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Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (534)


Il disait : " C'est le soleil qui est malade. Il n'a plus assez de vertu pour dissiper le brouillard. "
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[UNE ENFANCE], juillet 1940 :

Il n'y a point de passé, pour lui, et il n'y a point de futur pour lui. Il ne se souvient pas et il ne prévoit pas. Tout ce qui se présente est ainsi revêtu d'une magnifique nouveauté et ruissèle de fraîcheur ; tout seulement commence à être pour lui qui commence à être ; tout est pureté à sa pureté. C'est pourquoi tout l'étonne.
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« C'est comme si je te parlais du haut d'une montagne et, toi, tu serais dans le bas. C'est comme si je t'appelais d'un côté de la vallée et, toi, tu serais de l'autre côté. Est-ce qu'on est si loin l'un de l'autre en même temps qu'on est si près ? »

[C.F. RAMUZ, "Si le soleil ne revenait pas", éditions Mermod (Lausanne) 1937 — Chapitre IV]
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L’obscurité était quelque chose de profond et d’épais comme une fourrure à poils noirs.
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Extraits du "Journal" : « L'HEURE DU SOIR » [fin février-début mars 1947]

« Faire exprimer des choses par des gens qui ne savent pas les exprimer. Les suggérer alors par des images, le ton, la forme. Faire que le contenu déborde le contenant. »

« Même dans les pires moments, je n'ai jamais cessé d'aimer passionnément la vie. »

« Je cherche à me prouver que j'existe. »

[C.F. RAMUZ, Romans, INTEGRALE, pages XXVII, Chronologie établie par Alain Rochat, volume 2, collection "La Pléiade" (deux volumes, 1753 pages + 1795 pages), septembre 2005].
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D'où elles viennent, leurs chansons ? On ne sait pas. Il y en a probablement qui sont vieilles, mais d'autres sont de celles qui se chantent encore dans les villes, qui sont arrivées jusqu'ici, apportées un jour par quelqu'un ; seulement on ne les reconnaît pas, parce que c'est d'un autre cœur qu'on les chante ; et les paroles changent peu à peu. Il y a ordinairement dedans un galant avec sa bonne amie ; et ils s'aiment bien ; et le galant fait des cadeaux à sa bonne amie, c'est des bonbons et des gâteaux. Il y a le « Bouton de rose » :

« Dans un bouton de rose
Mon cœur est enfermé
Personne n'en a la clé
Que mon cher et bien aimé... »

Il y a encore : « Le sam'di soir après l' turbin ». Elles chantent : « Le samedi soir à Saint-Urbain ».

C'est des voix tristes, un peu timides, un peu plaintives, qui traînent et meurent à la fin des phrases ; et disent ainsi la vie difficile, et que l'amour passe vite ; et quelquefois on trouve bien le temps de rire, mais le plus souvent on ne connaît que le chagrin.
Les filles chantent toujours, dès qu'une chanson est finie, elles en recommencent une autre ; quand elles n'en savent plus de nouvelles, elles rechantent celles qu'elles ont déjà chantées. Peut-être que les garçons les ont entendues et se sont cachés dans le bois tout proche ; quelquefois on entend les branches remuer. Mais on ne voit plus rien, il fait à présent complètement nuit.
On voit briller des feux sur la montagne, très haut, près des rochers. Il y en a un d'abord, puis deux, puis trois. L'un grandit, l'autre diminue : ils vacillent un petit peu ; c'est les pâtres d'Arpitettaz qui les allument, quand ils passent la nuit dehors.

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre IX — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, pages 96-97]
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D'un côté de l'entrée, se trouvait la boulangerie et de l'autre un horloger. Il fallait suivre un long corridor, et monter un petit escalier de pierre. Le bureau était au premier étage ; on lisait en lettres noires sur une plaque de tôle émaillée :
« EMILE MAGNENAT »
« Notaire »
Plus bas :
« Entrez sans heurter. »
C'était donc là.

[C. F. RAMUZ, "Les Circonstances de la vie", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie académique Perrin (Paris), 1907 — Première partie, Chapitre I — page 75 de l'édition "La Pléiade", "C.F. RAMUZ : Romans", Tome I, 2005]
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Dans notre pays la religion est enseignée aux petits enfants dans les écoles du dimanche ; on y apprend le bien et le mal ; alors ces choses sont écrites pour toujours dans le fond de la conscience ; et plus tard, on peut ne plus aller à l'église, et ne plus croire à rien, et devenir mauvais ; quand on trouve le répit et qu'on regarde en soi-même, on y lit à nouveau les dix commandements.

