Dans cette interview inédite, Céline de Roany nous parle de son nouveau thriller, "De si bonnes mères", déjà en librairie.
Découvrez-en plus sur Céleste et son adjoint Ithri !
Dans le parc régional de Brière, où vit une petite communauté soudée autour d'un restaurant et d'un bistrot, se cache un criminel au sang-froid qui mutile des femmes enceintes. Dépêchés sur les lieux, Céleste Ibar et son fidèle lieutenant sauront-ils déchiffrer les signes laissés par le tueur ?
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- Qu’ils interrogent également les caméras de surveillance locales.
- Les caméras de surveillance… ?
Antoine le regarda avec l’air de se demander s’il se payait sa tête.
- Les anciens. Ceux qui passent leurs journées derrière la fenêtre. Tu verras quand tu seras à la retraite, Antoine… Et d’ici, il faut obligatoirement traverser Crossac ou Saint-Joachim. Si une voiture étrangère au coin a emprunté l’une ou l’autre voie, ils nous le diront.
L’homme se décida enfin à relever la tête. Son bouc poivre et sel était jaunâtre autour de la bouche, conséquence du tabac qui tachait aussi ses gros doigts et dont l’odeur s’accrochait aux vêtements, à la peau, aux poils.
Le médecin urgentiste avait hâte de partir. Cet endroit puait la souffrance et la cruauté. Il regrettait d’avoir vu ce corps. Ces yeux grands ouverts et ces entrailles encore chaudes qui se répandaient dans un fossé le hanteraient, tout expérimenté qu’il fût. Intervenir sur des accidents ou des suicides était une chose, contempler ce qu’un sadique pouvait infliger à autrui en était une autre. Il était formé pour sauver, secourir et soulager, pas pour plonger dans la psyché des tordus. Et celui qui avait fait ça en était un sacré.
La justice était très forte pour s’engager dans des cercles vicieux dont les justiciables ne pouvaient pas toujours s’extraire avant d’être irrémédiablement broyés.
Il y avait toujours quelque chose. Que ça ait un rapport ou pas, on a tous des petits secrets qu’on enfouit sous le tapis, en essayant de ne pas trébucher dessus. Le métier de Céleste consistait à soulever les tapis, à respirer les omissions et à exhumer les mensonges, volontaires ou non, des victimes et des coupables, de ceux qui n’avaient rien à voir avec l’histoire, aussi. Ça pouvait paraître sale, malsain, morbide. Pour Céleste comme pour beaucoup de flics, c’était le boulot. Fascinant dans sa diversité, sa médiocrité, sa réalité. La vie, loin des séries-télé et des rêves adolescents. La vérité vraie. La réalité crue.
La vie au grand air avait parfois cet effet-là, de faire vieillir l’écorce plus vite, même si elle ralentissait le temps à l’intérieur.
- Avez-vous entretenu des relations personnelles avec Mlle Arnotte ? demanda Céleste.
Troarec secoua la tête en souriant.
- Je ne sais pas ce que vous cherchez, mais comme je viens de vous le dire, je l’ai rencontrée seulement dans le cadre du travail. Je ne vais pas vous dire que je suis effondré par sa mort.
- Alors comment expliquez-vous qu’elle vous ait légué sa fortune ? demanda Céleste sans ambages.
- Qu’elle m’ait… quoi ?
Le temps s’immobilisa. Killian Troarec fixa la policière pendant de longs instants, l’air de ne pas comprendre. Céleste répéta sa question. Il ouvrit la bouche, la referma, ses mains retombèrent sur ses cuisses, il regarda ailleurs, inspira bruyamment. Sa pomme d’Adam monta, redescendit pendant que ses paumes étreignaient ses genoux.
Il était surpris. Mais était-il surpris de la teneur du testament ou du fait que la police était déjà au courant ?
Quarante huit heures de garde. En rentrant chez elle, Marie n'aspirait qu'à plonger ses pieds dans une bassine d'eau froide et à enfiler un pyjama en pilou. Si seulement elle en a avait un ! Le calme de la maison ne l'inquiétait pas. Depuis quelques mois, quelques années peut-être, les trois femmes de sa vie passaient de moins en moins de temps ensemble. La faute à tout un tas de choses, les réseaux sociaux, la taille de la demeure qui autorisait chacune à disposer de sa pièce personnelles, à Céleste et Emma, qui étaient secrètes et silencieuses. La faute au temps qui passe et qui fait grandir les enfants.
On achète du rêve et on oublie la réalité.
Il la revit, les bras chargés de vêtements, lui expliquer à quel point l’image que l’on donne de soi aux autres aide à forger sa propre image.