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Citations de Bernard Binlin Dadié (67)


Bernard Binlin Dadié
Pagne noir
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Climbié lisait les journaux de toutes tendances, discutait politique avec certains leaders, avec quelques jeunes administrateurs des colonies envoyés par le Front Populaire pour servir la nouvelle politique. Ces jeunes fonctionnaires lui parlaient de Karl Marx, de Engels, de dialectique, de matérialisme scientifique. Il les écoutait. À vrai dire, il comprenait mal toutes ces histoires. Force lui était de consulter le dictionnaire. À Ponty, aucun de ces problèmes n'avait été étudié. Ces noms, on les ignorait. La philosophie, la sociologie, l'instruction civique ? Hors programme. Seul l'enseignement supérieur lui avait été dispensé en vue de sa tâche de fonctionnaire. On lui avait tout de même mis entre les mains un outil, un instrument, à lui d'en savoir tirer profit. Ces jeunes administrateurs enthousiastes, décidés à combler toutes les lacunes en tous les Climbié, donnèrent des conférences qui ne tardèrent pas à être interdites, et bientôt, ils furent disséminés à travers l'Afrique occidentale française.
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La France à nouveau, avec ses départements multicolores, ses côtes déchiquetées, sableuses. Paris, l'Arc de Triomphe, le Louvre, le Panthéon, la Tour Eiffel, Notre-Dame, place de la Bastille, place de la Nation. Ces derniers noms ne lui disaient pas grand-chose. Par eux, il n'embrassait pas toute l'histoire, les luttes incessantes, tout le lent mais progressif cheminement du peuple français vers son destin de peuple réalisé. Pour lui, c'était tout simplement des noms harmonieux. Il n'imaginait pas tout ce qu'il pouvait y avoir de larmes, de misères et de sang dans ces deux derniers noms. Place de la Bastille ! Place de la Nation ! À eux deux, ils renfermaient toute la prestigieuse histoire de France.
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Climbié allait entrer à l'École Primaire Supérieure. Mais il ne voulait plus quitter Grand-Bassam, qui s'accrochait à chacune de ses fibres. Jamais comme ce soir-là, il n'avait su combien il aimait cette ville, jusqu'à quel point il en faisait partie, et jusqu'à quel point cette ville avait de profondes racines en lui. D'heureux souvenirs remontaient en sa mémoire : les classes de chant, le retour de catéchisme, le yayo, la pêche, le bain à la lagune, les jeunes filles qu'on taquinait, tout en lui, ce soir, avait pris un relief étrange. Au bourdonnement fastidieux de l'océan, il trouvait un charme. Grand-Bassam, jalouse, tenait à garder dans son sein tous ces garçons qu'elle a vu naître et grandir, qui ont respiré son air salubre. Climbié aurait voulu partir avec Grand-Bassam, partir avec toutes ces jeunes filles qui lui apportaient leur tine d'eau, partir avec Nalba dont la vue, la présence, faisaient le vide en lui.
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Ici, sur le sable, des pirogues contre lesquelles les vagues venaient clapoter. Là, sur le quai, un monde affairé de servantes, de militaires, de passagers. Là-bas, sur l'océan qui scintille, les courriers de la Casamance. Plus au fond, Rufisque, et plus loin, Bel-Air. Puis de cette esplanade, ils couraient vers le castel, s'installaient sur les blocs de basalte polis par les vagues, contre lesquels l'eau ne cessait de murmurer. Des oursins refusaient de se laisser emporter par les flots. Une jeune fille ouvrait une fenêtre, saluait en souriant, restait un moment à observer, puis tirait les rideaux. L'océan grondait, hurlait dans les échancrures des vieilles maisons en ruines dont il emportait à chaque fois une pierre, une planche.
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Des maisons sur la colline, parmi les arbres. Des fenêtres ouvertes, de la fumée. Un long bâtiment ocre couvert de vieilles tuiles noires : l'école, que montrent les anciens. La chaloupe retentit. Sur le quai, une foule de femmes et d'hommes, des amis, des voyageurs, des travailleurs, des curieux. Sur le côté droit du quai, des pirogues à demi tirées sur la rive, un peu plus loin, des touffes de roseau que font danser les vagues, et des baigneurs, des enfants qui jouent et des lavandières occupées à battre leur linge. Accroupies, certaines, les deux mains à plat sur le linge, le torse nu, les seins d'une fermeté provocante, le corps parsemé de bulles multicolores, regardent la chaloupe accoster. Quelques-unes rajustent leur pagne, en couvrant leurs seins, tandis que les enfants, avec cet abandon dans le jeu, commun à tous les enfants du monde, jouent, se pourchassent dans une pluie de bulles et de gouttes d'eau. Le soleil paillette la lagune d'éclairs, de reflets, d'étincelles.
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La chaloupe s'en va. Elle passe devant le marché aux bananes où les femmes se battent avec les garde-cercles pour être les premières servies. Ce ne sont que des cris, des appels, des hurlements, des imprécations. Les garde-cercles les refoulent. Elles reviennent. Les chicotes des gardes se dressent au-dessus de toutes les têtes, retombent sur ces femmes agglutinées qui ne bougent pas. Elles veulent des bananes, du poisson. Armés de seaux pleins d'eau, les gardes les arrosent. Elles auront leurs bananes et leurs poissons. Il faut qu'à son retour le mari trouve de quoi se sustenter. Elles sont les héroïnes du front le plus prosaïque de la bataille pour la vie. La chaloupe siffle de toutes ses forces. Les femmes ne tournent même pas la tête. Une à une, défilent boutiques et maisons, un à un, les passants se suivent, les arbres, les poteaux électriques accourent, s'en vont.
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