AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (534)


Il regarde avec cruauté et attention la beauté de ce corps qui est déjà toute niée. Il a vieilli, il est usé, ce corps ; il est comme détruit lui-même. Les seins pendent mollement, fatigués d'avoir servi. Il y a des taches noires à ses bras ; des plaques rouges sur son ventre. Elle ne bouge pas, elle est comme jetée là, toute défaite, toute dénouée ; et c'est qu'elle est morte, c'est ce qu'il se dit ; elle est morte pour moi. Ce n'est pas elle, ce n'est plus elle. Et une triste odeur qui monte de sa ruine à elle, l'insulte alors, réveillant sa colère ; c'est pourquoi il n'a pas pu s'empêcher :
-- Adrienne !

(C. F. RAMUZ, "Adam et Eve", 1932)
Commenter  J’apprécie          10
Dire et faire, c'est la même chose.

(C.F. RAMUZ, "Besoin de grandeur", 1937)
Commenter  J’apprécie          60
La nature ne va pas droit, l'homme cherche à aller droit. L'homme prétend à aller de plus en plus droit et à mesure qu'il avance à projeter devant lui, à l'intention d'une vitesse qu'il accroît sans mesure, des lignes de plus longue portée : la nature a tout le temps, on voit que l'homme au contraire est avare de son temps ; l'homme est pressé, la nature paresseuse. Oh ! comme cette Seine apparaît nonchalante, vue du haut de nos trois cents mètres, avec les méandres de son cours à quoi l'homme n'a rien pu changer, et il la laisse aller, et il va de son côté.

(C.F. RAMUZ, "Paris. Notes d'un Vaudois", 1938, H.-L. Mermod (Lausanne) -- pages 72-73 de l'édition Gallimard (Paris), 1939 ; réédité par la Blibliothèque des Amis de Ramuz, disponible auprès de l'association "les Amis de Ramuz", 2000, 198 pages -- [pages dites "d'En haut de la Tour Eiffel"... ] )
Commenter  J’apprécie          100
Une ville à la taille de l'homme [...]. Ni le Louvre, ni le Palais-Bourbon, ni le Luxembourg ne dépassent de beaucoup en hauteur une maison de sept ou huit étages. Et il y a bien la tour Eiffel, mais voyez le miracle (car on avait crié au sacrilège et le sacrilège ne s'est pas produit), c'est qu'elle est transparente; ce n'est pas une construction de pierre opaque, elle est comme une fumée qui monte tout droit dans les airs. C'est la fumée du feu d'Abel; on voit au travers le soleil rougir et descendre. C'est un tricotage, c'est un ouvrage de vannerie, c'est fait de mailles lâches, de noeuds qui ne sont reliés entre eux que par des fils presque invisibles; ce n'est pas un ouvrage terrestre, c'est un ouvrage aérien.

(C.F. RAMUZ, "Paris, notes d'un Vaudois", 1938 -- réédité à "La bibliothèque des Amis de Ramuz", association "les Amis de Ramuz", 2000, avec une préface d'Etienne Barilier)
Commenter  J’apprécie          50
Vous vous êtes toujours laissé faire, paysans de chez nous. [...]
Si vous nous parliez une fois au nom de ce que vous aimez ? [...]
Est-ce qu'il ne serait pas possible de situer le but de votre vie dans autre chose que de devenir riches, et étant riches, plus riches encore, est-ce qu'il n'y a pas d'autres grandeurs ?

C.F. RAMUZ, "Besoin de grandeur", 1937, réédition par "Les Amis de Ramuz", 2006 -- pages 128-129 (texte de l'édition des "Oeuvres complètes" par l'éditeur H.-L. Mermod, 1941)
Commenter  J’apprécie          30
L'homme trouvera sa plénitude dans le sacrifice complet de sa personne au progrès de l'humanité, ne progressant lui-même qu'en elle, et à travers elle ; ses propres gains ne figurant dans l'addition qu'en vue de l'augmentation du total.

