose. « The Dark… » narre les détails de la vie quotidienne d'un père de jeunes filles pendant une pandémie. Les personnages apparaissent aux côtés de réflexions sur Walt Whitman, la peinture et le « désir d'arriver à l'identité par la dissolution ». Les crises globales et personnelles sont projetées dans une galerie de miroirs, les poèmes se déployant dans une série d'échos et de réflexions entre polarités et expérience.

On lira avec intérêt « La Haine de la Poésie » de Ben Lerner, traduit de « The Hatred of Poetry » par Violaine Huisman (2017, Allia, 80 p.). Petit livre dans lequel Ben Lerner pose les questions qui l’obsèdent. Comment être poète ? Qu'est-ce que la poésie ? Pour les maniaques de Ben Lerner, on ira voir le site de www.poetryfoundation.org/poets/ben-lerner#tab-poems

Donc, toute une série de poèmes, soit en vers, soit en libres ou prose. De longueur variable, de quelques lignes. Tout comme ce « No matter how big you make a toy” (Pas de problème pour faire un grand jouet). De toutes façons, c’est le ballon rouge qui est mortel. Pourquoi ? Parce que la personne va essayer de le porter en bouche et l’avaler. Sans doute à cause de la couleur rouge. Tout comme « All we remember of our childhood » (Tout ce dont on se souvient de notre enfance), ce sont les glissades sur glace, et gravier, et quelquefois sur roulettes.

Allez deux dernies poèmes pour la route.

« Si la lune ne le faisait pas… / non, si tu ne le faisais pas, / je ne le ferais pas non plus, mais / que ne ferais-je pas, quelle prévention, quelle / chose s'est arrêtée si vite. / C'est l'amour d'hier / ou de demain, pas // maintenant » ou encore « Ce soir, je ne me souviens plus pourquoi / tout est permis ou, / ce qui revient au même, / interdit ».

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The Lights

« The Lights » est le dernier ouvrage en date du poète et romancier Ben Lerner (2023, Granta Publications, 128 p.). C‘est un mélange de poésie traditionnelle écrite en vers et en prose. Soit trente-six poèmes, dont dix écrits en prose. L’ouvrage parait après « No Art » (2016, Granta Books, 288 p.) qui rassemble pour la première fois trois précédents volumes de poésie de Ben Lerner, résultats d’une quinzaine d’années d’écriture. On lira avec intérêt « La Haine de la Poésie » de Ben Lerner, traduit de « The Hatred of Poetry » par Violaine Huisman (2017, Allia, 80 p.). Petit livre dans lequel Ben Lerner pose les questions qui l’obsèdent. Comment être poète ? Qu'est-ce que la poésie ?

Je signale pour les amateurs le site de « Poetry Foundation » (www.poetryfoundation.org) qui publie régulièrement des poèmes de Ben Lerner. Pour ce qui est des romans, on lui doit « Au Départ d’Atocha » (2011) traduit par Jakuta Alikavazovic. (2014, Editions de l’Olivier, 205 p.), « 10:04 »(2014) traduit Jakuta Alikavazovic. (2016, Editions de l’Olivier, 270 p.) et « L’Ecole de Topeka » (2019) traduit par Jakuta Alikavazovic (2022, Christian Bourgois, 409 p.) sur sa jeunesse dans cette ville du Kansas. C’est un pur produit du groupe de la revue « The Believer » fondée en 1998 par Dave Eggers, et publiée par McSweeney's, le flambeau de la presse indépendante. Elle a connu une éphémère traduction en français, a été une source importante et fiable de titres et d’auteurs américains.

Pas très facile d’écrire à la fois en prose et en vers, même si ce sont des vers libres. Pas vraiment non plus de la corde raide. Plutôt un chemin vers un moyen pour parvenir à passer d'un bout à l'autre de quelque chose. Ce passage permanent est quelquefois critiqué, et classé de choquant par des puristes. C’est tout aussi « dérangeant » que des phrases extrêmement longues, à la Krazsnahorhai, ou à la prose de Monsieur Jourdain. Au fait ! Ecrivait il ? C’est aussi dérangeant que la quasi sainte trinité du sujet-verbe-complément. Il y a des spécialistes pour cela. La question est de savoir si cette trinité vise le lecteur ou provient du neurone de l’écrivain.

Retour à « The Lights », écrit de façon traditionnelle, c’est-à-dire avec un titre pour chaque poème individuel. Au moins, cela indique un chemin au lecteur. Des textes courts comme « The Grove » ou « The Chorus », déjà publiés dans les romans précédents (« Atocha » et « 10:04 »). Quelques autres beaucoup plus longs comme « Mean Free Path », entre aperçu dans « Lichtenberg ».

Des extraits, maintenant ? « Vous savez, parfois, on se rend compte qu'il a plu seulement quand cela s'arrête […] le silence qui tombe sur le toit, forme des ruisseaux sur les vitres ? Si cela vous semble plus à de la prose qu’à des vers, cela fait partie du problème ». C’est dans un article intitulé « The Media », mais intitulé « Fiction » lors de sa publication dans la revue « The New Yorker » en avril 2020. Toute la dualité du personnage. L’idée d’être à la fois de chaque côté du miroir. Mais c’est mieux dit dans « The Dark Threw Patches Down Upon Me Also » avec ce titre étrange (Les ténèbres m'ont aussi jeté des patchs). « Le but est d'être des deux côtés du poème, de faire la navette entre vous et moi ». C’est aussi « le rêve du poème, / puis le rêve du poème de ce rêve ».

« The Rose » est un long poème en prose de sept pages, paru dans « The New York Review of Books » de juillet 2020. Dans ce texte, Ben Lerner ne cesse de se poser des questions. « À un moment donné, j'ai réalisé que les questions étaient les mêmes ». Questions diverses et variées qui impliquent aussi bien les thèmes des expositions d’art, le changement climatique, la cuisine, « les préjugés raciaux implicites chez les tout-petits », les suites des attentats du 11 septembre, « L'implication pour la musique folk du fait que les étoiles ne scintillent pas », mais en fait tout tourne autour du titre « la rose » pour conclure « la rose est obsolète ». On découvre alors que sa grand-mère s’appelait Rose « Rose était le nom de ma grand-mère maternelle », que son père s’appelait Brenner. Une famille juive qui tenait une petite épicerie à Brooklyn. Deux accidents mortels plus tard, la famille est poursuivie en justice et a tout perdu. Ceci dit « Le décubitus est-il nécessaire pour faciliter les réjouissances analytiques ? «

Dans « Auto-Tune », il écrit une vraie logorrhée à propos de la technologie de déplacement de la parole et ses origines : « Notre capacité à corriger les hauteurs chantées était le résultat involontaire d'un effort visant à extraire les hydrocarbures de la terre » et il poursuit « Je veux chanter l'activité sismique au plus profond de la Terre et la destruction de la terre pour le profit avec une voix dont la particularité a été extraite par machine ». Il est vrai que cela peut paraitre ésotérique.

Et surtout de passer brutalement au poète Cædmon de la deuxième moitié du VIIe siècle. Poète dont on connait surtout ses œuvres grâce à « Histoire ecclésiastique du peuple anglais » achevée en 731 du moine Bède le Vénérable (672-735). On en connait le rève, dans lequel, pendant son sommeil, il rêve qu’un homme lui demande de chanter « le commencement des créatures ». Après avoir refusé, il finit par composer un bref éloge en vers de Dieu, créateur de la terre et des cieux. Ce texte en anglais ancien est long de seulement neuf vers et quarante-deux mots, est l’un des plus anciens textes connus en vieil anglais. « Maintenant nous devons louer le Créateur du royaume céleste, la puissance du créateur et son conseil, les actes du Père de gloire. Comment Lui, le Dieu éternel, devint-Il l'auteur de tous ces miracles : d'abord, pour les enfants des hommes, Il disposa le ciel pour couvrir d'un toit leur maison ; après quoi, le tout-puissant Protecteur du genre humain créa la terre ».

Ou dans « The Circuit » à propos de la panique qui s’est développée à pros de la pandémie du Covid : « Imaginez une chanson, dit-elle, qui exprime la colère des gens ». et il s’en prend à Donald Trump : « vous faites campagne / en vers conventionnels, mais gouvernez en avant-garde / piétés concernant le démantèlement ».

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L'école de Topeka

Ben Lerner est un nom à retenir. Ayant souvent été second couteau des sorties d’auteurs américains jusqu’à ce jour – quelques fulgurances dans ses poésies et ses précédents romans – n’auront pas permis de faire reconnaître son talent à sa juste valeur. Un talent indéniable qui prend tout son envol dans ce magistral nouveau roman publié par les éditions Bourgois, avec la traduction virtuose de Jakuta Alikavazovic. Mais de quoi « Ben Lerner » est-il le nom ?



