Si le nom de Cheryl Strayed vous dit quelque chose, c’est certainement parce que vous avez lu Wild, le récit autobiographique dans lequel elle raconte sa randonnée de trois mois en solitaire dans les montagnes du Nord-Ouest Pacifique. Ou peut-être avez-vous vu le film qui en a été tiré ? Pour ma part, j’ai lu Wild en début d’année et j’ai adoré. J’avais donc très envie de me plonger dans Tiny Beautiful Things (qui vient d’être traduit en français sous le titre Ces petits riens qui font tout). J’étais curieuse de découvrir comment l’autrice était devenue Sugar, la personne répondant au courrier des lecteurs de The Rumpus, célèbre magazine en ligne américain, et surtout ce qu’elle avait à dire aux personnes qui, comme elle, avaient beaucoup souffert.
Or, il se trouve que ce livre, sorti en 2012, a été adapté sous forme d’une série télé dont les huit épisodes sont disponibles sur Disney+ depuis le mois d’avril. Je l’ai donc regardée en parallèle de ma lecture et j’ai décidé de chroniquer les deux œuvres ensemble.
Si j’ai eu un véritable coup de cœur pour le livre, j’ai eu beaucoup plus de mal avec la série. Dans le livre, les réponses de Sugar aux différents problèmes qu’on lui confie sont sensibles et intelligentes. Bien souvent, les confidences dont elle parsème ses textes m’ont prise aux tripes. A l’inverse, j’ai trouvé la série beaucoup plus racoleuse ; les scènes montrant la dérive de l’héroïne suite à la mort de sa mère frôlent le voyeurisme et m’ont mise mal à l’aise.
C’était pourtant une bonne idée de s’inspirer de la vie de Cheryl Strayed pour créer le personnage de Clare, 49 ans, une femme qui rêve de devenir écrivain depuis toujours mais qui traverse une crise majeure dans son couple et dans son boulot. Elle a aussi beaucoup de mal à communiquer avec sa fille adolescente, et ce conflit la renvoie à sa propre jeunesse, le cancer foudroyant de sa mère et la façon dont elle a réussi à surmonter ce deuil (ou pas). Celleux qui ont lu Wild reconnaîtront dans la série bien des anecdotes présentes dans le livre, auxquelles viennent s’ajouter celles que Cheryl Strayed partage dans Ces petits riens qui font tout.
Comme je me débats avec mes propres fantômes en ce moment, ces allers-retours entre le passé et le présent, entre la Clare de 22 ans et la Clare de 49 ans, avaient tout pour me plaire. Mais autant j’ai trouvé Kathryn Hahn formidable dans le rôle de l’adulte, autant la prestation de Sarah Pidgeon dans les flashbacks n’a pas réussi à me toucher. Il faut dire qu’elle n’avait pas des scènes évidentes à jouer, Clare se réfugiant dans une addiction au sexe pour noyer son chagrin (comme Cheryl Strayed le raconte dans Wild). Ca tient sans doute à la façon dont ces scènes sont filmées, mais j’ai trouvé que ça suscitait du malaise plutôt que de la compassion pour ce personnage en perdition.
La vraie bonne idée de la série, c’est de raconter comment Clare, comme Cheryl, accepte de tenir gratuitement la rubrique « Dear Sugar » et comment elle s’appuie sur son propre vécu pour rédiger des réponses qui font mouche. J’ai apprécié de retrouver, en voix off, certains courriers présents dans le livre, ainsi que les réponses. J’ai aimé aussi le rapport de Clare à l’écriture, et la manière dont elle trouve sa voix.
Mais si je n’avais qu’un conseil à vous donner, c’est de privilégier le livre à la série. Percutant et émouvant, c’est un concentré de sagesse et d’expériences de vie qui peut nous aider à avancer, mais qui nous permet surtout de nous sentir moins seul.e.s dans nos peurs, nos jugements ou nos questionnements. Les réponses de Sugar montrent à quel point l’humanité n’est rien d’autre qu’une expérience que nous partageons tou.te.s, et ça fait vraiment du bien.
Lien :
https://aujourdhui-je-maime...