Auteure du roman de la rentrée littéraire Belfond "Sous les branches de l'udala", Chinelo Okparanta nous raconte comment d'où lui vient son intérêt pour la littérature engagée.
En savoir plus sur le roman "Sous les branches de l'udala" : https://bit.ly/2Lbglm8
Dans la lignée d?Imbolo Mbue et de Chimamanda Ngozi Adichie, la découverte coup de c?ur d?une voix puissante et singulière. Nommé pour de nombreux prix littéraires, porté par une atmosphère foisonnante où se bousculent les sensations, un roman bouleversant de courage sur la quête de soi, le poids dévastateur de la religion et des traditions, et la force éperdue de l?amour.
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Je m’interrogeais sur la bible dans son ensemble. Peut-être toute cette histoire était celle d’une certaine culture, caractéristique d’un lieu et d’une époque précis, ce qui rendait les choses difficiles à comprendre aujourd’hui, et encore moins applicables. Par exemple, l’Exode. « Tu ne fera pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère ». Le deuteronome le dit aussi. Mais qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Quelle valeur cela avait-il pour les gens de l’époque ? Est- ce que bouillir un chevreau dans le lait de sa mère était une métaphore pour condamner le manque de sensibilité, le fait d’avoir un cœur de pierre? Ou était-ce une référence à un ancien rituel que plus personne n’accomplissait aujourd’hui ? N’empêche, c’était là, dans la bible, susceptible d’être Interprété de toutes les manières qui plaisaient aux gens.
« Alentour, un assortiment de couleurs: rouge vif, bleu, vert.Orange et violet... »
« Tous les tons intermédiaires.Les devantures—-et tout ce qu’elles contenaient —étincelaient.
Des couleurs et encore des couleurs, qui dansaient en harmonie dans la lumière du soleil éclatant de l’après-midi .Mais les routes étaient encore humides de la pluie matinale, partout de la gadoue. »
« A la saison de l’harmattan, les vents du Sahara soufflaient, soulevant des trombes de poussière ,et ces nuées obscurcissaient l’atmosphère, les arbres et les buissons devenaient alors aussi irréels qu’un mirage et le soleil une tache indéfinie dans le ciel. »
C'est là que j'ai compris : Chidinma et moi, toutes les deux, nous étouffons sous le poids de quelque chose qui nous écrasait , quelque chose de lourd, de pesant, la pression des traditions, des superstitions, de toutes les légendes.
Papa m’a saisie par les bras en me regardant droit dans les yeux. D’une voix très douce, il a déclaré : « Je veux te dire quelque chose. Rien que tu ne saches déjà, mais je veux te le répéter pour être sûr que tu t’en souviennes. Que tu n’oublies pas.
— Quoi ? ai-je demandé en m’interrogeant sur ce que je savais déjà mais risquais d’oublier.
— Je veux que tu saches que ton papa t’aime énormément. Je veux que tu le saches toujours et que tu ne l’oublies jamais. »
D’apres la legende, les enfants devenus esprits, las de flotter sans but entre le monde des vivants et celui des morts, aiment à se rassembler au-dessus des udalas, ces arbres qui portent les pommes étoiles blanches. En échange de cet asile, ils accordent une fertilité exceptionnelle à toute femme ou fille qui passe un moment sous l’un de ces udalas. Ils lui donnent des fils et des filles autant que son cœur en désire.
D'accord, la femme avait été créée pour l'homme. Mais en quoi cela excluait-il le fait qu'elle ait pu être aussi créée pour une autre femme ? De même que l'homme pour un autre homme ? Les possibilités étaient infinies, et chacune d'entre elles parfaitement viables.
Excipit :
« Et puis elle s'est mise à marmonner pour elle-même.
"Le Seigneur qui t'a créée devait bien savoir ce qu'Il faisait. Allez, ça suffit."
Qui sait depuis combien de temps elle délibérait ainsi.
Elle s'est éclairci la gorge et elle a terminé : "Ka udo di, ka ndu di."
Ainsi soit la paix. Ainsi soit la vie. »
À un moment, nos lèvres se sont rencontrées. C'était le début, la première fois que nos corps s'enflammaient au contact du corps de l'autre.
Le bruit des avions au-dessus de nous était de plus en plus fort, ont suivi des cris, des bruits de pas, d’objets, de corps qui s’écrasent.
Avant la mort de papa, nous appartenions à la classe moyenne supérieure, mais la vérité, c'est qu'après sa disparition, à cause de la guerre, nous avons basculé dans la pauvreté. Maman a fait la même chose que les femmes des classes populaires qui envoyaient leurs enfants travailler chez des familles plus riches.