Ce fils de psychiatres, enseignant de littérature au Brooklyn college, n’en est pas à son coup d’essai, et n’est pas inconnu des lecteurs français les plus assidus. Ainsi, nous avions pu le découvrir avec « Au départ d’Atocha » ( l’Olivier, 2014), puis 10 :04 ( l’Olivier, 2016), ainsi qu’un recueil de poésie, à savoir « Angle de lacet » ( éditons Joca Seria, 2019). Un auteur quasi-confidentiel, comme un Stephen Markley, ou encore John Wray, impressionnant par sa virtuosité, mais ne rencontrant jamais le succès d’un Jonathan Franzen ou Philip Roth, car oui, son talent impose la comparaison.



« Lécole de Topeka » raconte la vie et les atermoiements de la famille Gordon, dignes citoyens américains issus de la classe moyenne. Nous suivons Adam le fils, champion de joutes oratoires, le père Jonathan et la mère Jane, tous les deux psychiatres travaillant à la Fondation, dans la ville de Topeka dans le Kansas. Cette famille en apparence soudée, mais au parcours aussi singulier que tout à chacun, se retrouvant confrontée à une époque changeante, à un entourage inconstant et aux questionnements existentielles qui peuvent s’imposer au cours du cheminement de vie. Enfin, nous suivons Darren, son témoignage, par petite bribe, venant compléter ainsi un tableau d’un milieu et d’une époque.



Ben Lerner, ne propose pas moins que d’ausculter avec minutie, et maniérisme, l’Amérique des années 90, mais plus globalement les sociétés occidentales capitalistes de cette époque à l’heure des dérèglements. Qu’il s’agit-ce de la confrontation d’idéaux, de changement de dogme sociétal, notamment les confrontations entre patriarcat et émancipation de la femme, mais aussi l’aliénation du succès ou encore le délitement du couple face à une routine consumériste, et la perte de sens dans un monde de plus en plus rapide et superficiel. Chacun incarnant à tour de rôle, symboliquement une problématique et son questionnement inhérent, tout en construisant un lien, même ténu avec les autres membres de la famille, donnant ainsi une cohérence d’ensemble vertigineuse.



“puis nous sommes arrivés devant La Vierge À L’Enfant de Duccio, y sommes restés plusieurs minutes; mes mâchoires se serraient et se desserraient involontairement tandis que nous le regardions. Les vieux tableaux m’ennuyaient habituellement, mais celui-ci me stupéfia. L’expression de la femme, comme si elle savait les choses d’avance, comme si elle était à même d’anticiper une récurrence distante. Le parapet étrange sous les silhouettes, sa façon de lier le monde sacré et celui des spectateurs. Un instant, le fond doré me semblait plat; le suivant, il n’était que profondeur. Mais ce qui m’a réellement fasciné, ce qui m’a réellement ému, n’était pas dans le tableau : c’était le fait que le bord inférieur du cadre portait des brûlures de bougie. Des traces d’un vieux procédé d’éclairage, l’ombre de la dévotion. Le cartel affirmait que le tableau avait contribué à inaugurer la Renaissance parce que Duccio avait réimaginé la Madone et le Christ en des termes issus du quotidien. En ce sens, c’était une façon de se détourner du sacré, les tableaux devenant progressivement des objets de contemplation esthétique, détachés de la religion, détachés des autels, libres ou condamnés à circuler dans l’espace du musée et celui du marché. Mais les brûlures étaient comme l’empreinte digitale d’une époque révolue – avant que Ziegler et ses camarades ne décrètent que les sources traditionnelles de valeur n’étaient que superstition. Ces ” milliers de générations de progrès technique” ont oblitéré tout rituel, vidé les choses de tout sens, une glossolalie sans divinité. J’ ai décidé, moi, que c’est cela qu’elle voyait, cette mère peinte, qu’elle faisait ses adieux aux chandelles, qu’elle se savait prisonnière d’un tableau adressé à l’avenir, où il ne pourrait être, en dépit de sa grandeur, qu’une instance de savoir-faire, de maîtrise technique. De nouvelles fissures apparaissaient à la surface, sous mes yeux. Dans mon souvenir, les larmes me sont montés.“



Mais le plus impressionnant, à la lecture de « Lécole de Topeka », c’est le style de l’auteur, nous sommes face à un écrivain possédant une écriture, un style, un regard propre à lui-même une signature donnant une grandeur au tout. Les pensées et les digressions des personnages se font d’une intensité rare. On en vient presque à ressentir une mélancolie et une urgence du constat. Et cette stylistique fonctionne à chaque fois. Que l’on parle d’un tableau, de la perception de la célébrité, du rapport à ses confrères, ou encore de la perte d’une amitié, tout devient à la fois métaphysique et intime, comme une collision entre le sublime et le banal.



On pourra relever les similitudes entre Adam et sa famille avec l’auteur et ses parents, il y a une base commune, mais ceci ne justifie nullement le talent derrière cet œuvre. « L’école de Topeka » est un grand roman, pas un grand roman américain, il est au-delà, s’inscrivant comme témoin d’une névrose universelle, dans une vérité du sublime et du crasseux, il est ce grand roman que l’on aime ouvrir et se prendre en pleine face page après page. Une sacrée claque !
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L'école de Topeka

Ses deux premiers romans nous avaient habitué à un personnage central jouant avec beaucoup d’humour de nombreuses variations sur son rôle d’imposteur. Certains lecteurs pourraient ici être déçus de ne pas y retrouver leurs marques. D’autres pourraient apprécier cette nouvelle ambition donnée par l’auteur à son œuvre. On remarquera ici une approche plus large, plus complexe et une réflexion plus sociétale. Mais étrangement ce surplus d’ambition lui fait perdre aussi en singularité. A savoir qu’on le voit se ranger dans une filiation de plus en plus nette avec ses pairs, Joyce Carole Oates, Paul Auster ou, de façon plus évidente encore, Philip Roth.

L’École de Topeka : un cas d’école.
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La haine de la poésie

« La Haine de la Poésie » de Ben Lerner, traduit de « The Hatred of Poetry » par Violaine Huisman (2017, Allia, 80 p.). Petit livre dans lequel Ben Lerner pose les questions qui l’obsèdent. Comment être poète ? Qu'est-ce que la poésie ? Un véritable sac de contradictions enveloppe encore cette discipline. Ben Lerner avoue qu’il est le premier à en faire les frais. « Par exemple, chez le dentiste, quand il s’agit de répondre la bouche grande ouverte, à la question qui tue : "Que faites-vous dans la vie ?" » Ce à quoi Ben Lerner répond « Je suis poète », ce qui fait grimacer le dentiste. « On se fait des soucis pour un poète — ne pourriez-vous pas trouver un vrai travail et laisser vos manies d'enfant de côté ?

Pourquoi parler de Ben Lerner, de ses romans et de poèmes. Pour moi, ce sont les années du « Clavier Cannibale » de Christophe Claro qui m’ont fait connaitre cet auteur américain, récompensé également par « The Believer Book Award » en 2012 pour son « Leaving the Atocha Station ». La revue « The Believer » fondée en 1998 par Dave Eggers, et publiée par McSweeney's, a été le flambeau de la presse indépendante. Elle a connu une éphémère traduction en français, a été une source importante et fiable de titres et d’auteurs américains.

Ben Lerner s’est fait connaitre avec « The Lichtenberg Figures » un recueil de poèmes (2004, Copper Canyon Press, 96 p.). A la sortie du livre, Ben Lerner, 25 ans, est le plus jeune poète primé, a recevoir le « Hayden Carruth Award ». Ce prix est au nom du poète (1921-2008) qui a écrit plus de 30 ouvrages de poésie américaine, lorsqu’il enseignait à Syracuse University, pas très loin du lac Ontario dans l’Etat de New York. Le recueil a été nommé l'un des douze meilleurs livres de poésie de l'année. Depuis, il a publié d’autres recueils de poèmes « Angle of Yaw » (2006) et « Mean Free Path » (2010). La traduction allemande « Die Lichtenbergfiguren » par Steffen Popp en 2010, a reçu le « Preis der Stadt Münster für internationale Poesie » en 2011, ce qui en fait le premier Américain à recevoir cet honneur.

Ben Lerner est certainement plus connu par ses romans, dont « Au Départ d’Atocha » (2011) traduit par Jakuta Alikavazovic. (2014, Editions de l’Olivier, 205 p.), « 10:04 »(2014) traduit Jakuta Alikavazovic. (2016, Editions de l’Olivier, 270 p.) et « L’Ecole de Topeka » (2019) traduit par Jakuta Alikavazovic (2022, Christian Bourgois, 409 p.) sur sa jeunesse dans cette ville du Kansas.

