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Citations de Bernard Binlin Dadié (67)


Chaque jour des cœurs se meurtrissent, des illusions tombent, des liens se dénouent, et plus d'un homme, plus d'une femme rencontrée porte au cœur une plaie fraîche, ou vieille qu'il n'ose exhiber par décence. Quelques-uns voudraient partir de Paris, être nés sous notre ciel par exemple, sortir de l'engrenage infernal, s'affranchir des contraintes. Leur isolement leur pèse et ils marchent, caressant des rêves lointains.
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Le Parisien, qui avait l'habitude poétique de déclarer son amour avec des fleurs, se présenterait maintenant un pistolet en poche.
— M'aimes-tu, " ma biche " ?
— OUI, " mon chou ".
— Jure-moi que tu m'aimes, " Ma poulette ".
— Je le jure, " mon poulet ".
Dès qu'il y a parjure, la poudre plus éloquente prend la parole. Elle est radicale. Les jurés, d'un autre âge, du temps où les fleurs avaient voix au chapitre, l'entendent autrement, et essaient par des verdicts assez sévères parfois de redonner la préséance aux fleurs. Ne sommes-nous pas au siècle de la mécanique ? Entendons-nous encore le langage des fleurs, lorsque les obus vous ont tant sifflé dans les oreilles ? C'est certainement ce qui donne aux fleurs ce balancement continuel de tête qu'elles ont. Elles regrettent, il n'y a pas de doute, les époques où les hommes avaient du temps à perdre, donc savaient vivre, aimer. On a beau les placer sur les tables, les rebords des fenêtres, dans les vitrines, elles ne sont pas dupes de leur déchéance. À peine a-t-on le temps de humer le parfum, de les admirer, de les écouter. On les garde encore par tradition sans plus comprendre leur sens. Vit-on à notre siècle de langage de fleurs ? La civilisation consiste à tirer du sol ses richesses, à faire tourner les machines, à inonder le marché de produits, à évincer les concurrents, à mettre tout un peuple au pas, à la cadence des trotteuses de montre. Elle n'a que faire de pépiements d'oiseaux, de murmures de fleurs.
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Aux murs, des statues de saints et parmi eux pas un seul Noir. Je te le répète. Nous n'avons pas encore droit de cité dans le Paradis. Nous devons sans doute effrayer terriblement saint Pierre qui nous dirigerait plutôt vers Belzébuth à cause de la couleur de notre peau. Il nous prendrait pour des diablotins en maraude venant lui chercher une querelle d'Allemand. On pencherait à croire que c'est à cause de nous qu'il porterait les clefs sur lui. Nous sèmerions le trouble parmi les paisibles habitants du Paradis. Un repos si bien conquis se savoure… Voilà ce que nous avons récolté à rester confinés chez nous. Espérons que lorsque nous serons assez connus, on nous octroiera un saint. Il faudrait alors au diable trouver une autre couleur. Ce ne sera pas facile.
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Certes les femmes mariées portent un anneau mais elles éprouvent un malin plaisir ou à ne pas toujours le porter ou à se ganter. Partout les mêmes, les femmes ! Si on ne leur avait pas donné cette bague, elles en auraient fait des drames ; maintenant qu'elles l'ont, elles en sont embarrassées. En cela, elles ressemblent aux nôtres.
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Quel monde aurions-nous si l'on devait épouser des querelles et non de charmantes personnes, si nous avions tous la même tête, la même allure, la même façon de raisonner, de mentir à nos amies.
