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Citations de Camila Sosa Villada (107)


-- Elle m'a montré son flanc gauche, d'où sortaient de minuscules plumes grises, comme on voit sur les poules cendrées.
Elle pleurait et semblait inconsolable, et moi, la seule chose qui m'est venue à l'idée, ça a été de passer la main sur ses plumes, pensant qu'elle les avait collées avec de la glu. Mais non.
Pour me prouver que les plumes sortaient bien de son corps, elle en a arraché une et l'a mise devant mes yeux : une larme de sang est apparue à l'endroit d'où elle l'avait enlevée. J'ai pensé qu'elle allait devenir une sainte; là devant moi, que tel était son destin.

Elle était effrayée. Sur l'ardoise qu'elle utilisait pour communiquer avec nous, elle a écrit KI VA MAIME KOMESA
Que pouvais-je répondre ?
L'homme qui ne voudrait pas aimer une femme qui promettait de devenir un oiseau était un idiot qu'il valait mieux oublier.
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S'il est vrai que le bien est contagieux, Maria la Muette était capable de rendre les gens heureux.
Eclat des Yeux ne pouvait que la regarder, surpris et amusé à la fois.
Nous pouvions entendre ses éclats de rire quel que soit l'endroit de la maison où il se trouvait avec Maria.
Le rire de l'enfant se déplaçait dans l'air, et parvenait jusqu'à nous. Et il était si joyeux, si manifestement vivant, qu'aussitôt nous étions sur le diapason de son énergie.
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Moi, je dis que peu à peu je suis devenue la femme que je suis aujourd'hui par pure nécessité. Cette enfance de violence, avec un père qui, à la moindre occasion, balançait sur nous ce qui lui tombait sous la main, enlevait son ceinturon et donnait une correction, devenait furieux et tapait sur tout ce qu'il trouvait près de lui : femme, fils, objet, chien. Cet animal féroce, qui me hantait, qui était mon cauchemar : tout ça était trop horrible pour avoir envie d'être un homme. Je ne pouvais pas être un homme dans ce monde-là.
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Le désir de mourir remonte à mon enfance, un fantasme de suicide précoce, qui m’accompagne depuis que je suis petit. Je sais qu’il est là, je l’identifie clairement, je le distingue parmi tous les désirs possibles, mais j’ignore encore que je m’en libérerai en devenant trans, je ne sais pas encore que, contrairement à ce qu’on m’avait annoncé, le salut pour moi allait être une paire de chaussures à talons et un rouge à lèvres couleur vieux rose.
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J'ai passé beaucoup de nuits à prier et prier encore pour qu'au réveil la vie soit différente, pour que le lendemain soit un autre jour. Au début, je prie pour changer, pour être comme ils veulent que je sois. Mais à mesure que je plonge dans cette foi chaque jour plus intense, je commence à prier pour me réveiller, le lendemain, transformée en la femme que je veux être. Transformée en la femme que je sens à l'intérieur de moi, de manière tellement claire que je passe des heures à prier pour elle. Quand je tombe amoureuse de mes camarades d'école, je prie pour qu'ils me voient comme une petite fille. Quand je commence à m'épanouir, je prie pour que, durant la nuit, il me pousse des seins, pour que mes parents me pardonnent, pour qu'un vagin apparaisse entre mes jambes.
Pourtant, non. Entre les jambes, j'ai un couteau.
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Ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête.
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"Baisse la tête quand tu auras envie de disparaître, mais garde la tête haute le reste de l'année, ma chérie."
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Ce que la nature ne te donne pas, l'enfer te le prête. Là, dans ce Parc qui jouxte le centre-ville, le corps des trans emprunte à l'enfer la substance de ses charmes.
