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Critiques de Boubacar Boris Diop (55)
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Murambi, le livre des ossements

Avril 1994 – avril 2024

Je suis très perturbée par le génocide rwandais. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas l'hystérie meurtrière qui s'est emparé de ce « Petit pays ». Je ne comprends la froideur, l'insensibilité de la communauté internationale face à ce qui se déroulait sous ses yeux. ( On pourrait transposer aujourd'hui avec ce qui se passe au moment même où j'écris dans la plaine de Gaza). J'ai honte de la posture de la France dans cette Histoire sordide (Il faudra bien que la vérité soit faite sur ses responsabilités n'en déplaise à Hubert Védrine)…

En cette date anniversaire, je tenais donc absolument à lire, à nouveau, sur le Rwanda et j'ai jeté mon dévolu, en hésitant je l'admets, sur ce roman de Boubacar Boris Diop.

Grand bien m'a pris. Il est d'une pudeur, d'une justesse, d'une empathie exceptionnelle.

Auteur sénégalais, Boubacar Boris Diop a été invité au Rwanda en 1998 avec d'autres auteurs en résidence d'artistes. Le projet : « Rwanda : Ecrire par devoir de mémoire ».

Quatre ans après le terrifiant génocide des Tutsis par les Hutus, ils vont se rendre sur les lieux des tueries de masse, les charniers, entendre des rescapés raconter leur histoire individuelle, entendre des génocidaires.

Je ne sais pas ce que les autres ont écrit mais je suis certaine d'avoir été touchée au coeur par le récit construit par l'auteur dans lequel il prête sa voix à des rescapés, certains qui ne surmontent pas leur traumatisme, d'autres qui ont du mal à maîtriser leur colère, d'autres encore qui n'assument pas d'avoir survécu, d'autres enfin, plus rares qui veulent dépasser la dévastation de 94 pour reconstruire…

Les voix de bourreaux sont celle d'un exécutant, chef d'un groupe de terribles « Interahamwe » ou celle, glaçante, d'un maître d'oeuvre comme le bon docteur, responsable de l'exécution de Murambi, une école technique dans laquelle 45 000 Tutsis pensaient avoir trouvé un refuge.



« Et moi, colonel Perrin ? Regardez mes mains. Croyez-vous que j'aie déjà tenu une machette ? Je suis un pauvre petit chirurgien. Je sauve des vies ! Je n'ai jamais versé une goutte de sang, moi non plus. »



Le fil est déroulé autour du retour en 1998 de Cornélius au Rwanda après de longues années d'exil à Djibouti. Il est accueilli par ses deux amis d'enfance Jessica et Stanley car de sa famille, il ne reste qu'un vieil oncle. Le pays qu'il retrouve est le même, pas de destructions, pas de bâtiments abattus et pourtant.



C'est sur les traces de cette famille qu'il va remonter jusqu'à arriver à Murambi, devenu un centre de commémoration du génocide peut-être parce que les charniers ont recraché des corps momifiés par la terre argileuse.

Il devra faire face à une terrible vérité et c'est avec son oncle, le sage Siméon, qu'il essaiera de comprendre la folie qui pendant 100 jours, a saisi son pays dans la plus grande indifférence internationale.

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Un tombeau pour Kinne Gaajo

L’écrivain francophone et wolophone est l’une des grandes figures littéraires du Sénégal. Une stature acquise grâce à une œuvre tournée vers le souvenir de l’histoire et des êtres passés. Ainsi d’« Un tombeau pour Kinne Gaajo », grand roman du naufrage du « Joola », en 2002 – près de 2 000 victimes.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Un tombeau pour Kinne Gaajo

Tandis que l’opprobre guette, médias et politiques poursuivent leur comédie. Reliant le destin de son héroïne à celui du Joola, ainsi qu’aux faits et figures oubliés de l’histoire du Sénégal, Un tombeau pour Kinne Gaajo rend la menace d’une amnésie collective aussi effrayante que réelle.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Murambi, le livre des ossements

En toile de fond du nouveau livre du Sénégalais Boubacar Boris Diop, la tragédie du bateau, Le Joola. Une langue maîtrisée, un conte moderne un brin désabusé.
Lien : https://www.ouest-france.fr/..
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Un tombeau pour Kinne Gaajo