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Sommes-nous réellement dans un régime de liberté d'opinion ? L'homme est-il respecté comme il devrait l'être ? Ne veut-on pas faire de lui un robot, un perroquet, un mannequin ? Ne tend-on pas à lui enlever ce qui donne du prix à sa vie : le droit de penser librement. […] Or où est la liberté, la tolérance, lorsqu'on voudrait que les hommes pensent de la même façon, prient de la même façon, dansent de la même façon, et plus grave encore, rêvent de la même façon. Heureusement que la diversité demeure et nous permet chaque fois de chercher la longueur d'onde de l'interlocuteur.
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C'était cela qui donnait son charme au petit jardin ; les jeunes filles y semblaient de grandes et belles fleurs ; leur grâce et leur beauté faisaient produire au sol des légumes bien venus. Qui n'aurait pas été charmé par l'éclat du regard, le teint, le rire, la moue même, des jeunes filles de Grand-Bassam dont on parlait comme on aurait parlé d'un cru renommé ?
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Paris imprenable. Il faudrait pour prendre Paris , prendre avec lui, les cinq millions de vivants, les pierres, les monuments, les égouts, les pots de réséda sur le rebord de fenêtres, le cerceau des enfants, le tic du garçon de café, la colère de la bonne, les frites, la marche sautillante, le doux repos de la Seine, est-ce que je sais, et en plus les plusieurs millions de morts que la ville contient et qui la rendent si bruyante et si calme , si légère et si lourde, si riche et si pauvre à la fois. Une avenue bouillonne de vie et une rue adjacente sommeille.
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Une place vénérable, historique, sur laquelle o devrait marcher en silence e cherchant à écouter tous les murmures, à percevoir tous les soupirs, à imaginer les transes des uns et l joie des autres, à totaliser les rêves de tous, à réentendre les bruits, les cris, les pleurs, les appels, les geignements des charrettes. Ici sont nés , ont grandi des espoirs , tandis que tombaient des rêves, Paris a libéré l’homme des couronnes, et remis les rois dans le circuit commun. Une place d’un temps héroïque : maintenant on l’appelle Place de la Concorde non seulement parce que le Parisien veut l’union, mais parce qu’il croit un tantinet à l’influence des noms.
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Ici, on le tue le temps, tout en hurlant qu’il est de l’argent : On le tue de toutes les manières, à lire, à rêvasser, à boire, à danser. De haut en bas de l’échelle sociale, c’est un plaisir de tuer le temps. Il leur en montre tellement de toutes les couleurs que tous voudraient lui tordre le cou, lui faire passer un mauvais quart d’heure, les uns parce qu’il court trop vite, les autres parce qu’il est trop lent, certains parce qu’il es indifférent et la plupart pour le plaisir de l’avoir tué Mais lui, il se rit de toutes les bravades ; depuis le temps qu’on le tue, s’il était mortel, il y a belle lurette qu’il n’y aurait plus de temps. Toute sa force est donc de se savoir hors de la portée des hommes.
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Bernard Binlin Dadié
RAMASSEUR DE BALLES
À Emile Snyder.