Pourquoi ce mépris dans « La Haine de la Poésie », maintenant qu’il est devenu un poète reconnu et récompensé, voire même « écrivain charismatique » comme cela a été écrit dans le « New York Times ». Il reste cependant tétanisé, et il l’avoue une quinzaine d’années après, devant « Poetry » de Marianne Moore (1887-1972) extrait de « Poèmes Complets » (1994, Penguin Classics, 320 p.) Ce poème, qu’il avait lui-même choisi pour le réciter au collège, est tiré de « Poésie Complète » traduit par Thierry Gillyboeuf (2004, José Corti, 336 p.). Il avoue qu’il l’a bredouillé à trois reprises. Mais il n’est pas si rancunier que cela puisque le titre même de son ouvrage « The Hatred of Poetry » reprend le premiers vers du poème « I too, dislike it: there are things that are important beyond all this fiddle » (Moi aussi, je n'aime pas ça : il y a des choses qui sont importantes au-delà de tout ce bidouillage). Heureusement, il y a des passages brillants parmi des réflexions plus ternes. « Pour l'avant-garde, le poème est une bombe imaginaire avec de vrais éclats d'obus ». C’est la version proposée par Ben Lerner des vers du poème de Marianne Moore « The bat, / holding on upside down or in quest of something to // eat, elephants pushing, a wild horse taking a roll, a tireless wolf under / a tree, the immovable critic twinkling his skin like a horse that feels a flea ». (La chauve-souris, / tenant sa tête en bas ou en quête de quelque chose à // manger, des éléphants qui poussent, un cheval sauvage qui roule, un loup infatigable sous / un arbre, l’immuable critique faisant scintiller sa peau comme un cheval qui sent une puce ). Dans son pamphlet, Ben Lerner en profite pour tirer à boulets rouges sur certains des poètes contemporains. Contre eux, il défend sa vision d'une poésie comme étant une quête d'universalité et d'authenticité.

« On nous a appris très tôt que nous sommes tous poètes simplement en étant humains. Notre capacité à écrire des poèmes est donc à la mesure de notre humanité ». Soit, dit autrement. Tout humain est poète. Ben Lerner est humain. Ben Lerner est donc poète. On pourrait retourner le syllogisme en. Tout poète est humain. Ben Lerner est poète. Ben Lerner n’est donc pas un produit de l’intelligence artificielle type ChatGPT. Et il poursuit son analyse, quelquefois de façon bizarre. « La poésie est l'expression la plus pure (à la façon d'un jus d'orange ?) de ce domaine [à l’intérieur de nous ] ». Lorsque l’on sait ce que l’on met dans un jus d’orange de grande surface, on peut comprendre les contradictions qui l’assaillent. Retour explicite chez le dentiste et son embarras à justifier sa profession., surtout la bouche béante, avec le docteur X « cognant le petit miroir contre mes molaires » et méprisant « l'idée qu'une véritable poésie pût sortir d'une telle ouverture ».

Selon Ben Lerner, « la poésie dénote une exigence impossible », ce qui fait qu’elle est « souvent accueillie avec mépris plutôt qu'avec une simple indifférence et pourquoi elle est périodiquement dénoncée plutôt que simplement rejetée ». Le couplet de l’incompréhension est lâché. Le poète est un incompris au mot, sans jeu de mots. Ce qui aurait été plus drôle. Suit aussitôt la question de la diffusion de ces œuvres : « Un poète publié ? ». Comme si le fait d’être édité valait reconnaissance. Il faut dire que le traité date de 2016. Date à laquelle le « open source » n’existait pas encore de façon commerciale. Il y avait bien les tirages à compte d’auteur, mais la diffusion en restait très limitée, quitte à priver le public d’un génie méconnu. C’est un peu le paradoxe du chanteur-compositeur de cabaret et de la vedette de music-hall. Est-ce que la diffusion induit et favorise le talent ?

Le recours à l’empathie créée par l’émotion, comme il le suggère à propos de « poètes en fin de vie » ou « poètes non libres » ne change rien à la présence ou non du travail ou talent. Et d’embrayer sur les « récentes jérémiades très médiatisées ». Et de sortir la machine à gifles. Heureusement c’est destiné essentiellement à des américains. Cla va de de Platon à John Keats, de Walt Whitman à Emily Dickinson

Il examine aussi les poètes de l’Histoire à la recherche d'attitudes différentes envers la poésie. C’est ainsi qu’il présente Platon et sa caverne comme le premier ennemi de la poésie de l'histoire. Platon considère les poètes comme de dangereux menteurs parce que « les poètes sont des rhéteurs qui font passer les projections imaginatives pour la vérité et risquent de corrompre les citoyens de la ville juste ». Ou encore « Platon est un poète qui reste au plus près de la poésie car il refuse tout poème réel ».

Socrate ne vaut pas mieux, qui « essaie de défendre le langage comme média de la philosophie contre la déraison des poètes qui ne font qu'inventer des artefacts au lieu de découvrir des vérités authentiques ». « Socrate (« Celui qui n'écrit pas », comme disait Nietzsche ». En voilà deux rhabillés pour l’hiver rude hors Méditerranée.

Il nous emmène à travers la Révolution française et le déclin de la poésie au XIXe siècle alors que le roman devient l'étoile montante de la scène littéraire. « Même les défenses romantiques les plus passionnées de la poésie réinscrivent le sens de l'insuffisance des poèmes ». Même les poètes qu’il admire n’échappent pas à son ire. Leurs poèmes invoquent explicitement les limites du poème réel. « faisant de leur échec une partie intégrante des thèmes et de la prosodie mêmes de leurs poèmes ».

Lerner écrit encore : La poésie n'est pas difficile, c'est impossible ». Avec comme argument que la poésie n'est parfaite que lorsqu'elle n'est pas réalisée. « La poésie naît du désir d'aller au-delà du fini et de l'historique et d'atteindre le transcendant ou le divin ».



Résultat « Notre mépris pour un poème particulier doit être parfait, être total, parce que seule une lecture impitoyable qui nous permet de mesurer l'écart entre le réel et le irtuel nous permettra d'expérimenter, sinon un poème authentique […] du moins une poésie à la fois intellectuelle, déclarative, autoréflexive ».

« Je voulais rejeter tout dogmatisme en théorie et toute sclérose en organisation». Vaste programme.





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L'école de Topeka

« L’Ecole de Topeka » est le troisième roman de l’américain Ben Lerner, traduit par par Jakuta Alikavazovic (2022, Christian Bourgois, 416 p.).

Où l’on retrouve la famille Gordon, celle du fils Adam, parti en bourse d’études Fullbright à Madrid, et protagoniste principal de « Au Départ d’Atocha » (2011) également traduit par Jakuta Alikavazovic. (2014, Editions de l’Olivier, 205 p.), la famille Gordon a quitté New York pour Topeka, dans le Kansas. Le père Jonathan travaille dans une prestigieuse clinique psychiatrique « La Fondation » où il s'occupe d'adolescents en difficulté. La mère Jane, est également psychologue, écrivain, auteur féministe, déjà célèbre, quoique aussi vivement critiquée. Un fils, Adam, celui qui partira à Madrid, est encore au collège où il rêve de devenir poète. Il est devenu champion de débats oratoires. Ben Lerner narre avec humour les hauts et les bas de la famille Gordon, avec les coups de canifs dans le contrat de mariage des époux. Et surtout, les problèmes d'élever un enfant lorsque l’on travaille en pédopsychiatrie. Avec en parallèle, l’évolution du jeune Darren Eberheart. Un jeune inadapté social qui accumule les expulsions, suite à des brimades et qui réagit par la violence. En toile de fond, les dégâts des réseaux sociaux, le discours machiste et ségrégationniste de « l'homme blanc en colère », dans un Kansas animé sous l’influence de la droite américaine

Le Kansas est un état qui a abolit le décret de l’abolition de l’esclave de 1854. Les élections de 1855 furent l’objet d’un conflit violent, connu sous le nom de « Bleeding Kansas » (Kansas sanglant). Depuis, les colons anti-esclavagistes se sont organisés en tant que parti politique de l'État libre, devenu depuis le Parti Républicain du Kansas, un sous-groupe du « Great Old Party » (GOP) Républicain, l’Eléphant Rouge. L’état es sous influence républicaine déclinante de Bush (62 %) à Trump (57 %). Le gouverneur est passé Démocrate en 2022 (49.5 %), avec 3 sénateurs sur 4 Républicains. C’était l’un des états clés des dernières élections.

