Catherine Secq

— Mais pourquoi avait-elle autant d’importance pour vous ?
— Ah ! ça, mon garçon. Ça… Je ne peux pas vous le dire.
— Pourquoi ?
— Parce que si je vous le dis, elle va disparaître à nouveau…

Alex dégage de son sac un coffret en métal qu’il ouvre et présente à Marinette, la vieille femme. Elle prend la petite boîte dans ses mains et, comme pour la photo, la rapproche le plus près possible de ses yeux si fatigués. Soudain, elle ferme les paupières et le visage ridé se met à sourire. Silence.
— L’arranègre ! L’arranègre !

Ce jour-là, la terre aurait pu s’écrouler que l’effet n’aurait pu être pire pour moi. Il s’en est suivi une période très sombre pendant laquelle j’avais perdu goût à la vie. Je me voyais dépérir chaque jour un peu plus, et sans le soutien sans faille de mes parents, sans l’intervention de Thomas, mon frère de cœur, qui m’a emmené ici, je pense que j’aurais quitté cette terre depuis longtemps. Cela fait déjà sept ans et c’est seulement maintenant que je renais, que je ressens à nouveau des émotions. C’est comme si je m’étais petit à petit réveillé d’un long sommeil. L’envie d’aller vers les autres, de progresser, de me battre, l’envie de vivre tout simplement est revenue.

Sa vie, la vie dépendait d’elles. Elles étaient toute sa vie. De cela, ni Alex, ni Étienne, ni personne n’y pourrait rien. C’était dans l’ordre des choses.
— Alors, mes princesses, comment ça va aujourd’hui ?

C’est fou ce qu’une mère peut déployer comme énergie et audace lorsqu’elle apprend que l’un de ses enfants est en danger. Dans le cas présent, il est malheureusement trop tard, bien qu’elle se soit précipitée aussitôt avoir appris le drame.

Je viens de vous dire que les gens ne veulent que des roses, des roses, des roses, des roses et pas des roses blanches, symbole d’amour pur, ou des roses roses, synonymes d’amour tendre. Ah ! ça, non. Ils veulent tous des roses ROUGES.

À la Saint-Valentin, on offre des fleurs et pas n’importe quelles fleurs malheureusement. Les hommes ne veulent offrir que des roses rouges, car dans le langage des fleurs, la rose rouge est le symbole de l’amour passionné. On ne vous a pas appris ça à l’école de la vie ?

Depuis qu’il a appris à parler, après la phase gazouillis, il bute irrémédiablement sur certaines consonnes. Il a pourtant bénéficié dès que possible de cours d’orthophonistes compréhensifs et de bons conseils. Rien n’y a fait. C’est pire sous l’emprise de l’émotion ou du stress. Ses collègues se sont vite habitués à sa façon un peu particulière de s’exprimer. Finalement, cela ne pose plus de problème.

Difficile de contourner le dictat du commerce sans risquer d’être soupçonné d’hérésie comportementaliste. Le Meilleur Ouvrier de France entraîne les officiers de police dans l’atelier derrière la boutique. Les policiers, vite rejoints par la Police scientifique, font les premières constatations. Ils ordonnent la saisie du lot de roses souillées pendant qu’ils fouillent l’établissement à la recherche d’un éventuel blessé, introuvable.

L’opération consiste à enlever les épines et les feuilles des tiges. Tout cela, vite et sans se blesser, ce qui n’est pas plus aisé que d’ouvrir des huîtres ni plus réjouissant que laver les cheveux pour les apprentis coiffeurs. Non seulement Jacques est Meilleur Ouvrier de France, un titre durement obtenu, après une sélection drastique, mais il est fier d’afficher, dans la boutique, la coupe du monde des fleuristes qu’il a également gagnée dans sa jeunesse. À l’époque, il consacrait tout son temps libre à sa passion de l’art floral, ce qui l’a privé d’ailleurs de nombreuses aventures amoureuses.

Pour les fleurs, rien de tel que des roses rouges pour signifier l’amour passionné. Jacques n’a aucune idée des importants personnages à qui est destiné ce décor, mais c’est très bien ainsi. Moins il en sait, mieux c’est.

