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Citations de Carine Fernandez (29)


Tous dorment, sauf Zinesh, qui n'a jamais eu l'esprit si vibrant. Quel âge as-tu Zinesh ? Trente ans, pas plus, l'âge de ton arrivée au royaume des morts. C'est la nuit du souvenir. Tu te souviens de la princesse Kalthoum et des cuisines et des coups de fouet. Tu te souviens de l'homme ivre qui cherchait son amour. A lui tu avais donné quelque chose. Quoi ? Quoi ? Ah ! tu cherches éperdument. Quelque chose d'impossible à reprendre, quelque chose qui lui conféra tout pouvoir sur toi, comme le soleil aux tournesols.
Il faut qu'en une nuit tu cherches et te souviennes. Tu sors d'un sommeil de vingt ans. Comment dormir ? Quand tu sais que tu pars avec lui, il est là couché dans sa boîte de planches en dessous de l'allée, que voilà qu'il t'emmène dans son pays. Qu'il t'emmène, que tu l'emmènes, tu ne sais plus. Horacio ! Horacio ! Le rose écume à l'est, coupé d'un trait sanguinolent, le monde ouvre un œil, l'œil du serpent python, l'œil du hublot qui s'irradie le temps d'un virage. Un jour de plus s'est levé en Orient tandis que l'appareil pique droit sur Rome. Dans la nuit.
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Elle lui dit qu'elle détestait l'Arabie. Elle n'avait pas réalisé qu'elle appartenait à un pays qui avait aboli l'esclavage des Noirs en 1969, mais jamais celui de ses femmes, jusqu'à son retour d'Amérique à l'âge de seize ans. A l'étranger, elle avait vécu comme n'importe quelle lycéenne qui s'habillait court, jouait au tennis, partait en camp de vacances et fréquentaient les garçons…
Brutalement le monde se déroba. Elle eut la sensation qu'on l'enterrait toute vivante, là, avec ses jambes de seize ans habituées aux coups de pédales alertes à travers les pelouses de Washington et qui voulaient galoper, ses cheveux qui voulaient flotter dans l'eau salée de la mer Rouge. Dès le retour à Djeddah on la força à porter l'abbaya et même à se voiler le visage. Ses parents étaient des gens ouverts, conciliants, sa mère s'était vêtue à l'occidentale pendant des années en Amérique, mais l'Arabie, s'efforçaient-ils de lui faire comprendre, n'était plus ce qu'elle était. Tout était bien plus répressif que quand ils étaient partis, seulement cinq ans plus tôt. La révolution iranienne était passée par là et avait fait souffler un vent de puritanisme sur l'Islam. L'Arabie, gardienne des lieux saints, s'était sentie obligée de surenchérir. Encore une fois, les femmes avaient payé ! La liste des prohibitions avait désormais été fixée, codifiée. On savait maintenant ce qu'il était interdit de faire : à peu près tout. L'espace où les femmes avaient le droit de se mouvoir était désormais strictement délimité : zones réservées dans tous les lieux publics, guichets pour femmes, grilles et paravents. Il ne leur restait plus qu'à respirer leur propre haleine humide sous la couche de gaze noire par cinquante degrés à l'ombre.
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Justement, répondit Mounir, le voile intégral, c’est là le coup de génie. Les femmes peuvent entrer chez les khawajas célibataires sans être reconnues, les adultères vont tranquillement à leur rendez‑vous sans crainte du mari. Quant aux « professionnelles », pour elles, c’est carrément Las Vegas ! Elles n’ont jamais fait autant de chiffre d’affaires, depuis qu’elles montent incognito dans les appartements du centre‑ville transformés en bordel. En fait, tout le pays est devenu un immense boxon ! Chacun s’arrange avec Dieu ou avec sa conscience. On ment à tous et à soi‑même.
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Il faut dire qu’un numéro comme Turki on préférait ne pas trop l’exhiber en dehors du royaume*. Mais cette année‑là, il avait dû aller aux États‑Unis pour rendre visite à son fils, hospitalisé pour une opération de la hanche. Il était resté un mois à Manhattan qui en avait vu d’autres, des maboules et des déjantés de toutes sortes, mais de l’acabit de Turki, pas sûr ! Il s’était mis en tête de remonter la Fifth Avenue, le derrière entortillé dans son pagne à carreaux yéménite, parce qu’il avait vu un reportage sur les soldats écossais portant le kilt et qu’il se considérait, lui, Turki Samara, rien de moins que comme un soldat arabe missionné en territoire ennemi. Quand, de retour chez lui, on lui demanda ce qui l’avait le plus surpris à l’étranger, il déclara que c’était un pays de débauche où il n’avait pas rencontré une seule femme qui ne se livrât à la prostitution, en d’autres termes une femme non voilée.
*L'Arabie Saoudite
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Mes fils ! La descendance des Bahahmar. J’attendais tellement de mes fils ! Ah ! Mais vois ce que c’est que la vie ! Aucun qui n’ait tremblé ou trahi. Parfois tremblé et trahi en même temps. Et voilà que tu arrives, toi, l’Egyptien, avec ta jeunesse et ton rire à décrocher les lustres. Et tu me regarde en face et tu n’as pas peur. J’aurais aimé te ressembler quand j’avais ton âge. Appelle-moi Talal comme si nous étions frères. Nous le serons dans l’au-delà, pas vrai ? Laisse-moi au moins l’illusion d’être un jeune homme à travers toi, fils de pharaon, même si dans tes veines ne coule pas une seule goutte de mon sang!