Le roman contient une bonne partie d’éléments autobiographiques. On peut parler d’autofiction. Le jeune Ben Lerner y a grandi, il y a remporté un championnat national de débat oratoire au collège. Comme la mère d'Adam, la mère de Lerner, Harriet Goldhor-Lerner, est une psychologue qui a publié des livres à succès destinés à un public non académique, dont certains traduits. « La Danse de la Colère » (1990, First, 277 p.), « La Valse des Emotions » (1990, First, 219 p.) ), « Le Pouvoir Créateur de la Colère » (1994, Editions du Jour, 203 p.). Postulant que « la colère est un signal et mérite d'être écoutée », elle suggère aux femmes « d’identifier les véritables sources de leur colère et à ensuite l’utiliser comme un puissant moyen pour créer un changement durable ».

La fin du livre se déroule à New York, où Adam a déménagé, après s‘être marié et devenu père de deux filles. Ils reviennent à Topeka, pour assister à une conférence d’Adam. Et au retour à New York, ils assistent à une manifestation contre la politique de séparation des familles de l'administration Trump.

Cet aller-retour entre Topeka et New York se veut une description de la « violente crise d'identité parmi les hommes blancs » des années 1990 qui préfigure la montée du populisme et l’élection de Donald Trump. Le tout est accompagné, pour ne pas dire attisé par les manifestations de la « Westboro Baptist Church », basée à Topeka. Cette petite organisation religieuse, fondée par Fred Phelps et principalement composée de membres de sa famille, est connu pour ses piquets de grève homophobes et anti-américains, ainsi que pour ses discours de haine contre les athées, les juifs, les musulmans, et plus généralement les personnes transgenres.

Cette crise se rajoute à celle du machisme toxique, illustré par le jeune Darren. Ainsi que l'effondrement du langage en tant que moyen de communication, incarné par la technique du débat. C’est la « diffusion » oratoire où un orateur tente de vaincre son adversaire avec autant d'arguments que possible, quel que soit leur mérite. Elle est illustrée par les joutes oratoires de Adam au collège, épisode qui sera repris dans « Au Départ d’Atocha ». Les techniques des joutes oratoires sont décrites en détail, techniques proposées par le père Jonathan. Cela inclue l'improvisation : « le style libre des nerds », comme ces personnes solitaires, obnubilées par des sujets intellectuels abscons. Ainsi que par « L’étalement » (The Spread) une effusion verbale à grande vitesse. « Pendant quelques secondes, cela ressemble plus ou moins à un discours oratoire, mais bientôt elle accélère à une vitesse presque inintelligible, la hauteur et le volume augmentent. Elle halète comme un nageur qui fait surface, ou qui se noie peut-être ; elle tente de « répartir » leurs adversaires, car ses adversaires tenteront de les répartir à leur tour, c'est-à-dire de présenter plus d'arguments, de rassembler plus de preuves que l'autre équipe ne peut répondre dans le délai imparti ». Cette théorie, développée par Jonathan, se retrouve tout au long du roman, presque comme un fil conducteur, ainsi justifié par son auteur. « Dans des conditions de surcharge d'informations, les mécanismes de la parole s'effondrent ».

Son entraîneur, Evanson, deviendra par la suite un promoteur d'un programme de droite approuvé par l'administration Trump. On pense à Brian K Evenson, qui dans « The Wavering Knife » (2004, Fiction Collective 2, 205 p.) appelle à « spread the word about a unique, genre-busting writer » (répandre les mots pour faire connaitre un écrivain unique, qui casse les genres). Toutefois, j’ignore si BK Evenson est le même que celui qui a écrit « La Conférence des Mutilés » (2008, Le Cherche Midi, Lot 49, 228 p.) ou « Baby Leg » (2012, Le Cherche Midi, Lot 49, 108 p.). Les sujets et le style étant très différents. J’y reviendrai plus loin.

Pour en revenir à « L’Ecole de Topeka », les premières éditions du livre ont été approuvées et louées et par Sally Rooney, dont les compétences en matière de débat international étaient remarquables - avant qu'elle ne soit véritablement connue. Ce que j’en pensais après avoir lu son second roman « Normal People » traduit par Stéphane Roques (2021, Editions de l'Olivier, 320 p). « En résumé. C'est un livre que je qualifierais de surfait. C'est une prose simpliste, c'est le moins que l'on puisse dire ». Avec des phrases simplistes. « Les cerises pendent aux branches des arbres vert foncé comme autant de boucles d'oreilles ». Trumpisme et populisme.

On constate que le livre de Ben Lerner aborde beaucoup de thèmes, sans doute trop à la fois. Mais l’idée était de faire passer ces idées de crise des « Rednecks », pauvres en milieu rural. Thèmes que l’on trouve déjà dans les romans d’Erskine Caldwell (1903-1987) et ses deux romans des années 30 traduits par Maurice Edgar Coindreau « La Route au Tabac » (2017, Belfond, 220 p.) et « Le Petit Arpent du Bon Dieu » (1973, Gallimard, 269 p.).

Globalement, le livre comporte trois perspectives qui recouvrent la famille Gordon. La mère, Jane réfléchit à la vie de sa famille, à ses sombres secrets et surtout aux changements imprévus dus à la célébrité d'un livre à succès. Le père, Jonathan est, réfléchit aussi à la vie de famille, mais en s’embarquent dans des relations extérieures. Enfin, Adam le fils cherche des réponses et des explications à des questions qu’il ne maitrise pas. Se rajoutent des sortes de digressions, soit l’entourage immédiat familial, la seconde sur l’extérieur. Donc, au trio familial, Ben Lerner rajoute Darren Eberheart, patient du père, surtout inadapté social soufrant d’un trouble d’apprentissage. Il blesse gravement une fille lors d'une fête qui a repoussé ses avances soi-disant romantiques après des années d'humiliation par ses camarades. Exclusion et de brimades qui conduisent tout naturellement à la violence. Bel exemple de prise en charge par les psychologues de l’établissement. « La parodie d'inclusion qu'ils jouaient avec Darren - leur stagiaire - était aussi une citation et une critique des méthodes de la Fondation »

Parmi les personnages annexes qui contrôlent l’ambiance, il y a là le révérend Fred Phelps de la secte baptiste « « Westboro Baptist Church », homophobe et raciste, qui jette de l’huile sur le feu. Un autre est Klaus, « sûrement le seul homme de Topeka vêtu de lin blanc », sans mentionner la probité. C’est le mentor et père de substitution de Jonathan. Un psychanalyste déjà âgé qui a survécu à la Shoah alors que ses parents et ses trois sœurs étaient assassinés à Auschwitz. C’est un peu aussi le clin d’œil de Ben Lerner à la communauté, fort active et acheteuse de livres. Klaus pourrait faire partie de la communauté LGBT, autre clin d’œil marketing. Pour un psychologue, il reste étrangement déconnecté de « La Fondation », du moins des autres professionnels. « Le charme de Klaus, du moins pour moi, était que sa voix ressemblait déjà à une imitation d'elle-même ; Klaus était un acteur perplexe de jouer Klaus. Et pourtant, l'effet de ce dédoublement était généreux, autodérision ». Adam le suit et l’écoute jusqu’à sur son lit de mort où il expose les théories fumeuses de Hans Hörbiger (1860-1931) sur la « Welteislehre », ou Théorie de la Glace Eternelle. Théorie qui prétend que tout est glace et retournera en glace, et que tous les corps de l'univers sont constitués de glace. Théorie qui sera reprise par les nazis, puis par la suite par Louis Pauwels et Jacques Bergier dans « Le Matin des Magiciens" » (1965, Gallimard, 514 p.).

Comme si les digressions sur les personnes ne suffisaient pas, on a aussi celle dans l’espace-temps. « L'Amérique est une adolescence sans fin ». Je vais finir par le croire. Et c’est à propos d’Adam. « Son problème, c'est que nous lui avons donné une enfance parfaite » disent de lui ses parents, surtout sa mère. Quand Adam et sa petite amie s'embrassent, ils deviennent des véritables figures de style littéraires « Il a goûté le brillant sucré et le tabac, les notes de menthe et de métal qui lui ont fait penser au sang quand il l'a embrassée ». On croirait presque de la publicité pour un rouge à lèvres.

Ce sera aussi l’occasion pour Ben Lerner de présenter ses références à l’art. Dans « Au Départ d’Atocha », il y avait ces scènes quasi extatiques devant « La Descente de Croix » (1435) de van der Weyden. Dans « 10:04 », c’était « Jeanne d'Arc » (1879) de Bastien-Lepage. Là, c’est la « Vierge à l'Enfant » (vers 1300) de Duccio. Eclectisme, mais sujets toujours axés sur la religion.

On en arrive au côté « politique » du roman. Ouf.