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"Ce que la nature ne te donne pas, l'enfer te le prête. Là, dans ce Parc qui jouxte le centre-ville, le corps des trans emprunte à l'enfer la substance de ses charmes." p.14
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"Ce que j'apprends très vite, c'est que nous sommes nécessaires au désir, au désir interdit que les habitants de la terre éprouvent à notre égard. Cela doit pourtant être interdit par un châtiment éternel, car nous avons décidé de ne pas nous soumettre. Pour nous punir, ils disent: vous ne serez pas désirées. Mais la vie ne pourrait pas fonctionner sans nous, là, expulsées de tout. L'économie s'effondrerait, l'existence sauvage dévorerait toutes les normes si les putes ne donnaient pas de l'amour charnel. Sans les prostituées, ce monde sombrerait dans la noirceur de l'univers." p.68
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Tante Encarna disait :
"Toute trans reçoit, dans la distribution des dons, le pouvoir de transparence et l'art de l'éblouissement." Nous étions toutes habituées à marcher très vite, à la limite du trot. La vitesse était dictée par notre désir d'être transparentes.
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Moi, à quinze ans, je m'habillais comme une pute. Je ne m'habillais pas, en réalité, je me déshabillais avec des vêtements recyclés. Ça a été mon premier acte d'indépendance, première rébellion. Le suivant, ça a été de trouver un endroit où me changer.
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Mais la vie ne pourrait pas fonctionner sans nous, là, expulsées de tout. L'économie s'effondrerait, l'existence sauvage dévorerait toutes les normes si les putes ne donnaient pas de l'amour charnel. Sans les prostituées, ce monde sombrerait dans la noirceur de l'univers.
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«  Personne ne nous semblait être un meilleur père pour l’enfant que l’Homme Sans Tête , car les hommes comme lui venaient de loin, ils connaissaient une multitude d’histoires et racontaient ce qu’on avait envie de savoir à propos du monde. Ils étaient cette nouveauté qui nous faisait du bien dans la monotonie de notre existence de prostituées » .
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La lumière nous dénonce, nous expulse.
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Les autres trans continuent leur maraude sans prêter attention aux mouvements d’Encarna. C’est que la Tante perd la mémoire, elle raconte et reprend sans cesse les mêmes vieilles anecdotes. Les choses les plus récentes et les plus familières n’ont pas de place dans sa mémoire. Il y a un moment dans la vie où aucun souvenir n’est à l’abri. Alors elle note tout dans des petits cahiers, elle colle des post-it sur la porte du frigo, autant de manières de l’emporter sur l’oubli. Il y a des filles qui pensent qu’elle est en train de devenir folle, d’autres qu’elle en a assez de se souvenir. Elle a reçu beaucoup de coups, Tante Encarna, des grolles de flics et de clients ont joué au foot avec sa tête et aussi avec ses reins. À cause des coups reçus dans les reins, elle pisse du sang. Alors personne ne s’inquiète quand elle s’en va, quand elle les quitte, quand elle répond aux sirènes de son destin.
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Pour mourir, on doit préparer la maison , recevoir l'enfant que nous avons su être. Savoir lui demander pardon pour toutes ces trahisons, pour tous ces mensonges, pour toutes ces déceptions systématiques, pour la destination perdue, pour tant de beauté négligée.
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Elles prient tous les saints pour que l’enfant ne se réveille pas, qu’il ne pleure pas, qu’il ne crie pas comme il le faisait peu avant, dans le Parc, comme un cochon dans un abattoir. En chemin, elles croisent des voitures conduites par des ivrognes qui leur lancent des obscénités, des voitures de police qui ralentissent à leur vue, des étudiants noctambules qui vont acheter des cigarettes.
Il suffit aux trans de baisser la tête pour avoir le don de transparence qui leur a été légué au moment de leur baptême. Elles avancent comme si elles méditaient et réprimaient la peur d’être découvertes. Car, oui ! Il faut être une trans et porter un nouveau-né couvert de sang à l’intérieur d’un sac à main pour savoir ce qu’est la peur.
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Durant des années, j'ai gardé en moi la crainte du regard féroce des animaux pris au piège, ces animaux qui savent qu'ils vont mourir et qui, à l'intérieur d'eux-mêmes, reçoivent l'ordre de faire quelque chose. Leur vie entière se concentre alors dans leurs crocs, bouillant d'écume et de rage.
Le regard de mon père quand il buvait était le même.
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Dehors, dans la cour, avec les larmes de nos robes que nous avons essorées, ajoutées à celles que nous continuions à verser pour lui, nous avons rempli une piscine en plastique et pris un long et paisible bain, en silence, entièrement nues, tandis que l'après-midi rougissait et que notre douleur le rendait plus rouge encore.
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