Christelle Lebailly

– Et que disent les merveilles, perchées dans le ciel, à celui qui les trouve belles, et voudrait les faire siennes ?… récita Perrie.

– … Nous sommes les étoiles, la pureté sous forme de pétales, nous sommes magistrales, trop pour finir dans une malle…

– … Alors voyageur passe ton chemin, car tu auras beau les supplier à deux mains, la seule chose qui les emporte est le matin !

Elle avait toujours combattu sa « gueule d’ange » comme disait sa mère, avec ses joues pleines, ses lèvres charnues et ses yeux en amande. Pas le genre d’ange à défiler en maillot de bain sur les podiums, non, plutôt le genre au visage bouffi qu’on imprime sur des cartes de vœux. Elle avait accroché un anneau à son arcade, s’épilait – peut-être un peu trop – les sourcils pour paraître plus sévère, plus femme, mais c’était peine perdue, elle ressemblait toujours à une enfant.

« Mme Huxley enroula ses doigts dans un foulard. La peur avec glacé ses membres autant qu’elle lui avait vidé la tête. Son cœur cognait dans ses oreilles, le bruit sourd accélérait à mesure des assauts du vent.
- Gregor, appela-t-elle d’une voix inaudible.
Un hurlement lui répondit, et la vieille femme compris qu’il ne pouvait venir de son animal. Des flashs de lumière crépitèrent autour du bosquet. Les longues herbes fouettaient l’air, excitées par le craquement des arbres et la folie alentour.
Puis le silence. Absolu.
Un souffle glacé passa sur les épaules de Mme Huxley, et un murmure déchira ses tympans. « Tue ». La voix rauque, mais aussi tranchante qu’un rasoir se répercuta entre les troncs et glissa sur le lac. 
- Par tous les... »

Les grandes familles sont à éviter, elles s’accrochent aux traditions, tiennent à leurs valeurs, n’admettent aucun écart… Les nouveaux arrivants comme nous sont des menaces, car ils viennent avec un morceau du monde extérieur. Et ça, c’est dangereux pour eux. Le maire, Andreas Shelley, est le premier à essayer de faire évoluer les choses, mais ce n’est pas facile.

Elle qui était prête à lui offrir son cœur, ne se serait jamais imaginé qu'il l'aurait avalé pour de vrai.

L’aura de cet homme était tellement glacée qu’elle attendit qu’il jette son dévolu sur un autre élève avant de respirer à nouveau.

Une bande de filles caquetaient, réunies autour d’une grande brune aux yeux de biche et aux lèvres pulpeuses. « Et là, il m’a dit que j’étais la plus belle fille du monde… » Ses copines pouffèrent et demandèrent plus de détails. « Franchement, un mec plus vieux, c’est le top... »

Ici-bas il y'a deux types de personnes, celles qui ne font que ce qu'elles savent et celles qui savent très bien ce qu'elles font.

Elle savait qu’il y avait deux stratégies pour obtenir des réponses : y aller avec douceur, ou avec force.

Pour être au même niveau que les autres, il fallait travailler plus longtemps, courir plus vite, cumuler les options. Au détour d’un couloir, on surprenait des sachets échangés entre les lycéens, des fumées à l’odeur familière chatouillaient le nez de Jessica alors qu’elle traversait la cour. Elle en avait ri. Au fond, Ashland ressemblait à tous les établissements.
Pour respecter son plan, il fallait escalader une cuvette, et ne pas être trop gros. Jessica estimait qu’elle avait de bonnes chances de réussite. Elle promit à Sacha de se rendre en sport et elles se séparèrent.

Depuis, elle avait consulté bon nombre d’articles écrits par des psychologues et lu qu’en s’infligeant cela, elle cherchait à appeler à l’aide. Tout de suite, cela avait décrédibilisé sa démarche et elle découpait sa peau de plus en plus rarement.

Les cours de M. Harris n’étaient pas désagréables, il s’avérait même un professeur passionnant, organisé, qui connaissait sur le bout des doigts son sujet, mais l’homme lui collait des sueurs froides. Suivre sa classe, c’était courber le dos pour éviter qu’il vous interroge, sentir ses poils se hérisser lorsqu’il passait près de vous et éviter à tout prix son regard glacé. Jessica ne comprenait pas comment un tel personnage arrivait à séduire les femmes, plusieurs employées de l’établissement roucoulaient sur son passage, et il partit au bras d’une professeure de musique dix ans plus jeune que lui.

Les pages sont fragiles, tu comprends, tu risquerais de les abîmer. C’est comme les vieilles personnes, il ne faut pas les brusquer.

C’est notre mémoire. Et quoi de plus important que les souvenirs, surtout lorsque les temps sont troubles ? La fin de l’année est toujours une période difficile, les gens ont besoin qu’on leur rappelle les vraies valeurs, avait-elle daigné expliquer.