A 17 ans, Adam Gordon, est félicité par le sénateur Bob Dole après avoir remporté un tournoi de débat. La scène est censée se passer en 1996 et Dole « était à moins d'un mois d'être écrasé » (49.2 %) par Bill Clinton. Victoire qui confirme la défaite du conservatisme culturel, du moins pour le Kansas, d’où Dole était originaire. Scrutin sans appel de 379 contre 159 grands électeurs. L'histoire de l’ex-sénateur était terminée. Mais en 2019, Adam Gordon, devenu père et vivant à New York sait que l'échec de la candidature présidentielle de Dole ne met pas fin à l'histoire. Il sait, vingt ans après, que le président élu sera une star de télé-réalité raciste qui parle de lui-même à la troisième personne. Ben Lerner repart donc pur un tour, en remettant une pièce dans la machine.

A Topeka, Evanson enseigne à Adam comment compenser son intellectualisme progressiste. Il lui suffit d’afficher ses racines du Midwest, son style « redneck » et son aisance des joutes oratoires. « Cessez votre aisance intellectuelle avec des extraits sonores fades de la décence régionale. Livrez de petites tautologies comme si c'étaient des proverbes ». Toute la panoplie du populisme.

Pour faire, tout de même bonne figure, Adam le plaint parce qu'il est « du mauvais côté de l'histoire qui s'est terminée avec Dole » et est mort quand « les républicains meurent en tant que parti national ». Au lieu de cela, Evanson devient un « architecte clé du poste de gouverneur le plus à droite que le Kansas ait jamais connu. Un modèle important pour l'administration Trump ». Evanson est maître de la propagande, rebaptisée « étalement ».

En résumé, et si l’on peut dire en guise de conclusion. 400 et quelques pages dans lesquelles sont exprimés des tas de choses, de thèmes, le tout sur une petite dizaine de personnages, dont 3 ou 4 principaux. Tout le reste est digression. L’écriture est facile, mais on s’y perd vite à rechercher un fil conducteur global. On a un peu l’impression d’un roman « attrape tout », qui jongle sur des thèmes très variés, sans vraiment aller chaque fois au fond des choses. Un peu la même impression au final que dans « Au Départ d’Atocha », où Adam Gordon reste très passif vis-à-vis de l’attentat terroriste. Passivité voulue, dénoncée certes dans « L’Ecole de Topeka », mais dont le message véritable est enfoui sous d’autres thèmes, qui finissent par brouiller le tout. « Surcharge d'informations » qui fait que « les mécanismes de la parole s'effondrent ». Est-ce une assertion de la théorie de « l’étalement » ou une illustration. Inexorablement, on pense à l’adage de l’étalement à propos de la confiture (ou de la culture).





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Au départ d'Atocha

« Au Départ d’Atocha » de Ben Lerner, écrit en 2011 et traduit par Jakuta Alikavazovic. (2014, Editions de l’Olivier, 205 p.),



Pourquoi parler des romans de Ben Lerner et de ses poèmes. Pour moi, ce sont les années du « Clavier Cannibale » de Christophe Claro qui m’ont fait connaitre cet auteur américain, récompensé également par « The Believer Book Award » en 2012 pour son « Leaving the Atocha Station ». La revue « The Believer » fondée en 1998 par Dave Eggers, et publiée par McSweeney's, a été le flambeau de la presse indépendante. Elle a connu une éphémère traduction en français, a été une source importante et fiable de titres et d’auteurs américains.

« Au Départ d’Atocha », c’est l’histoire de Adam Gordon, un jeune poète américain en résidence d'écriture à Madrid pour écrire sur l’état du pays dans une ère post-franquiste. C’est ce que fut Ben Lerner en 2003 lorsqu’il obtient une bourse Fulbright.

Adam Gordon écrit peu. Il fume, déambule, lit, drague et s'invente une vie. Une vie faite de ses récits ou plutôt de mensonges, avec une mère malade et un père fasciste. Très vite sa fausse existence le fascine. La réalité vient troubler sa fiction lors de l’attentat qui frappe la gare d'Atocha. Peu de réaction émotionnelle pourtant au terrorisme. Au bout, c’est le portrait d'un jeune, soit-disant poète, mais perdu et au talent douteux, en mal de repères. Société essentiellement occidentale post-moderne très individualiste, avec un matérialisme d'une « culture » décadente. L’imposture de Adam finit même par agacer, et même faire pitié. Un peu triste tout cela. Il manque une note d’espoir.

Atocha, pour moi c’est la gare de Madrid d’où partent les trains rapides espagnols AVE vers le Sud. C’est la plus grande gare de Madrid, livrée en 1892 par Alberto del Palacio Elissagne en collaboration avec Gustave Eiffel. C’est une immense verrière posée sur des murs de briques rouges. A l’intérieur, un jardin tropical de quatre mille mètres carrés, véritable forêt exotique d'intérieur où la température est constante à 24°C. Une attaque terroriste le 11 mars 2004 fait 191 morts et 2057 blessés.

Je me souviens d’un Madrid-Cordoba en plein été, où il m’a été servi une « rabo de toro » (queue de bœuf) délicieuse. Puis le lendemain, dans la ville où il y avait grande procession. Peut-être était-ce le 15 Août. J’ai recroisé la procession plusieurs fois, et j’en ai profité pour entrer avec elle dans la cathédrale, ancienne mosquée (« Mezquita de Córdoba »). Foule pieuse, et tous qui chantaient. A la sortie un dernier tour dans la « Juderia » et salut à la statue de Maïmonides. Avant de repartir pour Sevilla et huit jours de « pidgin english » à ergoter sur des viscosités de magmas silicatés ou autres rapports isotopiques. Heureusement, il y avait une collègue catalane, avec le prénom d’une diva célèbre, qui m’a permis de rafraichir mon « castellano ».

Adam Gordon est donc un jeune poète américain brillant, mais très peu fiable en fait « menteur violent, bipolaire et compulsif. J'étais un vrai américain ». Il est toutefois bénéficiaire d'une bourse prestigieuse à Madrid. Son problème est de pouvoir établir son sens de soi et sa relation à l'art. vaste programme, diront certains. « Mon intérêt pour l’art était indissociable de la rupture entre mon expérience personnelle des œuvres et les propos qu’elles suscitaient ; le constat de cet écart – voilà sans doute mon expérience esthétique la plus intense, ou du moins ce qui s’en rapprochait le plus : l’expérience profonde de l’absence de profondeur ».

Surtout qu’il perçoit le réel à travers une projection d’expériences médiatisées par la technologie, le langage et quelquefois des addictions à des drogues diverses. « Le langage de la poésie est l'exact opposé du langage des médias de masse ». Résultat, il sur interprète tout et confond les pensées alambiquées, voire tordues, avec des idées puissantes. Il en vient à se fabriquer une autre vie, un père fasciste et « une mère mourant d'un cancer », ou « morte pour obtenir sa sympathie ».

De deux poèmes qu'Adam Gordon prétend avoir écrits. L'un provient du livre de Ben Lerner « The Lichtenberg Figures » (2004, Copper Canyon Press, 96 p.). Le deuxième poème est ce qu'Adam lit à la galerie. Ce poème est composé de vers du roman lui-même. C'est un poème virtuel dans le sens où c'est une impossibilité structurelle pour Adam d'avoir à sa disposition le langage d'un roman non encore écrit.

Il est vrai qu’il passe son temps à Madrid au Musée du Prado, en contemplation de « La Descente de Croix » (1435) de Rogier van der Weyden. « Un matin, ma place devant le Van der Weyden était prise. L'homme se tenait à l'endroit exact où je me plaçais et ma première réaction fut la surprise, c'était comme de me regarder en train de regarder le tableau, bien que l'intrus soit plus mince et plus brun que moi. Je voulais qu'il s'éloigne mais il ne bougea pas ». Etait-ce une méditation prolongée devant l’œuvre ou une incertitude quant à sa signification. Pourquoi les artistes peintres de cette époque, flamands ou rhénans, comme van der Weyden ou Matthias Grünewald barrent ils les descentes de croix, essentiellement verticales, par des personnages qui strient le tableau en oblique. « Vivait-il une profonde expérience esthétique ? » s’interroge Adam, qui ne comprend rien à rien.

Il est à Madrid en train d'essayer de draguer deux Espagnoles, Isabel et Teresa. « Ma détresse à propos d'Isabel et de Teresa, associée à ma culpabilité à propos de mes parents, a ouvert des questions plus larges sur ma fraude. ; que j'étais un imposteur n'avait jamais été mis en doute – qui ne l'était pas ? ». Jusque-là, tout va bien, ou presque. Mais vient maintenant « Accroupie dans l'une des rares positions de sujets préfabriquées offertes par le capital ou peu importe comment vous voulez l'appeler, mentant à chaque fois qu'elle disait « je » ; qui n'a pas été un peu joueur dans une infopublicité en boucle pour une vie sacrifiée ? ». On dirait du Gloubi-Boulga transcrit en phonétique et traduit ensuite par un traducteur automatique.