Le grand écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop nous emporte dans les méandres de son pays qu'il connaît si bien. Et rappelle l'un des devoirs de la littérature : combattre l'amnésie involontaire ou délibérée par laquelle une société supprime certaines de ses figures historiques.
Lien : https://www.nouvelobs.com/bi..
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Un tombeau pour Kinne Gaajo

Boubacar Boris Diop rend hommage à la littérature et à la vie dans « Un tombeau pour Kinne Gaajo ».
Lien : https://www.lesoir.be/572636..
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Murambi, le livre des ossements

Une enquête, un témoignage, un devoir de mémoire, un roman. Le livre des ossements c'est tout cela à la fois. C'est surtout des visages, des vies, des noms. Massacrés, génocidés, exilés, traumatisés. 1994, cent jours, un océan de sang, de terreurs , 800 000 tutsis furent massacrés. Les mots de Boubacar Boris Diop nous placent aux côtés de ces visages, de ces noms. Retraçant avec clarté l'histoire qui mena à cette boucherie, éclairant les faits tels qui furent vécus à travers des témoignages recueillis auprès des victimes, faisant apparaître la pluralité d'un peuple, soulignant la responsabilité de la colonisation et des relations post- coloniales qui en suivirent, l'auteur nous transmet une mémoire forte, puissante, où l'humanité ne disparaît jamais.

L'auteur n'a pas trahi leurs souffrances.



Astrid Shriqui Garain

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Murambi, le livre des ossements

Un livre à la fois « divertissant » (entre guillemets vu le sujet) et éducatif. Le fait d’avoir des points de vu différents par des personnages différents permet de revoir et comprendre tout le prisme de ce génocide. Il est tout de même important de mentionner les descriptions très précise de scène de tueries, ce qui plonge dans la violence du génocide mais est aussi dur à lire.
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Murambi, le livre des ossements

De toute évidence j’ai pas tout compris, mais qui peut le prétendre. L’auteur ne le prétend pas non plus. C’est un magnifique voyage philosophique, triste, brutal mais avec tinté d’espoir. Les dernières phrases du roman valent de l’or et ce ne sont pas les seules.

Points négatifs : 1. la quatrième de couverture, je m’attendais à un policier, mais connaissant maintenant un peu l’œuvre de Diop je comprends et j’y retournerais avec des intentions différentes. 2. La construction du roman au début, j’ai eu peur de me perdre dans tout les personnages. Mais quand on comprend (assez vite) l’intérêt de ses passages dans le passé cela n’a plus d’importance. Finalement c’est un énorme plus.

Point positif : 1. L’´enquêtes qui est plus un chemin de connaissance qui ne prétend pas avoir de résolution mais proposer des réflexions. Je pourrait m’arrêter là pour les ponts positif tant ce seul ponts est le cœur, l’intérêt et la force du roman. 2. Le positionnement, accusateur sans jamais que cela ne tourne au pujilat. Le but est de comprendre et d’accuser. Ça paraît contradictoire, c’est toute la subtilité.

Je vais m’arrêter la, je pourrait en dire plus mais décortiquer un roman comme celui ci ne servirait à rien. Il faut le lire, p-e ne pas l’aimer. C’est pour ça que je ne lui met pas plus : difficile d’être complètement toucher par ce qui semble si lointain. Le livre n’est d’ailleurs pas construit comme une histoire faite pour toucher à tout prix. Mais sans aucun doute je relirais un Boris Diop



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Murambi, le livre des ossements

Parce qu'à 19 ans, on reste traumatisé par le fait qu'un génocide puisse encore se passer sans que personne ne bouge le petit doigt, qu'il a même été si ce n'est encouragé, tout du moins laissé faire voire préparé par une grande force internationale de l'époque, bref, notre propre pays.

Parce qu'aujourd'hui encore, je ne comprends toujours pas pourquoi rien n'a été fait, pourquoi on a laissé une population tuer quasiment 1 million de personnes en 3 mois, parce que ça m'effraie qu'après le plus jamais ça du génocide juif par les nazis, une telle chose se reproduise même pas 50 ans plus tard, parce que j'ai peur de ce que ça implique comme état d'esprit sur l'importance d'une vie africaine par rapport à la notre et que cela ne me rassure pas sur la nature humaine face aux intérêts financiers et de pouvoir, j'essaie depuis cette date de trouver des explications.