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On y parle d'Histoire, d'évolution de société, de différence entre passé et moderne. On y découvre également un pays : l'Arabie Saoudite, en proie à la modernité mais dans un monde musulman pas encore prêt pour la liberté. On y découvre des pratiques ancestrales et des générations différentes. L'exotisme y est fort marqué, car loin de nos mentalités Européennes.
Talal est un père, un grand-père, un patriarche à la tête d'une grande famille: sa mère, sa première femme, qu'il n'a jamais pu répudier,sa nouvelle femme mais surtout sa petite fille Dahlia, qu'il adore et qu'il a élevée et ses fils avec lesquels il entretient des relations très compliquées. Il rencontre un jour son jardinier, l'égyptien Rezak, avec lequel se nouera une relation presque filiale, qui remettra en doute toutes ses certitudes. Dahlia est en plus à un âge où elle a soif de liberté. Mais les zones d'ombre liées à son enfance lui seront elles dévoilées ?
C'est tout ça que nous raconte le livre de Carine Fernandez. La manière dont il est écrit est parfois déstabilisante. Les narrateurs varient régulièrement et au tout début, ça peut gêner la lecture. L' histoire y est intéressante même si c'est une société qui ne répond à aucun format connu en Europe. Cela ajoute à l'exotisme du récit. Toutefois, pour moi, la lecture n'a pas été des plus facile et je n'ai pas forcément accroché au récit et aux personnages. Merci à netgalley pour le prêt de ce livre et aux éditions les Escales pour ce roman aux accents exotiques.
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Je suis amoureux de Madiah, de l'être profond de Madiah, de l'âme de Madiah et cette âme n'a pas de corps. A peine un visage que je reconstitue, que je redessine, trait à trait dans l'atelier de mon imagination. Ses deux fossettes sémillantes dès qu'elle sourit et que ses yeux pailletés d'or brillent sous les sourcils arqués. On dirait les couvercles pointus des encensoirs qui lui donnent toujours l'air étonné. Je ne revois que des détails en gros plan, un grain de beauté au milieu de la joue, un lobe d'oreille où s'enroule un frisottis, mais l'ensemble m'échappe. C'est là où la vue d'Omar, le frère de ma bien-aimée, m'est particulièrement utile. Ces deux-là n'ont que deux ans de différence et ils se ressemblaient petits, c'est pourquoi je m'efforce à traduire en version féminine l'adolescent frimeur que je vois chaque jour garer la voiture dans l'allée. Beau comme il est, ses sœurs ne resteront pas sans prétendants. Voilà comment s'établissent les réputations. Qui a vu le frère imagine la sœur. Le visage d'un frère, c'est plus fiable que les éloges menteurs de cent voisines prêtes à tous les parjures pour faire l'article.
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Il y a maintenant une semaine que Fathi a rejoint les insurgés, une semaine qu'il navigue dans cet océan de tentes multicolores, qu'il parle, rit, et s'époumone avec les autres. Le premier soir, le couvre-feu a été décrété et il est rentré chez lui pour que sa femme ne s'inquiète pas. Sans écouter les récriminations de Leyla, "Tu es complètement fou de t'associer à ces voyous. Tu oublies que tu n'as plus vingt ans et que tu as charge de famille !", il a pris une couverture et son vieux manteau et déclaré qu'il ne reviendrait qu'avec la "démocratie". Un mot tout neuf qui l'emplit d'espérance. Il y a tant de mots qu'il ne prononçais pas auparavant, comme le mot "dignité" et le mot "liberté". Il a l'impression de naître sur cette place Tahrir. De naître d'une vie multipliée, indistincte, d'exister hors des limites de son corps, de son enveloppe corporelle d'humble tailleur, pour vivre à travers ces milliers d'êtres, hommes et femmes, jeunes et vieux, porteurs de croix et barbus, étudiants et ouvriers. Traversé par le même courant. Plus rien ne compte désormais. Il n'a plus peur, lui que sa Leyla traitait de couard parce qu'il n'osait pas réclamer les factures impayées.
Personne n'a peur. Et encore moins les femmes qui sont montées en première ligne. Quand l'armée a tiré et que des dizaines de manifestants ont été blessés, des visages fracassés, des membres criblés de mitraille, personne n'a reculé. Ils sont tous restés là encore plus serrés, une masse de chair mouillée de sang, de larmes, de sueur. Cette odeur violente d'humanité non lavée qui s'exhale de Tahrir depuis une semaine de siège, Salma l'appelle : "l'odeur de la révolution".
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Quelles pensées avaient défilé dans la tête du petit fugueur durant ce trajet interminable ? Hussein A Khalidj serait bien incapable de se les remémorer. Est-ce que cet enfant oublié tant d'années au fond de lui-même pourrait refaire surface à nouveau, lui révéler ce qu'il ne sait pas, lui réapprendre un courage, une ferveur que les mille lâchetés de l'âge adulte lui ont fait perdre ?
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Cet homme était triste et aussi éteint que la cendre froide au fond des cendriers que la servante vidait sans relâche. Non elle n'aurait pas dit éteint. Quelque chose couvait tout au fond de ses yeux gris, un point orange, une incandescence…
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Carine Fernandez
Voleurs de nuit


