Je ne sais pas depuis combien de temps je suis assise sur le quai. Des heures? Quelques minutes? Aucune idée. Je me regarde flotter dans l'eau glacée. Mon corps attend qu'un vivant veuille bien passer par là et me trouver. Le jour n'est pas encore levé.
Cette main vivante, à présent chaude et capable
D'ardentes étreintes, si elle était froide
Et plongée dans le silence glacé de la tombe,
Elle hanterait tes journées et refroidirait tes nuits rêveuses
Tant et tant que tu souhaiterais voir ton propre cœur s'assécher de son sang
Pour que dans mes veines coule à nouveau le flot rouge de la vie
Et que le calme revienne dans ta conscience - regarde, la voici, -
Je te la tends .
(John Keats)
La mort demande une patience que je n'ai pas. Pas encore.
Richie regarde autour de lui. Nos yeux se croisent. Je sais qu'il ne me voit pas, mais ça ne m'empêche pas de lui adresser mon plus grand sourire
- je t'aime, Richie wilson. Je t'ai toujours aimé, et je t'aimerais toujours, dis je a voix haute.
Apparament, personne n'est tout noir ou tout blanc. Le gris a l'air universel.
On ne peut rien changer à ce qui arriver aux gens qu'on aime ni parfois à sa propre vie... Mais on peut changer de petites choses. Alors parfois, quand tout le reste a l'air tellement énorme qu'on n'y peut rien, tellement insurmontable qu'il est impossible d'y faire quoi que se soit, on est content de se dire qu'il existe quelque chose dont on fait ce qu'on veut... même si c'est très modeste
Les gentils sont récompensés et les méchants punis. Raisonner ainsi est vital, car il n’y a rien de plus effrayant que le moment où la vérité éclate : la vie est injuste et parfois cruelle. Nous ne sommes jamais à l’abri. Pour un enfant, c’est incompréhensible. Pour un adulte, c’est une raison de craindre le pire ; on peut être englouti par la tragédie d’un instant à l’autre.
Pour la première fois depuis que j'ai découvert mon corps dans l'eau, ce qui m'arrive me semble réel. Indéniable. Non, je ne rêve pas. Ce n'est pas un cauchemar dont je vais me réveiller. Je suis morte.
Et là, une pensée me vient - je me demande vraiment pourquoi je ne l'ai pas eue tout de suite ? Les mots commencent juste à me sortir de la bouche que je me mets à pleurer. Les morts pleurent. Qui l'eût cru ?
- Dis, Alex, il y en a d'autres... par ici ? On en voit d'autres ?
Toute ma vie, mes parents avaient été un réconfort ; malgré le chaos et l’incertitude de l’existence, tout était sous contrôle. Si j’avais peur, ils me calmaient ; si j’étais malade, ils me soignaient.
« Imagine qu'on t'a ouvert le ventre et qu'on t'a sorti les entrailles, me dit Paul. On pourrait croire qu'au bout d'un moment il n'y aurait plus rien, mais ça ne marche pas comme ça. Ça continue encore et encore. On croit que ça fera moins mal la prochaine fois, mais ça ne fait qu'empirer. Je n'aurais jamais imaginé qu'une seule personne puisse souffrir autant. La douleur est infinie. Est-ce qu'elle s'arrêtera quand je serai enfin mort ? Où ira-t-elle ? Je vais te dire ce que je crois, non, ce que je sais : il est impossible de s'en débarrasser. Elle s'autogénère. Lorsque je serai enterré, elle ira grandir ailleurs. Ces scientifiques qui essaient d'inventer un moteur perpétuel, est-ce qu'ils se satisferaient de découvrir la douleur perpétuelle ? Ils devraient me disséquer. »