Je lis tout ce que je peux sur ce génocide, des auteurs africains, européens, des essaies, des témoignages, des hommes politiques, des militaires qui ont fait parti de l'opération Turquoise, des survivants et des génocidaires mais ma conclusion est toujours celle-ci: l'être humain est incroyablement cruel et cynique.

Comme cette conclusion ne me convient pas (éternelle optimiste je suppose), je continue de lire et je tombe sur ce livre plus que nécessaire, magnifique, horrible par certains passages mais si réalistes.

L'auteur nous dépeint toute la mesure de ce génocide grâce à des portraits de personnages qui ont tous eu un rôle proche ou lointain de cette tragédie, l'ont vécu différemment selon leur bord, et forcément le racontent aussi différemment.

C'est un coup de poing dans le plexus, prenez votre respiration et allez-y.

Un livre nécessaire!
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Murambi, le livre des ossements

Deux lectures de "Murambi, le livre des ossements" à quelques années d'intervalle après avoir retrouvé ce livre dans ma bibliothèque.

J'ai parfois eu des difficultés à suivre les personnages mais je n'ai jamais renoncé et je garde finalement le même goût abrupt après cette lecture: comment est-ce possible? La nature humaine, capable du plus beau comme de l'horreur absolu..
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Murambi, le livre des ossements



Deuxième lecture! Toujours même plaisir. J'avais lu "La mort ne veut plus de moi" de Yolande Mukagasana, un autre terrible livre sur le génocide rwandais. La simplicité avec laquelle on dit la violence fait que chaque mot te touche directement en plein cœur. On réalise alors que Rwanda n'est pas si loin de nous.




Lien : http://tatobook.blogspot.com
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Murambi, le livre des ossements

Je suis née en 1994 et je savais qu'il y avait eu un génocide au Rwanda mais je n'en savais guère plus. Ce livre m'a éduquée et ouvert les yeux. Je suis choquée du rôle immense que la France a joué dans ce massacre. Ce roman permet de rendre hommage à toutes ses victimes qui n'ont jamais eu de pardon. Il doit être lu par les jeunes générations !
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Murambi, le livre des ossements

Le mot "génocide" a un sens.

Le même sens que dans herbicide, insecticide... Il s'agit d'éradiquer, d'anéantir, de faire disparaître de la surface de la Terre.

Sauf que dans "génocide", il s'agit d'êtres humains.

Boubacar Boris Diop leur donne un visage : roman choral où s'expriment, par bonds chronologiques, l'endeuillé, le rescapé, le mis-à-l'abri, la combattante ; mais aussi le génocidaire.

Ainsi que l'officier français qui a armé, ou encouragé, ou laissé faire.

Il n'est pas dans l'allusion, Diop : il livre une description crue des massacres et des cadavres.

Il donne la mesure de l'énormité du crime : dix mille morts par jour, pendant cent jours ; un million de personnes. En trois mois.

Dans sa postface de 2011, il se pose "la lancinante question de la légitimité d'une mise en fiction du génocide", comment il a cherché à "faire ressentir au lecteur le choc et l'effarement de la découverte d'une horreur défiant l'imagination".

Mais il parle également de "la capacité de résilience d'un pays assez confiant en lui-même pour abolir le 25 juillet 2007 la peine de mort."

Résilience incarnée par ses personnages, de retour à Murambi des années après.

Je ne sais pas quoi penser de ce livre : oui, bien sûr, il est important. Mais, lu après "Petit pays" et "Tous tes enfants dispersés", il m'a semblé moins puissant. J'ai été gênée, justement, par les procédés littéraires : sauts dans le temps, polyphonie (je n'ose pas dire "tout ce qui est tendance", mais...)

Je le comparerais à "Nuit et brouillard" : en évitant systématiquement le mot Juif (ce qui lui a été reproché), Alain Resnais donne au génocide une dimension universelle ; il fait de nous tous et toutes, des victimes potentielles. Il dépasse le "c'étaient des Juifs, c'était pendant la guerre..."