Teresa est intelligente et belle, tout le raffinement des élites. Une fois elle lui dit qu'il ressemble à Jack Nicholson dans « The Passenger ». « Manque de chance « Je n'avais pas vu « The Passenger », un film dans lequel j'ai joué ». Toujours l’ambivalence des propos, qui marquent surtout la vacuité des propos.

Il reconnait par ailleurs qu’il « n'a jamais vraiment eu de relations sexuelles avec elle ! ». Ce qu’il met sur le compte de sa méconnaissance de la langue. Comme si c’était le plus important. Lorsqu'elle lui demande à ce propos « Quand allez-vous admettre que vous pouvez vivre dans cette langue ? », il n’est pas sûr qu'il puisse réellement « vivre » dans n'importe quelle autre langue. Il craint que « tout langage ne soit une trahison de l'expérience, et qu'il soit même impossible d'appréhender la réalité dans le monde réel ». Une autre fois, à Barcelone, il visite la ville avec Teresa, et sort un moment acheter un café. Il se perd dans les rues et erre dans la ville douze heures durant. Lorsqu’il retrouve leur hôtel, il abreuve Teresa avec une suite de mensonges car il pense que la vérité serait trop incroyable.

Il raconte à propos de sa relation avec son autre petite amie, Isabel « Mon espagnol s'améliorait, malgré moi, et j'éprouvais, avec la force de la révélation, une évidence évidente. Notre relation dépendait largement de ce que je ne parvenais jamais à parler couramment, de ce que j'avais une excuse pour ne parler qu’en fragments énigmatiques ». Comme on le dit si bien en anglais Adam est « lost in translation ».

Les rapports maintenant avec l’attentat de la gare d’Atocha ? Il n’y en a pas. Atocha est cependant la gare de Madrid où des terroristes islamiques ont fait exploser des bombes alors que les trains chargés de banlieusards se rendant au travail entraient en gare. Environ 200 morts et 2000 blessés, le 11 mars 2004. Cela rappelle Fabrice parcourant le champ de bataille de Waterloo se demandant s'il a vraiment combattu, s'il y a vraiment été et s'il fait réellement partie de l'histoire. « Vous ne voyez donc pas l’Empereur. [] Les longues crinières pendantes que portaient à leurs casques les dragons de la suite l’empêchèrent de distinguer les figures. Ainsi, je n’ai pu voir l’Empereur sur un champ de bataille ». Par contre, il croise celui qui pourrait être son père biologique. « Ce général n’était autre que le comte d’A… le lieutenant Robert du 15 mai 1796. Quel bonheur il eût trouvé à voir Fabrice del Dongo ! »



« Si j’étais poète c’était parce que, de toutes les pratiques, la poésie était celle qui pouvait le moins ignorer son anachronisme et sa marginalité et elle validait ainsi ce que j’avais de grotesque ».

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The Lichtenberg Figures

« The Lichtenberg Figures » est un recueil de poèmes de l’américain Ben Lerner (2004, Copper Canyon Press, 96 p.).

Je vais tout de suite mettre les choses au point. C’est un recueil de de 52 « sonnets » de 14 vers libres. Il n’y est pas question d’électrostatique, ni de figures fractales. Ni d’ailleurs de philosophie ou d’aphorismes reprises de Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799). C’est un peu comme si vous achetiez « Les Fleurs du Mal » de Charles Baudelaire, comme un livre de recettes phytosanitaires.

A la sortie du livre, Ben Lerner, 25 ans, est le plus jeune poète primé, a recevoir le « Hayden Carruth Award ». Ce prix est au nom du poète (1921-2008) qui a écrit plus de 30 ouvrages de poésie américaine, lorsqu’il enseignait à Syracuse University, pas très loin du lac Ontario dans l’Etat de New York. Le recueil a été nommé l'un des douze meilleurs livres de poésie de l'année. Depuis, il a publié d’autres recueils de poèmes « Angle of Yaw » (2006) et « Mean Free Path » (2010). La traduction allemande « Die Lichtenbergfiguren » par Steffen Popp en 2010, a reçu le « Preis der Stadt Münster für internationale Poesie » en 2011, ce qui en fait le premier Américain à recevoir cet honneur.

Ben Lerner est certainement plus connu par ses romans, dont « Au Départ d’Atocha » (2011) traduit par Jakuta Alikavazovic. (2014, Editions de l’Olivier, 205 p.), « 10:04 »(2014) traduit Jakuta Alikavazovic. (2016, Editions de l’Olivier, 270 p.) et « L’Ecole de Topeka » (2019) traduit par Jakuta Alikavazovic (2022, Christian Bourgois, 409 p.) sur sa jeunesse dans cette ville du Kansas. On y ajoutera son manifeste sur la poésie « La Haine de la Poésie » traduit (The Hatred of Poetry) par Violaine Huisman (2017, Editions Allia, 80 p.).

Pourquoi parler de Ben Lerner et de ses poèmes. Pour moi, ce sont les années du « Clavier Cannibale » de Christophe Claro qui m’ont fait connaitre cet auteur américain, récompensé également par « The Believer Book Award » en 2012 pour son « Leaving the Atocha Station ». La revue « The Believer », qui a connu une éphémère traduction en français, a été une source importante et fiable de titres et d’auteurs américains.

« Au Départ d’Atocha », c’est l’histoire de Adam Gordon, un jeune poète américain en résidence d'écriture à Madrid pour écrire sur l’état du pays dans une ère post-franquiste. C’est ce que fut Ben Lerner en 2003-2005. Adam Gordon écrit peu : il fume, déambule, lit, drague et s'invente une vie. Une vie faite de ses récits ou plutôt de mensonges, avec une mère malade et un père fasciste. Très vite sa fausse existence le fascine. La réalité vient troubler sa fiction lors de l’attentat qui frappe la gare d'Atocha. Peu de réaction émotionnelle pourtant au terrorisme. Au bout, c’est le portrait d'un jeune, soit-disant poète, mais perdu et au talent douteux, en mal de repères. Société essentiellement occidentale post-moderne très individualiste, avec un matérialisme d'une "culture" décadente. L’imposture de Adam finit même par agacer, et même faire pitié. Un peu triste tout cela. Il manque une note d’espoir.

Atocha, pour moi c’est la gare de départ des trains rapides AVE vers le Sud. Je me souviens d’un Madrid-Cordoba en plein été, où il m’a été servi une « rabo de toro » (queue de bœuf) délicieuse. Puis le lendemain, dans la ville où il y avait grande procession. Peut-être était-ce le 15 Août. J’ai recroisé la procession plusieurs fois, et j’en ai profité pour entrer avec elle dans la cathédrale, ancienne mosquée (« Mezquita de Córdoba »). Foule pieuse, et tous qui chantaient. A la sortie un dernier tour dans la « Juderia » et salut à la statue de Maïmonides. Avant de repartir pour Sevilla et huit jours de « pidgin english » à ergoter sur des viscosités de magmas silicatés ou autres rapports isotopiques. Heureusement, il y avait une collègue catalane, avec le prénom d’une diva célèbre, qui m’a permis de rafraichir mon « castellano ».

« Figures de Lichtenberg », maintenant. Non pas comme je l’ai dit ces arborescences fractales, similaires à celles provoquées par la foudre, ou toute autre décharge électrique. Plutôt, une suite de sonnets non conventionnels qui interrogent la relation entre langage et mémoire, violence et forme. Des éclairs d'autobiographie, de comédie et de critique intellectuelle interfèrent avec des bribes d’actualité.

Non pas, non plus, des sonnets dans le sens traditionnel du poème rimé, mais plutôt juste dans le nombre de vers. Ils sont souvent ni numérotés, ni titrés, même si quelques-uns sont dédiés « For Benjamin » qui pourrait être, soit Ben Lerner, soit Ben Franklin. « La sensation se dissout dans le sens à travers cette oiseuse discussion, / dans un sens qui se voit et qui a peur. Pourtant, nous devons finir notre café / et diviser l'épiphanie / en ses erreurs formatrices.../ Allongé sur ma paillasse de camp de détention, / je rêve en hébreu d'une cigarette / qui restitue l'immédiateté dans le domaine théorique ».

