Je n’ai pas eu l’occasion de lire le précédent livre de Chris Vuklisevic mais j’en ai eu d’excellents retours, du coup j’ai été ravie de pouvoir découvrir l’autrice grâce à Du thé pour les fantômes, même si j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans cette lecture.
Les deux personnages d’Agonie et Félicité sont d’abord très lointain. On nous raconte leur histoire par le biais d’un narrateur qui nous rapporte les propos qu’il a recueillis lui-même des deux femmes et c’est pour nous décrire ce qu’il s’est passé trente ans plus tôt. Mais comme on doit d’abord faire la connaissance des protagonistes, on nous rajoute des flashbacks encore plus anciens sur leur jeunesse et leur adolescence et tout est très confus. On voit bien qu’il faut poser toutes ces bases pour en arriver à l’intrigue à proprement parler mais j’ai eu du mal à comprendre ce qu’on voulait nous raconter, quel était le but de tout ce que je voyais comme des digressions pour revenir à l’enquête à proprement parler que les deux sœurs veulent mener sur leur mère.
Parce que dans le fond, on en est là. La mère d’Agonie et Félicité est morte en laissant une phrase inachevée et les jumelles ont besoin de retrouver son fantôme pour réussir à la faire passer, mais pas avant qu’elle n’ait répondu aux questions qu’elles se posent.
On se plonge donc dans les souvenirs de cette famille dysfonctionnelle, de ces femmes dont la vie est trop longue et qui ne savent pas gérer leurs pouvoirs. Il y a bien quelques dialogues trop longs, les personnages ayant tendance à monologuer sur leur passé, mais quand on en arrive à comprendre la vie de Carmine, celle de sa mère avant elle et de ses filles après elle et comment les blessures de l’une finissent par ressurgir sur les autres, on touche à un certain niveau de poésie assez magnifique.
J’ai aimé ce voyage dans le passé, j’ai aimé cette plongée dans la mémoire d’une famille qui permet de faire ressortir les traumatismes et à quel point ils peuvent influer sur toute une vie ou même plusieurs.
J’ai aimé cette réflexion sur le nom, le prénom, l’outrenom, comment on peut choisir ce que les mots veulent dire, sur leur pouvoir et comment on peut réussir à sortir d’un cercle sans fin de violence.
J’ai aimé ce dialogue muet entre les deux sœurs qui arrive en milieu de roman et qui réussit à nous expliquer ce qu’elles peuvent se reprocher depuis toujours et à quel point cette rupture a construit leur vie.
J’ai aimé Vera, cette fille oubliée qui, elle, a réussi à aller au delà de sa mère abusive pour mener sa propre vie, j’ai aimé Agonie qui devient Egonia, j’ai aimé Zacario, ce dernier homme dans la vie d’Adelaïde, et j’ai aimé le narrateur, ce petit bonhomme archiviste qui a simplement observé les évènements de loin avant de réussir à faire le lien entre tous les témoignages recueillis.
Ce livre est profondément touchant, c’est un hommage aux personnes qui arrivent à se battre et sortir de leur destin, c’est aussi un joli rappel de tous ces villages disparus, de cet arrière pays niçois un peu oublié, un peu perdu, un peu déserté et seulement habité par les fantômes de leurs habitants partis depuis longtemps.
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