Dimension que, pour ma part, je n'ai pas retrouvée dans ce roman.

Je l'ai trouvé trop court, peut-être.

Les racines du mal (au sens que lui donne Hannah Arendt) sont davantage explicitées dans la postface, notamment le poids écrasant du passé colonial et le rôle déshonorant des autorités françaises.

Bref, lisez-le et faites-vous votre propre opinion.

Challenge Globe-Trotter (Sénégal)

LC thématique de juin 2022 : "Titres à rallonge"
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Murambi, le livre des ossements

Les ossements du titre, ce sont ceux de tous les Tutsi massacrés pendant le génocide perpétré par les Hutu, ossements laissés à la vue de tous dans un bâtiment mausolée, à Murambi, symbole du génocide en ce que, dans son école technique, 45 000 Tutsi furent tués, alors qu’ils avaient été envoyés dans cette école pour être protégés, finalement laissés à la merci de leurs bourreaux par les autorités quelques jours plus tard.



Ces ossements, Cornelius, de retour au pays peu de temps après la fin de la tragédie, après qu’il a été exilé de nombreuses années auparavant alors que la situation devenait de plus en plus tendue entre les deux populations - ayant déjà donné lieu à des massacres Tutsi -, veut les voir, lui qui a été protégé de l’horreur pour laquelle il est difficile de trouver les mots justes.



Au contraire de ses amis, Jessica, devenue espionne du Front Patriotique Rwandais et Stanley, tentant tant bien que mal, pour ce même Front Patriotique, d’évoquer la situation dramatique du pays à l’international, et de sa famille, notamment son oncle, Siméon, qui sera à l’origine de l’exil de son neveu. Au contraire également de ces bourreaux, par choix – ainsi du milicien Faustin – ou par contrainte – le père de Marina – ou encore des autorités françaises qui auront laissé les choses se faire, et même pire, auront aidé à ce qu’elles se fassent – le colonel Perrin en étant le principal représentant. Et le retour de Cornelius, dans cette enquête sur le génocide qui se fera jour au fil des pages sera tout autant pour lui source de révélations, terribles, tant personnelles que collectives, sur l’histoire de Murambi.



Le grand tour de force de ce roman se tient dans la multiplicité de ses voix, points de vue, éclairages, disséminés au cours du récit, permettant au lecteur de saisir aussi bien la complexité du drame que la difficulté à le décrire, laissant la parole à tous ses acteurs, victimes comme bourreaux, chose peu courante. Multiplicité permise par les recherches, entretiens… réalisés par Boris Boubacar Diop qui ne devait, au départ, qu’écrire un court texte qui aurait conclu un atelier d’écriture proposé à des auteurs africains pour apporter leur propre éclairage sur le sujet.



Un roman en somme extrêmement fort, qui ne peut laisser indifférent.
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Murambi, le livre des ossements

Comme il est doux de se persuader qu'il n'y a pas meilleur moyen d'apprendre l'histoire qu'au travers du roman, juste parce que tous les gardes-fous qui entourent la science finissent par assécher complètement ses sujets en les objectivant précisément.

Ce roman en est un parfait exemple donc, dans lequel, pour la première fois, j'ai pu lire précisément, entre autres aspects, la position française dans le génocide du Rwanda.

Quel soulagement!
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Murambi, le livre des ossements



Murambi , le livre des ossements Boubacar Boris Diop



« Comment peut-on se dire intellectuel capable, pour parler comme Cheikh Hamidou Kane, de « brûler au cœur des choses » si on ne sait même pas se demander pour quelle raison et par qui tant de corps mutilés de Tutsi ont été du jour au lendemain lâchés sur le Nyabarongo ou jetés aux chiens ? Pourquoi n’avais-je pas été capable de voir un seul de ces centaines de milliers de morts ? En m’incitant à me poser de telles questions, les témoignages des rescapés et mes lectures me tendaient sans pitié le miroir où je voyais défiler mes graves déficiences. »

Boubacar Boris Diop, Dans sa postface de « Murami, le livre des ossements » écrite 11 ans après son roman /reportage sur le génocide du Rwanda, Boubacar Boris Diop réfléchit sur cette inconscience, ou ce déni, ainsi que sur les responsabilités de la françafrique, qui a envoyé des troupes et des armes pour soutenir les Hutus, qui a construit un stade de volley- ball au dessus des charniers de Murambi, puis qui as aidé les assassins à fuir au Congo.