Ramasser des balles est une vieille histoire
         balles de tennis
         balles de coton
         balles de fusils

Vêtu d'aurore, de crépuscule ou de nuit,
Je fais le tour des champs et des courts
Habillé d'oripeaux qui m'effraient moi-même.
Comment sortir de ma nuit blanche ?
Porteur de nœuds et de complexes
Je ramasse toutes les balles du monde
         cible noire,
Chacun sur moi fait mouche
Et pourtant, je sais n'avoir plus
de chaînes aux reins
mais comment sortir de la nuit blanche
me pencher au balcon de l'histoire
sans troubler le grand festin ?
Nous sommes encore à considérer les ombres
quand c'est l'ère de contempler le soleil.

Ramasser des balles est une vieille histoire
Oh je sais l'on me croit dans le fossé
qu'on retrouve sur la route
les débris d'un monde dans les mains
Je sais prendre les balles, Ami.
         balles de tennis
         balles de coton
         balles de fusils.


                    Février 1964
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Le despotisme n'est pas une maladie spécifiquement royale ; elle atteint tous ceux qui montent au pouvoir. […] La démocratie sur nos bords a pris une couleur étrange qui assombrit notre ciel, et pose de nouveaux poids sur nos poitrines.
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Ne sommes-nous pas dans un pays neuf ? Et un pays neuf n'est-il pas une contrée où l'esprit ne peut avoir de place tant que les appétits ne seront pas satisfaits ? Il faut investir, il faut chercher la rentabilité. Or tu le sais bien, l'esprit ne peut s'investir encore moins produire des dividendes. Il est une flamme et personne n'aime une flamme qui n'est pas à son service, dans son foyer, dans son être.
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Les femmes doivent avoir bon cœur, tant elles aiment sourire. Et toujours occupées à se mettre du rouge sur les lèvres pour rehausser l'éclat de la blancheur de leurs dents. J'y suis déjà si habitué qu'une femme sans rouge me paraît une femme malade, dont les couleurs ont pâli. Elles sentent tellement l'outrage du temps qu'elles passent leurs instants à en réparer les effets. La Parisienne ne nous trompe pas en se fardant. Elle entend tromper le temps ; elle veut l'user, le décourager, le vaincre. Mais y a-t-il au monde un élément plus patient, plus têtu, plus cruellement têtu que le temps ?
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Lorsque Dieu créa les hommes, il les mit à cuire dans un four. Dès les premières flammes, le blanc se sauva, puis les autres le suivirent à mesure que la température montait. Seuls nous autres, bravement, pour prouver à Dieu qu'Il venait de créer des hommes, restâmes dans le four jusqu'à ce que Dieu jugeât l'épreuve suffisante. J'ai donc toujours cru que ces hommes blancs avaient un corps froid. Erreur dont il faut revenir. Ils ont le corps chaud, et d'une chaleur douce, égale, délicate. Gardons-nous de juger sur l'apparence, sur la peau.
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Ce qu'il faut admirer chez ce peuple, c'est le souci de ne déranger personne, de donner à chacun sa place. Aussi suis-je seul à ma table. Prend-on une chaise près de moi, on ne manque jamais de poser la question rituelle : « Est-elle occupée Monsieur ? » Un peuple poli qui vous laisse poliment dans votre coin lorsque vous persistez à y rester. Il peut vous aider à " monter " mais à condition de ne pas le décourager. Et c'est tout un problème de ne pas le décourager. Oh ! pas pour nous, mais pour certains. Le Parisien met quelque temps à vous adopter. Il garde de son vieux fond un petit reste de méfiance.
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Le commissaire de police prête la main au juge, puis au gendarme qui la prête à l'huissier, au régisseur de prison, et tout cela sans intention caractérisée de violer les droits souverains du peuple. L'on se prête main forte, pas plus. Et prêter n'est pas toujours donner, ni tenir. Mais les mains à force de se prêter trouvent intérêt à se tenir, à s'unir, à se dresser en barrière si opaque que les individus parlent de gouvernement partisan. Partisan de quoi ? Et depuis quand un gouvernement n'est-il pas partisan, n'est-il pas au service d'un groupe, de ceux qui en vivent et pour lesquels il existe ? Changeant de mains, il passe d'un partisan à l'autre.
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Lorsqu'on demande à un commerçant, à un cultivateur à quel titre ils parlent, ils doivent répondre sans l'ombre d'une hésitation et avec conviction : « Je parle en tant que commerçant, en tant que cultivateur. » Titre devient référence et vous situe immédiatement dans l'esprit de votre interlocuteur, un esprit fait de casiers, de tiroirs, de classeurs. Si vous êtes cultivateur, il vous demandera aussitôt, à titre de pure information, que cultivez-vous, et la conversation ainsi aiguillée suivra son cours sans dérailler. Il sortira même sa seconde mémoire qu'il porte en poche pour enregistrer votre adresse. Sait-on jamais dans la vie ? Le Parisien sous son air léger, bonhomme, est un être pensant constamment à l'avenir et qui met tout en œuvre pour que cet avenir se présente à lui sous un jour agréable. Il tient à créer son avenir en ne comptant que sur lui-même.
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Nous sommes tous ainsi faits du reste, à traîner des poids de toutes les sortes et à ne pas toujours pouvoir les dominer. Un monde de clans où aucune place n'est faite aux hommes libres sans préjugés, sans œillères.
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Tant de contradictions, de versions, me redonnent confiance en moi-même ; cela prouve que malgré leurs papiers, leur mémoire a des faiblesses. Cela démontre surtout que comme nous, chacun présente une histoire selon son optique, son milieu. Et c'est ainsi qu'un événement auquel ont assisté quatre personnes est relaté de quatre façons différentes. Même ici.
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