[C. F. RAMUZ, "Les Circonstances de la vie", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie académique Perrin (Paris), 1907 — réédition "La Pléiade", "C.F. RAMUZ : Romans", Tome I, 2005]
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Emile était surpris de cette humeur variable ; il était surpris surtout de trouver Frieda si entreprenante ; ces choses-là lui faisaient peur. Mais il se disait qu'elle avait sans doute raison ; et précisément cette hardiesse lui donnait du respect pour elle.
La chambre à coucher était presque prête ; il n'y manquait rien que les draps.
« Tu vois si les lits sont jolis, disait Frieda, et j'ai bien fait de les prendre. Pourquoi voulais-tu garder le tien ?
— Parce que j'y tenais et puis j'aurais fait une économie. »
Elle haussait les épaules.
« Une économie ! Est-ce même une économie ? Ce n'est pas le plus cher qui est le plus coûteux. Est-ce que tu aurais un matelas comme celui-là ? Et ces ressorts, est-ce qu'ils sont doux ? »
Elle ajoutait en le regardant :
« On y sera bien. »
En même temps ses yeux se fermaient lentement, il n'y avait plus rien qu'une petite fente et, par cette petite fente, sortait une flamme noire qui s'élargissait sur lui, répandue sur tout son corps ; et dans ce moment-là elle lui aurait dit : « Donne-moi un collier de diamants », il l'aurait fait. Et elle lui aurait dit : « Va voler pour le payer », il l'aurait peut-être fait encore.

[C. F. RAMUZ, "Les Circonstances de la vie", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie académique Perrin (Paris), 1907 — Deuxième partie, chapitre I — page 198 de l'édition "La Pléiade", "C.F. RAMUZ : Romans", Tome I, 2005]
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Vu de cette hauteur, le fleuve, au fond de la vallée, n’était plus qu’un bout de fil gris apparaissant à travers une brume bleue, comme si ce n’eût pas été de l’air, mais de l’eau, dans laquelle on aurait mis fondre du savon, qui remplissait cet immense bassin de fontaine ; — ils se tenaient là sans parler, parce qu’on se sent tellement petits, c’est tellement trop grand pour nous.
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Elle prit dans la direction du village. Elle pensait au soir où elle avait porté la lettre ; c'était autrefois, le temps qui n'est plus. Comme la vie tourne ! La vie a un visage qui rit et un visage qui pleure ; elle tourne, on la voit rire ; elle tourne encore et on la voit pleurer.
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Le père Fontana a continué à dire des choses à voix basse aux deux hommes qui étaient avec lui dans le café Crittin à Mièges :
« Oui... »
Il hochait lentement la tête.
C'étaient les nommés Ardèvaz et Charrat.
« Oui, a continué Fontana, parce que je dis, moi, que son or est meilleur que celui du gouvernement. Et je dis qu'il a le droit de faire de la fausse monnaie, si elle est plus vraie que la vraie. Est-ce que, ce qui fait la valeur des pièces, c'est les images qui sont dessus, ou quoi ? ces demoiselles, ces femmes nues ou pas nues, les couronnes, les écussons ? Ou bien les inscriptions, peut-être ? Ou bien leurs chiffres, disait-il, les chiffres qu'y met le gouvernement ? Les inscriptions, on s'en fout, pas vrai ? Et les chiffres aussi, on s'en fout. Ça ne serait pas la première fois que le gouvernement vous tromperait sur la valeur et sur le poids, tout aussi bien qu'un particulier. Demandez seulement à ceux qui s'y connaissent. [...] »

[C.F. RAMUZ, "Farinet ou la fausse monnaie", éd. Mermod (Lausanne)/éd. Grasset (Paris), 1932 — réédition Plaisir de Lire (Lausanne), 1997 — Chapitre I : incipit]
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Les mauvaises herbes viennent bien toutes seules, mais rien de ce qu'on sème et de ce que l'on plante, au contraire.
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On croit qu'on est ensemble, on voit qu'on est séparés. Une seule chose est sûre (pendant qu'ils vont et viennent, et sont l'homme et la femme ensemble, ou bien l'ami avec l'ami, et sont en groupes ou font des bandes, apparemment réunis, pouvant se voir et se toucher, pouvant s'adresser la parole, pouvant s'entendre, croyant même pouvoir se comprendre) : une seule chose est sûre, c'est qu'on est posés les uns à côté des autres, et puis c'est tout.

[C.F. RAMUZ, "Le Cirque", éd. Georg & Cie (Genève), 1925 — rééd. Du Lérot éditeur (Tusson), 2011]
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Car l'amour même n'empêche rien. On tient un moment sa femme entre ses bras : tout à coup elle vous échappe. [...] Elle glisse loin de moi de son côté, moi de mon côté loin d'elle, et les immensités viennent se placer entre nous.