Les Hutus regroupés dans l’Interahamwe ont assassiné dix mille Tutsi par jour, pendant cent jours.

Un million de morts.

De la manière la plus barbare, inimaginable.

Boubacar Boris Diop, 4 ans après la fin du génocide de 1994, est invité au Rwanda, pour un atelier collectif d’écriture.

Son premier personnage voit bien que se prépare une tuerie : la radio des Mille Collines tenue par les Hutus au pouvoir lancent depuis plusieurs mois des « appels au meurtre totalement insensés » : De plus, ils ont un prétexte en or: la mort du Président Habyarimana dans un accident d’avion resté mystérieux.



Trois parcours dans cette enquête : Jessica, la survivante, la combattante, celle qui a toujours gardé le cap et jamais renié ses convictions. Pardonner, dit elle ?

Stanley, dont on n’entendra pas beaucoup parler.

Et Cornelius, fils d’un Hutu marié à une Tutsi, qui a fui le pays dès les premiers symptômes de meurtres. Il redécouvre son pays, ses blessures et son passé qui lui saute à la gorge. Il revient dans un chez lui qui n’est plus le sien, sauf son oncle, un homme lumineux, qui lui parle :

Bien sûr, dit il, les étrangers avaient mis les Tutsi sur un piédestal, et leur avait dit « vous n’êtes pas des noirs, vous n ‘êtes pas des sauvages. ». Mais de quoi se plaindre le plus ? De l’audace de ces conquérants belges puis français, ou de l’incroyable stupidité des chefs tutsi de cette époque ? L’allégresse de tuer des Hutus a t elle été insufflée par les colonisateurs ou est elle le fait de la vengeance et de la soif de pouvoir de certains chefs ( qui après avoir incité au meurtre les pauvres paysans, les renverront à leur pauvreté initiale)?

Nous ne pouvons en vouloir à personne de notre manque de fierté, conclut l’oncle Siméon. Nous nous comportons comme des esclaves, ce qui s’est passé en 1994 porte un seul nom : la défaite.

Boubacar Boris Diop s’appuie sur l’histoire, les préliminaires au génocide, sa préparation depuis 1959, les premiers meurtres, pour décrire la haine sans raison entre habitants parfois de maison qu’ils partagent, l’extermination, prenant le « solution finale » nazie comme exemple, et éclatant au grand jour en 1994.

Livre fort, donnant la parole aux uns comme aux autres, les chefs hutus incitant au viol, au découpage à la machette, au carnage, l’excitation de massacrer faisant perdre le goût du repos. Jour et nuit, la boucherie, partout, y compris dans sa propre famille.

Réflexion aussi : à commencer : connaître l’histoire, la voir comme elle a été, au risque de se voir opposer le refus d’en voir la spécificité : les massacres ont toujours eu lieu, disent certains des amis de Cornelius, suivi des discours de politiques français, de Jean D’Ormesson et d’autres, puis complètement rendus obsolètes et faux par les études de Patrick de Saint Exupéry entres autres et du livre de Jacques Morel, où la France a été « au cœur du génocide des Tutsi » .

Et écriture somptueuse, les citations essayant de rendre le phrasé spécial de cet auteur sénégalais.

Boubacar Boris Diop n’affirme rien quant à la raison de la démence des Cent. Jours, comme son héros Cornelius, il est déchiré. Il nous éclaire, en faisant parler.

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Murambi, le livre des ossements

« Ce roman est un miracle. Il confirme ma certitude qu'après un génocide, seul l'art peut essayer de redonner du sens.

Avec Murambi, le livre des ossements, Boubacar Boris Diop nous offre un roman puissant, terrible et beau. »

Toni Morrison.





Quiconque lit régulièrement mes articles connaît mon amour pour Toni Morrison. Pour la femme d'abord, l'insondable, la courageuse,

et pour son Oeuvre, immense, subtile, terrible.