(C.F. RAMUZ, "Besoin de grandeur", 1937)
Commenter  J’apprécie          20
Vous vous êtes toujours laissé faire, paysans de chez nous. [...]
Si vous nous parliez une fois au nom de ce que vous aimez ? [...]
Est-ce qu'il ne serait pas possible de situer le but de votre vie dans autre chose que de devenir riches, et étant riches, plus riches encore, est-ce qu'il n'y a pas d'autres grandeurs ?

(C.F. RAMUZ, "Besoin de grandeur", 1937)
Commenter  J’apprécie          20
Il écrivait toujours avec le bout de sa baguette des choses qu'on ne savait pas dans le sable.

(C.F. RAMUZ, "L'Amour du Monde", 1925)
Commenter  J’apprécie          50
- J'ai peur.
- Peur de quoi ?
- Crois-tu que c'est la fin du monde ?
Mais il rit et il dit :
- C'est le recommencement du monde.

[C.F. RAMUZ, "Les Signes parmi nous", 1919, chapitre XII]
Commenter  J’apprécie          30
C'est un homme avec une femme.
Les cinq qui étaient là avaient en face d'eux la montagne avec ses murailles et ses tours; et elle est méchante, elle est toute-puissante, mais voilà qu'une faible femme s'est levée contre elle et qu'elle l'a vaincue, parce qu'elle aimait, parce qu'elle a osé.
Elle aura trouvé les mots qu'il fallait dire, elle sera venue avec son secret; ayant la vie en elle, elle a été là où il n'y avait plus la vie; elle ramène ce qui est vivant du milieu de ce qui est mort.
Commenter  J’apprécie          100
J'étreindrai la langue et, la terrassant, lui ferai rendre gorge et jusqu'à son dernier secret, et jusqu'à ses richesses profondes, afin qu'elle me découvre son intérieur et qu'elle m'obéisse et me suive rampante, par la crainte, et parce que je l'ai connue intimement et fouillée. Alors, m'obéissant, tout me sera donné, le ciel, la mer, et les espaces de la terre -- et tout le coeur de l'homme.

(C. F. RAMUZ, "Journal", 9 décembre 1904)
Commenter  J’apprécie          10
[CHALEUR]

L'ombre du tilleul tourne dans la cour.
La fontaine fait un bruit de tambour.

Un oiseau s'envole du poirier ; le mur
brûle ; sur le toit brun et rouge,
La fumée d'un feu de bois bouge
Contre le ciel tellement bleu qu'il est obscur.

On n'entend pas un bruit dans les champs ;
personne n'est en vue sur la route ;
Seules dans le poulailler, les poules
gloussent encore, de temps en temps.

Puis plus rien qu'un arbre qui penche,
dans l'opacité de ses branches ;
avec son ombre, de côté,
comme sous un poids qui l'accable ;
et cet autre se laisse aller
en avant, comme un dormeur
qui a les coudes sur la table.

