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Citations de Camila Sosa Villada (107)


La végétation a tellement progressé que, depuis la cour, elle s'étend jusqu'au toit de la maison et descend à présent sur la façade, tel un épais manteau de feuilles qui ne laisse presque pas passer la lumière, ou alors tout juste pour écrire un peu de poésie.
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Mes arrière-grands-parents, mes grands-parents et mes parents pensaient que tout était de la faute de la pauvreté.

Je suis sûr qu'il n'y avait pas d'ennemi de la pauvreté, que l'ennemi a toujours été notre conception du travail et du sacrifice.

Les seuls ennemis c'était nous, notre héritage, nos traditions, notre
vocation de servitude, nos rébellions refoulées
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Le combat pour la beauté ne nous avait laissé que la peau et les os. Nous savions parfaitement que, si nous n'y prenions garde, nous n'allions pas survivre dans ce Parc. Chaque jour, il fallait cacher sa barbe, épiler sa moustache à la cire, passer des heures à lisser ses cheveux avec le fer à repasser, marcher avec des chaussures impossibles, il faut bien le dire, impossibles, comment a-t-on pu inventer ces chaussures en plastique, tellement hautes que de là-haut on pouvait voir le monde entier, tellement hautes qu'on avait pas envie d'en descendre, tellement hautes que les clients nous priaient de ne pas les enlever, et ils les léchaient en espérant savourer un peu de la gloire trans, cette frivolité si profonde, ces grands panards de garçon couronnés par des chaussures de prostituée princière.
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- No las echo a la calle porque no quiero que mi hijo crea que su madre devuelve mierda cuando recibe mierda. Quiero que él aprenda a devolver flores aunque reciba mierda, quiero que sepa que de la mierda nacen flores. Por eso no las echo a la calle, porque comprendo el dolor de esta perra muerta, aquí entre nosotras, esta vagabunda a la que supimos considerar nuestra amiga. No será a través de su madre que este niño conozca las miserias del ser humano. Hay una perra muerta en mi patio. Era nuestra hermana. Todas somos de su misma cepa y todas vamos a morir algún día como ella. El funeral es al fondo; pasen.
p. 197
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Nous ne connaissions à Tante Encarna qu'un seul amour : une romance longue et tranquille avec un homme sans tête. À l'époque, beaucoup de réfugiés avaient débarqué dans la ville, fuyant les guerres qu'on livrait alors en Afrique. Ils étaient arrivés dans notre pays avec le sable du désert encore collé à leurs chaussures et on disait à leur propos qu'ils avaient perdu la tête au combat. Les femmes en sont devenues folles car leur tendresse, leur sensualité et leur disposition au jeu étaient légendaires. Ils avaient connu beaucoup de pénuries durant la guerre, presque les mêmes que les trans dans la rue, ce qui avait fait d'eux à la fois des objets de désir et des héros de guerre. Les Hommes Sans Tête avaient suivi des cours accélérés d'espagnol pour pouvoir parler notre langue, c'est ainsi que désormais ils pensaient avec tout le corps et ne se souvenaient que de ce qu'ils avaient ressenti dans leur peau.
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Quand on est fatiguée de donner de l'amour à laideur, tomber sur un client au sourire blanc comme l'ivoire, qui te dit à quel point tu es belle sous la pluie à ton balcon, et qui a la bonne idée de se garder de faire des références kitsch à Juliette attendant son Roméo, c'est un vrai coup de chance.
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Il y a peu de choses qui soient pires que d'aller se coucher les yeux ouverts, avec le goût de la misère dans la bouche.
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Tante Encarna disait : "Toute trans reçoit dans la distribution des dons, le pouvoir de transparence et l'art de l'éblouissement." Nous étions toutes habituées à marcher très vite, à la limite du trot. La vitesse était dictée par notre désir d'être transparentes. Chaque fois que notre humanité devenait solide, aussi bien les hommes que les femmes, les enfants, les vieilles personnes et les adolescents nous criaient que non, nous n'étions pas transparentes : nous étions des trans, nous étions ce qui suscitait chez eux insultes, rejet. C'est pour ça que, avec plus ou moins de savoir-faire, nous essayions d'être transparentes. Le triomphe consistait à rentrer à la maison après avoir été invisibles, n'ayant subi aucune agression. La transparence, le camouflage, l'invisibilité, le silence visuel étaient notre petit bonheur quotidien. Les moments de repos.
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Cette fureur dans les yeux, le regard de haine de ces deux trans tandis qu'elles se battaient : mon père, quand il buvait un peu trop, avait les mêmes yeux. Tous les animaux tenaillés par les mâchoires d'un piège de fer ont ce regard-là.