Il ne me fallait pas plus de mots pour poser Murambi, le livre des ossements – offert par une de mes plus précieuses amies - tout en haut de ma « pile de livres à lire » et de le faire mien aussi vite que possible.





Car toute parole de Toni Morrison est d'or.





Et celle-ci l'est plus que toute autre.





Il y a plusieurs années, j'ai séjourné près de deux mois à Kigali, au Rwanda. A mon retour, j'ai lu tout ce qui me tombait sous la main (romans, essais, écrits divers, témoignages) au sujet de l'effroyable génocide des Tutsis de 1994.

Mais aucun de ces exercices ne m'a semblé avoir le quart du tiers de la force de Murambi, le livre des ossements, et la moitié de sa puissance d'évocation.





Ce livre est né d'une volonté de deux artistes, Maïmouna Coulibaly et Nocky Djedanoum, choqués par le silence des intellectuels africains face à la tragédie du Rwanda, d'impliquer une dizaine d'écrivains dans une réflexion sur le génocide.

De cette initiative a germé la résidence d'auteurs « Rwanda : écrire par devoir de mémoire ». Son but : prendre toute la mesure de la tragédie, réhumaniser les victimes et opposer un projet de vie au projet d'anéantissement des génocidaires.





Voilà pour ce qui est du topo général, des grandes lignes et de ce qu'il fait bon dire en introduction.

Une façon d'annoncer la couleur,

Sans trop se mouiller.



Sauf qu'une fois que l'on a refermé Murambi, le livre des ossements, l'un des écrits nés de cette résidence, il n'est plus possible de se contenter de sagesses allongées sur le papier et de phrases toutes faites, juste bonnes à couvrir la quatrième de couverture de sa dernière édition.





Car une fois le livre refermé,

ses 220 effroyables pages dont on pensait connaître le contenu,

il ne reste plus que le chaos, la sidération et la colère.

La colère surtout.

Celle de constater qu'il y a 27 ans seulement, l'inimaginable ait pu se produire au vu et au su de tous. Tout en se trouvant soutenu par la France, pays « des droits de l'Homme ». Après tout, Mitterrand lui-même le disait : « Dans ces pays là, un génocide, ce n'est pas trop important ».





Sauf que moi, je suis née le 16 juin 1994. Pile au milieu des « fameux » cent jours. Les pires que le Rwanda ait trouvés sur sa route. Et imaginer qu'à la seconde où je prenais ma première bouffée d'air, des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants expiraient dans d'atroces souffrances, m'est aujourd'hui intolérable.





Là n'est pas le problème, me direz-vous.

Et vous avez tout à fait raison.

Mais il vous suffira de lire la postface (rédigée par l'auteur) de cet admirable roman pour avoir envie d'hurler votre dégoût, votre hargne et votre honte d'être né dans un pays dans lequel le cynisme et les intérêts bassement politiques n'avaient pas de limites – j'ai tendance à penser que les choses n'ont pas tant changé que cela.





Mais voilà qu'à nouveau je m'égare.

Venons-en au texte.

Murambi, le livre des ossements, est un roman bouleversant et fascinant, aussi somptueux qu'abjecte, d'une puissance abyssale, d'une absolue vérité. C'est un texte qui vient gratter les tréfonds de notre âme et y coller les lambeaux de centaines de chaires meurtries. Plaies béantes dans une Histoire pas si ancienne.





C'est la retranscription de l'horreur poussée à son paroxysme, de l'inhumanité dans ce qu'elle a de plus fou, de la folie dans ce qu'elle a de plus inhumain.

Ce sont les témoignages d'hommes et de femmes, victimes ou bourreaux, qui trouvent, pour la première fois de leur vie, la force de raconter l'innommable.

C'est un roman d'une clairvoyance rare, une analyse fine des mécanismes ayant été à l'oeuvre depuis les années 50 et un tableau que le monde occidental a, au mieux, refusé de voir, au pire, financé et soutenu.

Dans ses plus sombres heures.





Grâce à son talent de conteur, Boubacar Boris Diop parvient à faire pénétrer dans nos consciences les noms et les visages des acteurs de la sanglante tragédie rwandaise. J'ai été soufflée par la grandeur de ses mots. Leur simplicité aussi.