(C. F. RAMUZ, "Le Petit Village", Ch. Eggimann éditeur, Genève, 1903)
Commenter  J’apprécie          190
Là-haut (on dit "là-haut ") quand on vient du Valais, mais quand on vient d'Anzeindaz on dit "là en bas" ou "là au fond"), la neige, en se retirant, faisait de gros bourrelets ; ils découvraient sur leurs bords, dans l'humidité noire que la vieille herbe recouvrait mal d'une espèce de feutre terne, toute espèce de petites fleurs s'ouvrant à l'extrême limite d'une frange de glace plus mince que du verre à vitre. Toute espèce de petites fleurs de la montagne avec leur extraordinaire éclat, leur extraordinaire pureté, leurs extraordinaires couleurs : plus blanches que la neige, plus bleues que le ciel, ou orange vif, ou violettes : les crocus, les anémones, les primevères des pharmaciens. Elles faisaient de loin, entre les taches grises de la neige qui allaient se rétrécissant, des taches éclatantes. Comme sur un foulard de soie, un de ces foulards que les filles achètent en ville, quand elles y descendent pour la foire, à la Saint-Pierre ou à la Saint-Joseph. Puis c'est le fond même de l'étoffe qui change ; le gris et le blanc s'en allaient ; le vert éclatait de partout : c'est la sève qui repart, c'est l'herbe qui se montre à nouveau ; c'est comme si le peintre avait d'abord laissé tomber de son pinceau des gouttes de couleur verte, puis elles se rejoignaient."
Commenter  J’apprécie          120
Le bonheur résulte chez l'homme d'une réussite partielle. L'homme amoureux connait pour un temps le bonheur. L'étudiant qui vient de passer ses examens connait le bonheur pour un temps. L'homme d'affaires qui vient de réaliser une belle affaire, un moment, connait le bonheur. Le bonheur n'est que comme le prolongement sonore d'un état heureux où nous avons été et qui nous empêche d'entendre un instant les dissonances qui sont au-dedans de nous. Telle circonstance heureuse survient et c'est sa masse seule qui nous cache momentanément les parties de nous-mêmes qu'elle n'intéresse pas ; mais peu à peu la masse se dissipe et, en se dissipant, les découvre à nouveau. Alors aussi apparaissent les vides ; et peut-être que tout est vide, et c'est ce qui est insupportable.
Commenter  J’apprécie          350
Ce jour-là, quand je t'ai vue,
j'étais comme quand on regarde le soleil ;
j'avais un grand feu dans la tête,
je ne savais plus ce que je faisais,
j'allais tout de travers comme un qui a trop bu,
et mes mains tremblaient.

Je suis allé tout seul par le sentier des bois,
je croyais te voir marcher devant moi,
et je te parlais,
mais tu ne me répondais pas.

J'avais peur de te voir,
j'avais peur de t'entendre,
j'avais peur du bruit de tes pieds dans l'herbe,
j'avais peur de ton rire dans les branches ;
et je me disais : « Tu es fou,
ah ! si on te voyait, comme on se moquerait de toi ! »
Ça ne servait à rien du tout.

Et, quand je suis rentré, c'était minuit passé,
mais je n'ai pas pu m'endormir.

[…] Ça a duré ainsi trois jours
et puis je n'ai plus eu la force.
Il a fallu que je la revoie.
Elle est venue, elle a passé,
elle n'a pas pris garde à moi.

(C.F. RAMUZ, "Le Petit Village", Ch. Eggimann éditeur, Genève, 1903)
Commenter  J’apprécie          120
" Je ne durerai pas plus que le soleil. Quand ce sera sa fin, ce sera la mienne... Vous me trouverez mort en bas et, lui, vous le chercherez dans le ciel , mais il ne bougera pas davantage que moi. "

(C. F. RAMUZ, "Si le soleil ne revenait pas", 1937, chapitre V)
Commenter  J’apprécie          70
" Et brusquement j'entrai dans le brouillard. J'allais à sa rencontre, et lui, il venait à la mienne ; alors, derrière moi, le soleil s'éteignit ; et il me sembla que toute la terre avait été tout d'un coup recouverte (...) "

(C. F. RAMUZ, "L'homme perdu dans le brouillard" -- initialement parue dans "Nouvelles et morceaux", 1910, Lausanne, Payot & Cie)
Commenter  J’apprécie          90
Il aimait à raconter cette histoire, étant devenu vieux, étant même si vieux qu'il ne savait pas l'âge qu'il avait.
Il ne pouvait plus bouger de la galerie de son chalet, où on l'asseyait le matin dans un fauteuil de paille, et on lui étendait les jambes, bien enveloppées dans des couvertures, sur une chaise devant lui. C'est qu'il était tout noué par les rhumatismes, comme beaucoup de vieux à la montagne, de ceux qui ont trop chassé le chamois, par tous les temps, dans la neige et le froid -- passé trop de nuits à l'affût.

