Betty Piccioli

J'ai vu un monstre un vrai. Pire, un monstre a tenté de me tuer.J'ai couru comme jamais dans ma vie, la peur chevillée au plus profond de meschairs. L'ombre de son corps immense derrière moi, son souffle à chaque pas, le bruit des arbres qu'il écarte sur son passage, et ce cri, ce rugissement aigu, quelque chose que je n'avais jamais entendu auparavant, que j'espère ne jamais plus entendre.
_ Aequo, je t'ai dit de te presser ! On a perdu du temps en cherchant ton sac !
Sa voix me sort de ma torpeur. La fille qui m'a sauvé la vie.

Je savais que la mère de Biann était morte, mais je ne savais pas comment, ni quand. Alors la guerrière n'a jamais connu sa mère. Nous sommes orphelins de mère tous les deux, mais notre expérience n'a pourtan rien en commun. Elle n'a connu qu'un vide à la place de cette figure maternelle, n'a pas de souvenir à chérir, d'odeur à se rappeler, de caresse à réprimer, de trou au milieu du cœur qui se remplit inlassablement de poussière etde douleur. Et pourtant, elle lui a sûrement manqué. Je ne peux que deviner les traces qu'elle tente de suivre.

Se battre contre un fantôme fait toujours de vous un perdant

Moi qui avais l’impression que mon père suffisait à mon équilibre personnel, je m’aperçois qu’Aequo et son petit chaton sont devenus essentiels dans mon quotidien, en si peu de temps. J’ai toujours vécu en solitaire, refusant les jeux des gens de mon âge, poursuivant mon but avec sérieux. Aujourd’hui, je m’aperçois que j’ai le droit à tout cela. J’ai le droit d’avoir des amis, de pouvoir rire et échanger avec quelqu’un d’autre que mon père ou Messariah.

Nos vies sont bien différentes, pourtant nous nous retrouvons sur l’essentiel.

J’ai entrepris ce voyage pour être seul et libre, réfléchir, me découvrir. Force est de constater qu’en dix semaines, j’ai déjà fait largement le tour de ce que j’avais à apprendre de moi-même. C’est-à-dire pas grand chose … Peut-être qu’une pause dans une autre ville me ferait du bien.

Bien sûr que tu mérites le respect, Biann. Mais ce sont tes actes qui doivent être respectés, pas ton statut, Pas seulement ton statut, plutôt.

_ Ça va bien se passer. Tu vas chercher un nouveau groupe de conseillers auquel t'intégrer, et tu travailleras avec eux. Est-ce que tu as déjà choisi ? Tu sais vers quelle tendance politique tu vas tourner ?
_ Je pense rester neutre et indépendant. Je n'ai jamais aimé être mis dans une case.

Il est impossible d'être conseiller d'Electrum en étant malade chronique, cela fait partie des règles tacites de la fonction.

Chaque année à Robustia, l'ensemble des postes de conseillers d'Airain et d'Electrum sont remis en jeu lors du grand tournoi annuel. Des challengers voulant notre place viennent nous défier, et les plus faibles des combattants sont éliminés. Ne restent que les plus courageux, les plus valeureux. La mise à mort des perdants est interdite, et les cent gagnants gouvernent.

- A Robustia, nous croyons en la force du destin. Chacun est maître de celui-ci. Aussi, il n’y a pas de culte, pas de religion. Comme dit notre devise : « la force des corps, le courage des esprits ».

Se battre contre un fantôme fait toujours de vous le perdant.

p.336.
Mais quand on doit se battre pour survivre, parfois on fait des choix qui n'ont rien à voir avec le coeur ou la raison. Parfois on fait le choix de la haine pour que les choses changent. Et si nous devons faire des sacrifices pour que Chromatopia devienne enfin une cité où chacun peut vivre en paix... Alors nous les ferons.
- Moi, j'suis un sacrifice ?
- Non. Toi, tu es l'étincelle qui embrase la poudre à canon.

p.278.
- Hyacintha a de la chance de t'avoir, Aequo.
- Je ne suis pas sûr... Je ne suis pas sûr qu'elle éprouve les mêmes sentiments que moi. En réalité, je crois qu'elle me déteste.
- Si c'est le cas, c'est une idiote. Avoir quelqu'un qui veille sur toi, qui t'es fidèle et ne te trahira jamais, c'est précieux. J'espère qu'elle s'en rend compte.

Ici, le système d'organisation des rayonnages est tout bonnement incompréhensible, pourtant, c'est tout ce qui fait le charme du lieu : l'impression que tu n'y trouveras jamais exactement ce que tu cherches, mais que d'autres livres te trouveront.

On ne nait pas reine, on le devient

Oui, j'ai un souvenir indélébile de cet instant où ma vie a basculé. Celui où j'ai compris qu'à présent et jusqu'à ma mort, le jaune serait la couleur du désespoir.

On ne naît pas reine, on le devient.

Morgan a toujours eu cette étincelle dans les yeux, celle qu'on ne voit habituellement que chez les enfants. Celle d'un appétit pour le merveilleux. J'ai la prétention de croire que moi aussi, je la possède.

- On ne t'apprend pas à l'école à quel point c'est dur, ça.
Interrogatif, je le dévisage avant qu'il ne reprenne :
- D'aimer une personne d'une autre Nuance. De savoir que quoi que tu fasses, tu ne seras jamais avec elle. Que tu as beau être le plus talentueux ou le plus riche dans ta Nuance, elle, elle ne le sera jamais pour être avec toi.