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Chaque crasse subie est comme un mal de tête qui dure plusieurs jours. Une migraine puissante que rien ne peut apaiser. Les insultes, les moqueries à longueur de journée. Le manque d'amour, le manque de respect, tout le temps. Les clients qui te roulent dans la farine, les arnaques, les mecs qui t'exploitent, la soumission, cette bêtise de nous croire des objets de désir, la solitude, le sida, les talons de chaussure qui cassent, les nouvelles filles qui meurent, de celles qu'on assassine, les bagarres à l'intérieur du clan, pour des histoires de mecs, pour des ragots, des chamailleries. Tout ce qui semble ne jamais vouloir s'arrêter.
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En attendant, nous étions des Indiennes maquillées pour aller à la guerre, des fauves prêtes à chasser, la nuit, ceux qui étaient assez imprudents pour s'aventurer dans la gueule du Parc. Et nous étions toujours fâchées, rudes, même pour la tendresse, imprévisibles, folles, rancunières, fielleuses. Et puis, il y avait cette envie perpétuelle de mettre le feu à tout : à nos parents, à nos amis comme à nos ennemis, aux maisons de la classe moyenne avec leur confort et leurs routines, aux jeunes de bonne famille qui avaient toujours la même tête, aux vieilles grenouilles de bénitier qui nous méprisaient tant, à nos masques qui coulaient, à notre propre rage peinte sur la peau, la rage contre ce monde qui voulait rien entendre, qui se payait sa bonne santé sur notre dos, et allait jusqu'à nous sucer la vie avec tout cet argent qu'ils avaient et que nous n'avions pas.
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C'est comme ça qu'on se prostitue. Le père a fait ce que le monde réclame : il a demandé de toutes les manières possibles à son fils homo de ne pas être la future trans, la grande pute. Il lui a demandé de ne pas vivre, de négocier avec Dieu et de vivre sans vivre, d'être quelqu'un d'autre, d'être son fils, mais d'aucune façon celui qu'il a envie d'être : celui qui veut s'affirmer. Mais comment cacher cette révélation ? Comment peut-on cacher cette chose qui se fait connaître depuis le coeur même de la pierre, cette chose qui est restée cachée toute une vie à l'intérieur de cette pierre, cette forme qui doit être vécue, pas seulement affirmée ? Cette réalité dont il est impossible de trouver l'origine, comment savoir quand cela a commencé, quand il a été décidé nous devions nous prostituer ?
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Chaque crasse subie est comme un mal de tête qui dure plusieurs jours. Une migraine puissante que rien ne peut apaiser. Les insultes, les moqueries à longueur de journée. Le manque d'amour, le manque de respect, tout le temps. Les clients qui te roulent dans la farine, les arnaques, les mecs qui t'exploitent, la soumission, cette bêtise de nous croire des objets de désir, la solitude, le sida, les talons de chaussure qui cassent, les nouvelles des filles qui meurent, de celles qu'on assassine, les bagarres à l'intérieur du clan, pour des histoires de mecs, pour des ragots, des chamailleries. Tout ce qui semble ne jamais vouloir s'arrêter. Les coups, surtout, les coups que nous inflige le monde, dans l'obscurité, au moment où on s'y attend le moins. Les coups qui arrivaient immédiatement après la baise. Nous avions toutes connu ça.
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J’ai déjà beaucoup de mal à vivre au jour le jour, en courant toujours des risques. Je ne sais pas encore que la mort a toujours été à mes côtés, dès que je suis venue au monde, que mon nom est tatoué sur son front, que la nuit elle me donne la main, qu’elle s’assoit à table avec moi et respire à mon rythme.
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Pour mourir, on doit préparer la maison, recevoir l’enfant que nous avons su être. Savoir lui demander pardon pour toutes ces trahisons, pour tous ces mensonges, pour toutes ces déceptions systématiques, pour la destination perdue, pour tant de beauté négligée.
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Moi, je la regarde se maquiller et j’apprends. Quand je reste seule, je reprends son rituel devant le miroir, j’essaye ses vêtements, je suis un peu ma mère, aussi. Je me maquille et, dans le visage de l’enfant, je vois celui de la putain que je serai plus tard. Je me regarde dans le miroir et comme ça, je me désire, maquillée avec le maquillage de ma mère je me désire comme personne ne m’a désirée, jamais.
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Nous sommes là pour qu’on écrive à notre sujet.
Pour être éternelles.
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[...] elle était brisée comme un verre et t'écorchait avec les contours de ses propres blessures.
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Ma double vie était comme ça. Le chemin qui menait chez mes parents passait par les montagnes, exactement au niveau de leur colonne vertébrale, et c'était la nausée, l'envie perpétuelle de tout laisser tomber, le tourbillon des sentiments. Je n'arrivais pas à comprendre si je les aimais ou si je les détestais, s'il était possible pour moi de continuer à vivre avec ce qu'ils m'imposaient en échange de leur protection et de leur affection, ou bien si j'allais finir par me noyer dans la rancœur et la souffrance.
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Ce que la nature ne te donne pas, l'enfer te le prête.
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