D’autres font référence à des séjours du poète en d’autres lieux. « Nous pensions qu'en arrangeant les mots au hasard, / nous pourrions éviter l'idéologie. Nous avions raison. / Ensuite, nous avions terriblement tort. Telle est la nature de la Californie ». ou encore sur son métier. « Au début des années 000s [2000], mon intérêt pour l'abstraction / a culminé dans une série d'exhaltations publiques. / J'ai été félicité pour mon utilisation de la répétition. Mais, hélas, / mon travail a été compris // C’est alors que les tours sont tombées / Et les missiles antimissiles rayèrent / le ciel nocturne avec des ellipses ».

Une certaine fraicheur dans ces poèmes, qui change, à la fois de l‘apathie que l’on peut ressentir dans « Au Départ d’Atocha », ou le mépris dans « La Haine de la Poésie ». Maintenant qu’il est devenu un poète reconnu et récompensé, voire même « écrivain charismatique » comme cela a été écrit dans le « New York Times ». Il reste cependant tétanisé, et il l’avoue une quinzaine d’années après, devant « Poésie » de Marianne Moore (1887-1972) qu’il avait lui-même choisi, pour le réciter au collège « Poésie Complète » traduit par Thierry Gillyboeuf (2004, José Corti, 336 p.). Et qu’il a bredouillé à trois reprises. Dans ce pamphlet, Ben Lerner en profite pour tirer à boulets rouges sur certains des poètes contemporains. Contre eux, il défend sa vision d'une poésie comme étant une quête d'universalité et d'authenticité.

Comment être poète ? Qu'est-ce que la poésie ? Un véritable imbroglio de contradictions entoure encore cette discipline. Ben Lerner avoue qu’il est le premier à faire les frais. « Par exemple, chez le dentiste, quand il s’agit de répondre la bouche grande ouverte, à la question quasi létale : "Que faites-vous dans la vie ?" »…

Pour celles et ceux qui voudraient en connaitre plus sur Lichtenberg, il y a bien sûr ses aphorismes, qui sont au second degré une bonne leçon de culture, tolérance, indépendance, sans oublier l’humour. Le meilleur volume reste « Le Miroir de l’âme » de Georg Christoph Lichtenberg, traduit et préfacé par Charles Le Blanc (1997, José Corti, Domaine Romantique, 619 p.), republié depuis. C’est le plus complet, et le mieux expliqué. L’ouvrage examine 12 « Cahier », « Mélanges » et 3 « Matériaux » qui vont de 1765 à 1799. Il en est tiré un florilège de 2100 pensées, soit l’anthologie la plus importante traduite, avec une longue introduction de près de 90 pages, une bibliographie et un index thématique d’une trentaine de pages. « Eveiller la méfiance envers les oracles : tel est mon but ». C’est une belle illustration de l’esprit anticlérical et universitaire de l’« Aufklärung » qui « combat pour la science contre l’érudition



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Le cavalier polonais

La veille d’une exposition une artiste peintre, dont l’œuvre est exclusivement centrée sur le baiser entre Erick Honecker et Léonid Brejnev en 1979, laisse ses tableaux par distraction dans un taxi Uber à New York. Obtenir les coordonnées du client suivant auprès d’Uber s’avère un chemin de croix.

J’ai trouvé cette histoire très originale et les échanges avec Uber m’ont beaucoup amusés. Les commentaires sur l’art n’ont pas toujours été à ma porté mais ce petit texte très rapide à lire est plaisant et plein d’humour.
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L'école de Topeka

Une radioscopie par le verbe de la société américaine, ses failles collectives et ses névroses individuelles.


Lien : https://www.la-croix.com/Cul..
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L'école de Topeka

Particulièrement peu aisé à résumer, ce roman très remarqué lors du dernier festival America de Vincennes et finaliste Pulitzer 2020, raconte l’histoire d’une famille dont Jonathan, le père est psychologue au sein la prestigieuse



Fondation de Topeka au Kansas, Jane, la mère est une écrivaine féministe ayant rencontré le succès grâce à un livre sur le couple et Adam, leur fils, est quant à lui champion de débat et d’éloquence et se rêve poète.



En parallèle et en pointillés de cette histoire, on découvre également le destin de Darren, jeune garçon naïf, dont l’exclusion dont il sera victime engendrera un cycle de violence.



À travers ses trois voix singulières et disonnantes , Ben Lerner dresse un portrait de l’Amérique de la fin des années 1990 avec ses failles et ses dérives dans une dissection au scalpel d’une Amérique à la dérive ...



Ce roman dense, complexe, fouillé, brillant, semble condenser la société américaine et ses maux, ses pouvoirs d'influence, ses errements adolescents à l'éveil de la révolte féminine face aux violences, ses tromperies maritales , ses haines de l'étranger..



.L'Amérique de la fin des années 90 dans une niche intellectuelle pour dire l'Amérique d'aujourd'hui.



Histoire familiale aussi bien que sociale, « L’école de Topeka » avec un petit côté David Lodge 2.0 marque durablement les esprits.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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L'école de Topeka

J’ai abandonné très vite ce roman sans doute écrit sous une substance quelconque auquel je suis restée totalement hermétique en raison de sa superficialité. Le style de l’auteur, quelconque, ne m’a pas retenue plus que ça non plus. Ça s'arrange peut-être ensuite, je ne veux pas décourager les bonnes volontés !
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L'école de Topeka

Les critiques semblaient alléchantes...

Malheureusement, au bout de 80 pages j'arrête la lecture.

Impossible de rentrer dans cet univers.

L'histoire ne commence pas, et je ne vois pas où cette suite de pages va mener.

Je préfère passer à autre chose et ne plus perdre de temps à essayer de déchiffrer le message de cet ouvrage qui m'échappe totalement.



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L'école de Topeka

Chronique vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=Cy9G1VxD7pQ





Tout d’abord, je dois dire que c’est compliqué pour moi de parler de ce roman. Il y a des œuvres, comme celle-ci, où l’on est totalement dans la réception, dans le plaisir esthétique, ce qui fait qu’on est moins dans l’analyse. Et par ailleurs, c’est compliqué aussi parce que je pense que ce serait peut-être une erreur d’essayer de l’expliquer — de dénouer tous les fils — ce roman n’est pas une énigme à résoudre, c’est bien plus que ça. Bref, il va falloir partir du principe que plus le livre est bon, moins bien je vais en parler. Un roman qui m’avait fait cette impression un peu de gueule de bois béate, gorgée de gratitude, c’était La plus secrète mémoire des hommes, donc attention, grand livre !



De quoi ça parle ? On va y suivre le destin croisé de quatre personnes : Adam, qu’on pourrait qualifier de personnage principal puisqu’il sert de jonction entre tous les autres, un jeune homme en lice pour un championnat de débat, ses parents, Jane, autrice féministe à succès et Jonathan, les deux étant aussi psychologues et Darren, un camarade qui souffre de handicap. Une traversée de l’Amérique des années 50, puisqu’on retourne jusque dans l’enfance et l’adolescence des parents à de celle de Trump, qui permet donc en même temps de parcourir son évolution et ses obessions.



Mon avis

C’est un très bon livre, qui n’est pas loin, assez souvent du Flux de conscience déjà discuté dans Mrs Dalloway, Ulysse ou Le bruit et la fureur. D’ailleurs, ce dernier exemple me semble être une source d’inspiration non négligeable, tant dans les thématiques brossées que dans la manière dont elles sont appréhendées.

Tout d’abord, le personnage de Darren, ressemble énormément à celui de Benjamin/Maury dans le livre de Faulkner : deux handicapés, dépersonnalisés, des êtres de sensations plus que de pensées, ce qui permet à Lerner d’expérimenter sa plume, de passer de la matière à l’abstraction, du dehors au-dedans et inversement. C’est lors de ces passages qu’on est dans ce que la pensée peut avoir de plus animal, de plus réactif et pulsionnel — que contrairement aux autres personnages, je pense surtout aux parents — où l’on rationnalise, et où l’on tente de trouver du sens, des explications de l’individu, là, on est dans l’explosion, la dislocation de l’individu. Comme dans le Bruit, les passages de Darren, et dans une moindre mesure d’Adam, ce sont actions, des pensées qui s’enchainent, des changements de temporalité, comme si on était aussi confus que ces deux personnages. Ce qui m’a vraiment mis sur cette route, c’est que Darren, tout comme Benjamin, se raccroche à ses sens, et surtout, à l’odorat — les parties sur Darren évoquent le chèvrefeuille, l’herbe coupée, deux odeurs qu’on retrouve, me semble-t-il, dans la description de Caddy.