Il n’est pas toujours nécessaire de faire de longues études pour faire carrière. Fils d’émigré, celui dont on a oublié le prénom à force de le surnommer Titi est fier de son travail. Il y tient. Mais, aujourd’hui, pour la première fois, ce qu’il comprend de la situation lui fait peur. Peur pour sa place. Combien de fois a-t-il entendu son patron se plaindre de l’évolution du métier de grossiste. Internet a provoqué la fermeture de nombreuses entreprises. Ils ne sont plus que quelques-uns à exercer la profession dans le C1. Ce sont les derniers dinosaures d’un système rattrapé par la technologie et qui n’a pas réussi à évoluer assez rapidement.

Quelle honte quand il l’a rejetée, méprisant les sentiments si purs qu’elle avait pour lui ! Il était si flamboyant, énergique, ambitieux… Elle avait le sentiment qu’à ses côtés, la vie se déroulerait comme dans un rêve, sans un nuage à l’horizon. Elle pensait qu’à ses côtés, enfin, elle trouverait l’énergie pour accepter son destin, accomplir de grandes choses. Elle regarde le ciel et cette traînée blanche, dans le sillage de l’avion qui part au loin, on ne sait pas où, peut-être là où elle aurait aimé démarrer une nouvelle vie avec son bien-aimé. Tous ses projets se sont envolés, le jour où il l’a rejetée.

Le jour où leurs regards se croisèrent, ce fut comme une détonation, un bouleversement. Pour cet homme, elle ressentit aussitôt un véritable coup de foudre ; c’était une évidence.
Mais pour aimer, il faut être deux.

Elle était tellement belle, une femme unique en son genre, LA femme faite pour lui, son double parfait. Il l’avait placée sur un piédestal, lui vouant une véritable adoration. Ses sentiments étaient exagérés, excessifs ; il s’en rendait compte, mais n’avait aucune envie de les brider. Non, il voulait les exprimer au grand jour, au nez et à la barbe de tout le monde. Il en était si fier. Toute séparation était vécue comme douloureuse ; son désir pour elle était permanent et insatiable. C’était fou.

Puisqu’il ne peut plus l’aimer, il la détestera de toute son âme, chaque seconde, chaque minute, chaque jour un peu plus. Ce sera sa façon à lui de l’aimer encore.

- Welcome at the baths ! Are-you American ?
- Bonjour. Vous pouvez me parler normalement, vous savez ?
- Oh, excusez-moi. Je vous ai prise pour une Américaine. Bienvenue chez nous, chère Madame. Est-ce que je peux vous renseigner ? Voulez-vous connaître nos différentes prestations ?
- Non merci. Je ne suis là que pour la journée et je suis entrée en passant, par curiosité.
- On ne rentre jamais ici par hasard, chère Madame. Laissez-moi quand même vous donner quelques informations clefs. Savez-vous, par exemple, que vous êtes dans la plus importante station thermale française, mais aussi européenne consacrée aux maladies de la peau ?
- Européenne ? Vraiment ?
- Mais oui. La station existe depuis près de cinq siècles. Vous n'étiez pas née.
- Je vous confirme. Merci.

Ça sent la forêt, la montagne, les marmottes, les ours, la neige, les lutins, et avec un peu d’imagination, les cadeaux et la dinde aux marrons. Cette odeur, c’est une bulle de bien-être, une bulle rafraîchissante et euphorisante, une bulle de bonheur et de souvenirs d’enfance...

Non, non. je suis de l'avis de l'inspecteur. je vous félicite pour votre sang froid et votre maîtrise de la situation, mon adjudant-chef. Merci à vous. Qui sait ce qui aurait pu arriver sans votre courageuse intervention.

Dans son livre de recettes, il est indiqué que tout est dans la préparation du canard avant même la cuisson. Pour obtenir une peau bien croustillante, il faut laisser sécher la volaille déplumée, vidée de ses entrailles et ébouillantée, plusieurs jours si possible dans un endroit venté. C’est donc sur son petit balcon que Josiane a installé l’oiseau badigeonné de miel. Le plus compliqué aura été de décoller la peau de la chair. Pour cela, il était indiqué qu’il fallait inciser au niveau du croupion et souffler.
— Ils sont vraiment tordus ces Pékinois. Il n’y a qu’eux pour imaginer de telles simagrées, avait-elle ronchonné, tout en soufflant de toutes ses forces dans le cul du canard.