[C.F. RAMUZ, "Le Cirque", éd. Georg & Cie (Genève), 1925 — rééd. Du Lérot éditeur (Tusson), 2011]
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Elle s'est assise près de la fenêtre, elle a ouvert son caraco. Et, tout à coup, les cris se taisent. Elle a pris le bout de son sein entre ses doigts, elle se penche en avant ; la petite tête à fin duvet d'oiseau s'est alors tournée de côté. Et il s'est fait un petit bruit, à cause de quelque chose qui va de moi à lui, à cause d'une circulation.
De sorte qu'elle ne bougeait plus ; elle levait seulement les yeux, non pas la tête ; et un sourire était sur sa figure penchée comme une seconde lumière, cependant qu'elle regardait par les petits carreaux la neige qui devenait rose, comme si les œillets de son jardin fleurissaient tous en même temps.

[C.F. RAMUZ, "Si le soleil ne revenait pas", Mermod (Lausanne), 1937 — rééditions : éd. "L'âge d'Homme"(Lausanne) — Intégrale des Romans, coll. "La Pléiade", éd. Gallimard (Paris), 2005, tome 2— chapitre IV]
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Et cette vie enfin, on la voit toute entière, voilà pourquoi on l'aime. Elle n'est pas éparpillée, mais resserrée en un seul point. Car tout ce qu'il leur faut, ils le tirent d'ici, ils se suffisent à eux-mêmes. On peut voir où leur blé mûrit, comment ils le coupent, et le lient en gerbes, et où ils vont le moudre, et le four où cuira le pain. Et le lait des vaches qu'on voit paître, qu'on voit traire, c'est dans cette chaudière qu'il deviendra fromage. Pour la viande, ils ont leur bétail, leurs cochons, leurs chèvres ou bien leurs mulets. Pour boire, le vin de leurs vignes. Pour leur habits, la laine des moutons ; pour leur toile encore, des carrés de chanvre. Et leur bon Dieu aussi est un peu à eux, car c'est Celui de la montagne, qui voit de plus près, de son ciel, ces hommes au-dessous de lui [...]

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre IX — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, page 41]
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Ils sont ce que la montagne les a faits, parce qu'il est difficile d'y vivre, avec ces pentes où l'on s'accroche, avec un tout petit été au milieu de la longue année et comme un désert autour du village. On va sur les chemins longtemps sans rencontrer personne.

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre IX — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, page 39]
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Charles-Ferdinand Ramuz
Comme l'eau qui s'est détendue me l'enseigne par sa belle ligne droite d'une rive à l'autre qu'aucun relief ne vient briser, je veux que ma pensée retombe des aspérités, qu'elle demeure allongée dans l'ignorance du vent.
Après l'orage et l'effort qui l'ont portée vers le ciel, toute dépliée en divers endroits comme des vagues aiguës, il est bon qu'elle connaisse les eaux dormantes et lisses pour qu'elle les limite dans son intérieur, quand le ciel est vide de souffles et que la montagne demeure en méditation.
Ma pensée aura successivement la beauté de la force qui s'épuise et de la faiblesse qui s'avoue, l'une subite et brève, l'autre durable, et toutes deux fécondes, car maintenant elle est de celles qui renoncent souvent vers le soir.
Elle considère alors l'image du lac qui garde son espace dans l'immobilité où les vents le réduisent et qu'il est menaçant quand même parce qu'il va bondir à la plus petite invitation des cieux. -Petits poèmes en prose
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D'ailleurs, elle était là, et c'est la grande chose. Elle, elle est là et elle est avec nous ; le reste compte peu. Il regarde encore si elle est vraiment bien là, puis peut-être qu'il n'y a plus qu'à se tenir tranquille, parce qu'il ne faut pas trop demander. Il s'est tenu parfaitement tranquille quelques jours ; il pleuvait. De nouveau, on voit pendre au-dessus du lac les averses comme des draps de lit tendus à leurs cordeaux. Le ciel s'était éteint. Elle s'était éteinte, elle aussi. Elle ne brillait plus. Elle était devenue toute grise. Un jour elle brille, puis elle ne brille plus. Elle s'est réfugiée dans sa petite robe noire, où elle reste sans mouvement, mettant son menton dans sa main, puis son coude sur son genou, devant la pluie. Le ciel s'est tellement caché avec toute sa belle couleur qu'on se demande s'il se retrouvera jamais plus, parce qu'il va falloir qu'il se réinvente lui-même. Et elle, peut-être bien aussi que c'est fini, parce qu'elle s'était inventée aussi (ou bien peut-être qu'on l'inventait).
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