Des mots qui ne se donnent pas à voir

- ils n'en ont pas besoin.

Mais qui portent en leur sein le tranchant du glaive et la tendresse du pinceau.
Lien : http://www.mespetiteschroniq..
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Murambi, le livre des ossements

L’auteur sénégalais lève le voile sur le génocide des Tutsis perpétré par les Hutus, au Rwanda en 1994, dans un roman d’une puissance terrible.



En prenant le prétexte fallacieux de la mort du président Juvénal Habyarimana dont l’avion a été abattu en plein vol le 6 avril 1994, les Hutus ont montré à la face du monde qu’ils pouvaient agir en toute impunité.



A travers un roman polyphonique qui donne la parole aussi bien à des Hutus qu’à des Tutsis, l’auteur nous aide à comprendre ce qui s’est passé. Il nous explique de quelle manière tout cela s’est déroulé sans que le monde entier ne lève le petit doigt. Dans l’indifférence générale, les membres des Interahamwe, la milice des massacreurs du Hutu Power, ont violé, mutilé, torturé, à coups de machette, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Quand on se pause un instant pour y réfléchir un peu : massacrer plus d’un million de personnes à l’arme blanche… c’est innommable !



Boubacar Boris Diop a recueilli des témoignages, a beaucoup écouté, avant d’écrire ce roman. Il a essayé de ne pas trahir les paroles des uns et des autres.



Cornélius est certainement le personnage le plus romanesque. Il est le fils d’un Hutu qui a ordonné le massacre des Tutsis qui avaient confiance en lui, le fils d’un être infâme qui se cachait derrière l’image du bon docteur et qui a trahi les siens sans sourciller. Cornélius doit vivre avec ça, lui l’exilé, lui qui était à Djibouti pendant ces mois d’horreur, il doit vivre avec une double culpabilité : son absence et son lien filial avec l’être le plus abject qui soit.



La partie « génocide » est certainement la plus émouvante, la plus bouleversante à lire. L’auteur ne dissimule pas l’horreur mais il n’en fait pas non plus étalage. Il ne verse jamais dans un pathos débridé, il reste sobre et pourtant efficace, il dit l’indicible, à travers les mots des uns et des autres, il met en lumière des tranches de vie, avant, pendant ou après ces mois abominables. Chaque personnage raconte ce qu’il a vécu, ça sonne toujours juste. L’un dit par exemple qu’il ne faut jamais épargner un enfant, si jeune soit-il, parce qu’il pourrait devenir le chef d’une guérilla future (ça ne nous rappelle pas un certain Hitler ?), l’autre que ses voisins le regardent d’un drôle d’air depuis le déclenchement du carnage alors qu’ils se côtoyaient amicalement auparavant ou ce restaurateur Tutsi qui tremble en servant un habitué Hutu… Terrible, vous dis-je. Leurs mots simples et dépouillés font frémir.



Boubacar Boris Diop n’oublie pas de dire que la France a joué un rôle pour le moins trouble dans ce massacre organisé. Elle a soutenu les Hutus au pouvoir, et les a armés. Quand on pense que Jean d’Ormesson a osé parler de « massacres grandioses dans des paysages sublimes » tandis que Mitterrand osait dire que « dans ces pays-là, un génocide ce n’est pas trop important », ça laisse songeur, ça révolte et ça donne envie de ne pas être français…



Ce roman fait partie de ces livres essentiels qu’il est nécessaire de lire. C’est un devoir de mémoire.



La postface, ajoutée en 2011, n’est pas moins intéressante que le roman, je dirais même plus, elle est indispensable et le complète parfaitement.
Lien : https://krolfranca.wordpress..
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Murambi, le livre des ossements

Lire ce livre, c'est lire une page d'histoire inhumaine, c'est la cruauté. C'est aussi une mémoire.

Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire ces deux cent pages. Un roman très bien documenté qui raconte aux travers plusieurs personnages, l'avant, le pendant et l'après génocide. C'est une écriture efficace, simple et juste.

Pas de parti pris, pas de jugement.

Les personnages de Jessica et de Simeon amènent de la sagesse et de la lumière dans ce livre sombre.

Un roman marquant et riche
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