Coulant des tombereaux
Des grappes lourdes d’hommes
Dévoient les cités noires
Le crieur de journaux
Passe frôlant les femmes
Les pince en tapinois
Et s’enfuit dans le soir

Comme ça pue la vie !
Le nez à l’agonie
Respirer quelque part
Un souffle qui efface
Les miasmes des trottoirs
Je vais le nez museur
Le cœur à la surface
Gémir contre les sourds
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LA TERRE NOIRE


Nous n’atteindrons plus la terre noire
Où tout se fait et tout se désagrège
La terre gorgée dont le cœur est de l’eau
Sept ans captifs comme dans l’ancienne histoire
Nous avons vu la chair s’accroître sur nos os
Ayant bu l’eau du Nil pleine de sortilèges

Derrière nous la terre, ô Nuit ensevelie !
Elle qui boit les ténèbres et couve un feu très doux
Nous n’atteindrons plus la terre noire
Hantée de souvenirs que dispute l’oubli
Malgré les fêtes de la mémoire
Notre jeunesse reste aux dents du passeur mort
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Il n'a pas d'illusions sur les hommes. Il sait que les bons et les mauvais ne sont pas des espèces différentes, mais que chacun est un brave type et un salaud tour à tour et même plusieurs fois par jour. Il suffit de tomber au bon moment et de l'accepter.
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Le vieux avance, escorté de son armée de fantômes, de son camp gris de vaincus, il avance, le regard brouillé, vers le drapeau rouge et or qui se déploie, au-dessus de la caserne de la guardia civil. Il voudrait ne pas le voir, l’effacer à jamais de son ciel d’Espagne et de sa mémoire. Qu’il le veuille de toutes ses forces n’y change rien. Pour cela aussi il est impuissant. Il n’a aucune prise sur le monde.
Rien ne peut faire que le drapeau ne soit là, devant lui, à lui claquer au nez ses deux couleurs auxquelles il manque la troisième : le violet de la République, la teinte du ciel quand vient le soir, la page mauve où les hirondelles écrivent leurs traits vibrants, leurs paraphes orgueilleux, leurs strophes à la liberté. Contre la dureté du monde, la méchanceté des hommes, il ne peut rien.
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La nature est complice, la nuit se tait, le laisse faire. Va Medianoche où le passé t'appelle. Le silence comme une cape, que soulève de loin en loin le coassement des grenouilles. De tout leur chant ventriloque, elles savent. Par cette malignité de la nature qui contient tout, le passé comme le futur. Qui sait d'avance.
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Madrid lui était donnée, et tant pis si c’était une ville blessée et exsangue. Elle s’offrait comme un fabuleux terrain de découvertes dans lesquels ils vagabondaient à deux, lui et son ombre.
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Ce n’est pas sa vie qu’il défend, c’est sa liberté. Sa liberté a un œil cerclé de noir et un sourire miraculeux. Sa liberté s’appelle Ramon.
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Comme dit le dicton, l’Espagnol court toujours derrière le curé, soit avec un cierge, soit avec un bâton.
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Le savoir était la vérité et il fallait la chercher sans relâche, c’était un devoir, mais l’art, eh bien, l’art restait toujours à inventer. L’art était la porte ouverte, la liberté de l’homme.
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Je reviens chez ma mère. » Il réalise soudain que cette petite phrase lui a trotté tout le voyage dans la caboche, et même avant le départ, depuis le moment où il a lu la lettre de Nuria. Cette phrase l’avait accompagné nuit et jour dans les camps, l’avait aidé à vivre. On le libéra, mais l’enfance était morte avec la mère ; et l’âge d’homme lui avait gravé, à tout jamais, le rictus des ivrognes et des suppliciés sur sa trogne de paysan. (p. 45)
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