(C. F. RAMUZ, "L'homme perdu dans le brouillard", incipit -- initialement parue dans "Nouvelles et morceaux", 1910, Lausanne, Payot & Cie)
Commenter  J’apprécie          90
Si un poète sortait de vous, peut-être que vous ne mourriez pas.
Commenter  J’apprécie          232
[EXTRAIT DU DOSSIER DE PRESSE]
[…] A lire cette version intégrale, on vérifie ce que l'on savait déjà du "Journal" . Les événements du temps y figurent à peine (même dans les "Choses écrites pendant la guerre"), on n'y trouve ni portraits ni anecdotes (la présence d'autrui est réduite à la portion congrue) et guère de confidences: hormis les derniers moments de son père ou l'enterrement de son ami Fernand Chavannes, l'auteur choisit de taire ce qui le touche de près, si l'on en juge par les notes elliptiques sur son amour de 1907-1908 pour la jeune Valaisanne Ludivine. Quant à sa famille, il n'en est presque jamais question - à l'exception notable de "M. Paul" (son petit-fils Guido Olivieri), qui remplit le Journal des années 1940. Un portrait de l'homme se dessine néanmoins en filigrane à travers son goût déclaré pour la marche, sa sensibilité au retour du printemps et à tout ce qui éclôt, son amour du soleil et de la chaleur (même s'il est souvent malade en été), son désir inassouvi de l'Italie et sa détestation de l'Allemagne, son attirance pour la musique aussi bien que pour la peinture, ses nombreuses lectures (parmi lesquelles celle de Nietzsche dans l'original), son besoin de contemplation, sa recherche de la solitude et d'une vie réglée propices à l'écriture, le soin avec lequel il tient ses archives tout en se livrant à plusieurs autodafés de papiers. Et aussi son acharnement au travail, ses doutes incessants sur la valeur de ce qu'il fait (un de ses mots récurrents est "dégoût"), ses perpétuels soucis d'argent qui nourrissent une anxiété native, enfin son stoïcisme devant l'échec et la maladie résumé par la formule d'acceptation Amor fati. Mais c'est bien l'écrivain qui prend ici toute la place. Un écrivain volontariste, qu'on voit très tôt enfermé à sa table de travail et se servant de son Journal comme d'un espace pour réfléchir à ce qui lui importe par-dessus tout: la quête, qu'il pressent longue et n'entend pas forcer (car il croit au "génie de la patience"), d'un ton propre qui traduise sa vision du monde - "Ce magnifique grand style paysan dont j'ai tant rêvé" qu'il cite quelques mois avant sa mort. Une quête de soi qu'on suit à travers mille et un projets ébauchés, abandonnés et repris, parallèlement à l'œuvre publiée, remise sur le métier à chaque nouvelle édition ou traduction. Sa méthode de travail? Ecrire d'abord au crayon puis à l'encre, tout récrire sitôt après le premier jet, donner le texte à la copie et le corriger derechef, une ou plusieurs fois… Ce souci de la perfection explique le nombre d'inédits, achevés ou non, retrouvés dans ses archives. […]Un mot sur l'édition critique de ce Journal éclairé par une longue préface de Daniel Maggetti. Le manuscrit est restitué dans sa version première, avec indication des passages déjà publiés. Présenté par années, le texte est accompagné de deux types d'annotations: en pied de page figure tout ce qui est utile à sa compréhension, tandis que les variantes et notes génétiques sont reportées à la fin de chaque année. Deux lectures, directe ou savante, sont ainsi possibles. […]

Isabelle Martin, "Le Temps" (8.10.2005)
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Charles-Ferdinand Ramuz (1150)Voir plus

Quiz Voir plus

Aimé Pache, peintre vaudois de Charles-Ferdinand Ramuz

Ce roman, paru en 1911 à Paris chez Fayard et à Lausanne chez Payot, est dédié à un peintre : ...

Alexandre Cingria
René Auberjonois
Cuno Amiet
Ferdinand Hodler

15 questions
3 lecteurs ont répondu
Thème : Aimé Pache, peintre Vaudois de Charles Ferdinand RamuzCréer un quiz sur cet auteur

{* *}