On peut aussi comparer ces deux œuvres dans le sens ou l’inceste est fondateur dans cette famille, comme il l’était dans celle du Bruit et de la fureur — inceste commis ou non, c’est et cela reste une marche branlante, une zone d’ombre, une manière d’incarner une Amérique troublée — précisons par exemple que Topeka est l'une des villes des États libres fondées par les hommes de l'est contre l'esclavagisme, cependant, seulement après une décennie de combats sanglants entre pro- et anti-esclavagistes, ou que la ségrégation raciale n'était pas appliquée … sauf dans les écoles. L’inceste, c’est un peu le fantôme de la famille, tu et refoulé pendant des années par Jane, la mère d’Adam, et ce n’est pas anodin qu’il éclate au moment de la construction d’Adam en tant qu’homme.

« Ils sont là pour évaluer mon fils (pas un homme, évidemment, mais un garçon, un éternel garçon, Peter Pan, un homme-enfant, vu que l’Amérique est une adolescence sans fin).

C’est le sujet du livre. Devenir homme, dans le sens viril, grandir dans l’ombre d’une femme brillante, ce qui aurait pu être vécu comme une émasculation. Devenir homme, c’est passer par plein de petits rites de passages, on pense à l’herbe frottée contre les mains à l’enfance, aux jeux d’alcool de l’adolescence — mais cela peut aussi passer par la face sombre de la masculinité, larvée en chacun d’eux. Plaisir de domination pour Adam, infidélité pour Jonathan, pour Darren, la violence faite à une femme. (ça monte crescendo, mais ça peut s’arrêter, sauf la balle de billard envoyée, comme une manière d’illustrer que la violence ne permet pas de retour en arrière — un enfoncement du personnage de Darren dans cette sobre virilité, lui que l’on retrouve à la fin du livre avec une casquette rouge Make America great again !). Pour Adam, devenir homme, c’est s’affranchir de l’héritage masculin, de ces voix d’hommes qu’il entend enfant au passage de sa mère, « le visage collectif », et que s’affranchir totalement, c’est quasiment impossible (comme cette dernière scène où il souhaite qu’un père de famille, au parc, surveille le comportement tyrannique de son enfant, et que perdant son sang-froid, il lui fait tomber son portable des mains — violence primale et en latence, attendant toujours de ressurgir). « La voix continua en Adam, puis s’effaça, mais il savait qu’elle était quelque part en lui, depuis longtemps et pour longtemps. Comment se débarrasse-t-on d’une voix, comment l’empêche-t-on de faire partie de la sienne ? »

Devenir homme pour Adam, cela passe aussi par le prisme du langage. En effet, comme je l’ai déjà dit, il participe à des concours de débat, et il apprend à dominer son concurrent avec la technique de l’étalement — qui consiste à dire le plus de choses en très peu de temps, une sorte d’empilement des données, difficile à traiter par un cerveau humain. A parler comme un politicien. « un gamin qui imite le langage de la politique et des politiciens, le langage des hommes ». Et grandir, devenir un homme pour lui, passera par la prise de distance avec son modèle dans ce domaine (ou en tout cas, aux yeux de sa mère, car chaque vérité dans ce roman est parcellaire parce que subjective). Retrouver un langage vrai ; dépouillé de toute technique d’ensevelissement de l’autre.

C’est un livre que je vous recommande, il est très subtil, pas forcément simple à appréhender, surtout au début, quand j’ai lu le résumé, je ne m’attendais pas vraiment à ça. Mais je suis très contente de l’avoir lu, j’ai passé un très bon moment.




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L'école de Topeka

Ce roman dense, complexe, semble condenser la société américaine et ses maux, des errements adolescents à l'éveil de la révolte féminine face aux violences, des tromperies maritales à la stigmatisation de "l'autre". Ben Lerner réfléchit aussi, à travers ses quatre protagonistes, à l'Homme comme à la fois unique et partie d'un tout, être de sensations et de langage partageant ses traits singuliers avec le reste de l'espèce humaine (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/09/05/lecole-de-topeka-ben-lerner/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Au départ d'Atocha





🪨 Quand j'ai choisi de lire ce roman, le résumé m'interpelait mais au bout de quelques chapitres, je me suis perdue dans la lecture. Je n'arrivais pas à rentrer dans l'histoire, j'ai vite été déçue.



🪨 Pendant un temps, je persistais ma lecture quand je n'accrochais pas. Tant pis, maintenant je préfère passer à une autre lecture et pourquoi pas retenter cette lecture dans quelque temps.
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L'angle de lacet

L’Angle de lacet. Le titre est tellement compliqué que l’éditeur s’est senti obligé d’en donner une explication sur la quatrième de couv. Fair-play. Même avec l’explication, c’est pas si évident que ça. Vous êtes plus malins que tout le monde ? Ne bougez pas. « L’angle de lacet est le mouvement latéral d’un avion par rapport à son axe. » Alors ? Ils en remettent une couche dans la postface : « terme aéronautique qui décrit le déplacement d’un avion dont le nez bouge à gauche et à droite, tandis que l’avion poursuit sa trajectoire. » Attendez, c’est pas fini : « C’est un mouvement qui peut être mieux compris (on va enfin savoir les amis) lorsque le spectateur est placé au-dessus ou en-dessous de l’aéronef. Dans cette définition, l’accent est mis sur la position inhabituelle qu’il faut pour adopter pour se rendre compte du mouvement de l’avion. » Mouais. J’avoue avoir pensé très fort à un vieil article de Célestin Freinet qui s’intitulait « L’explication superflue ». J’ai pensé à Bourdieu aussi. Pierre. Et à Marx. Karl. Mais surtout, je me suis demandé pourquoi un tel titre alors que page 115, ligne 2, il est question de, tenez-vous bien, « la mâchoire supérieure d’Hitler » ? N’est-ce pas génial les amis ? Ligne 3, toujours page 115 : « Si vous êtes en possession de la mâchoire supérieure d’Hitler, et apparemment c’est le cas, pourriez-vous résister à la tentation de l’essayer ? » N’est-ce pas purement et simplement du génie ? « La mâchoire supérieure d’Hitler » : n’avions-nous pas un formidable titre ? Évidemment, les poètes, surtout lorsqu’ils sont profs, se sentent obligés de perdre les lecteurs en les trimbalant dans des jeux de pistes sans solution mais, lorsqu’ils arrivent à être aussi méchants qu’ils le voudraient, c’est beau. La poésie contemporaine est un drôle de monde dans lequel je navigue à vue. La plupart de ce que je lis me laisse pantois et pourtant… la mâchoire supérieure d’Hitler bordel : des trucs comme ça, ça vaut le coup, croyez-moi.
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L'angle de lacet

Livre de poésie en prose mêlée d'aphorismes. Il semble parfois écrit par une IA aux algorithmes hackés par quelque surréaliste obsessionnel.

Il est à lire comme une abeille butinerait dans un champ de lavande. La linéarité n'est pas à rechercher, ni le long court pour lire ces courts textes plein de sens. En escales aléatoires on se balade dans un monde d'idées et d'images.
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L'angle de lacet

Cet ouvrage est très particulier et nécessite une grande culture générale, mais surtout d’un état d’esprit très ouvert. Ben Lerner nous propose une succession de poèmes très complexes qui mettent en avant les tares de la société du XXIe siècle.



Ben Lerner, à travers des textes pointus, essaie de nous faire prendre conscience qu’il est parfois nécessaire d’adopter un point de vue différent si l’on veut se rendre compte des vérités. C’est d’ailleurs toute la symbolique du titre de ce livre. Saviez-vous que le lacet est un mouvement de l’avion ? Qu’il consiste en un mouvement latéral du nez de ce dernier ? Mais surtout qu’on ne peut l’apercevoir qu’en se plaçant en dessous ou au-dessus de l’objet volant ?



La traductrice, Virginie Poitrasson, propose des traductions parfaitement maitrisées. Il s’agit d’un ouvrage bilingue où le texte en anglais est opposé à sa version française. Alors que je parle couramment la langue de Shakespeare, je suis émerveillé par la subtilité lors du passage à la langue de Molière.



Son rôle se s’arrête pas à la traduction ! Virginie Poitrasson nous propose une postface qui nous permet de mieux comprendre certains poèmes. Ces derniers ne sont pas accessibles au commun des mortels où l’on se demande vraiment si l’auteur lui-même comprenait ce qu’il était en train d’écrire.



Toutefois, même si on prend le temps de nous expliquer certains textes, cette lecture ne peut que donner l’impression que le lecteur est un idiot qui ne comprend pas grand chose. On nous annonce des poèmes, on se retrouve avec des textes philosophiques. On nous propose d’avoir un oeil nouveau sur certains aspects de la vie, on se retrouve avec la constatation que la première cause de mort par étouffement est le ballon rouge…



Je ne peux pas clamer qu’il s’agit d’un livre qui restera dans la mémoire, mais il permet de plonger le lecteur dans un doute inédit, celui d’être incapable de comprendre sa propre langue maternelle.
Lien : https://leparfumdesmots.blog..
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