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Critiques de Christian Kracht (46)
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Les morts

J’ai choisi ce roman via une opération « masse critique » spéciale de Babelio car l’époque me plaisait et l’idée de constituer un axe Japon-Europe dans le milieu cinématographique pour concurrencer la machine Hollywood toute puissante titillait ma curiosité.



Déjà, la scène inaugurale, filmée spécialement pour le projet, est d’une violence extrême ; c’était donc mal parti, mais je ne me laisse pas décourager facilement alors j’ai décidé de continuer…



Pour situer l’action, nous sommes en pleine république de Weimar, le monde politique allemand commence à voir émerger des personnalités qui feront carrière dans le 3e Reich, et au Japon, règne l’empereur



Le roman met en scène un réalisateur suisse Emil Nägeli dont la vie est bien tristounette mais le projet le stimule un peu, alors il se rend en Allemagne rencontrer des professionnels et le séjour à Berlin est très perturbant pour lui. Son père est mort il y a un an et leurs relations n’ont jamais été au beau fixe : son père l’a appelé toutes sa vie Philip, avec toute une série de diminutifs loin d’être élogieux. Bref un père tyrannique, cruel, méprisant.



A l’autre bout de la planète, nous avons Amakasu, qui vient de regarder la fameuse scène inaugurale, qui le révulse au plus haut point… Ce personnage est très intéressant, par son comportement ses failles ; il a grandi sans affection, alors que ses parents étaient des esprits libéraux, envoyé très jeune dans un internat où les châtiments corporels régnaient en maître : « un de ces lieux de tabassages les plus impitoyables de l’Empire ».



J’ai abandonné ce roman une première fois au bout de trente pages car je le trouvais vraiment toxique, cruel, noir… je lui ai quand même donné une seconde chance, en alternant avec d’autres lectures, car Amakasu par son enfance particulière, son côté surdoué, et la manière dont il devenait de plus en plus perturbé psychologiquement (un vrai cinglé serait plus adapté, mais restons courtois !)



On croise des personnages plutôt cocasses, tel Kikuchi, professeur d’Allemand, espion dormant qui ne sait plus s’il doit toujours espionner ou non et qui fut le professeur d’Amakasu. On rencontre Charles Chaplin, en tournée au Japon, qui participe à une réception où circule notre ami Amakasu.



Détail, cocasse lui-aussi, tous deux sont invités à dîner chez le Premier ministre, Tsuyoshi Inukaï, mais Chaplin ne reçoit pas le message et se rend à un spectacle de Nô, ce qui lui permet d’échapper à un attentat:



« Ce soir-là, Chaplin assiste à une représentation de nô en compagnie d’Inukaï junior et d’Amakasu, pendant que de jeunes cadets de la marine pénètrent furtivement en chaussettes dans la résidence, afin de tuer le Premier ministre et le comédien prétendument présent au motif que ces derniers remettent en question la supériorité du caractère national japonais, le Kokutaï. »



Et là, j’ai laissé tomber définitivement, car après cet épisode intéressant, on revenait sur Nägeli et à l’histoire elle-même, qui décidément ne m’intéressait pas.



Je n’aime pas critiquer un livre que je n’aime pas sans lui avoir laissé une chance, mais, malgré une belle écriture, des personnages .intéressants, ce livre n’est pas pour moi. Je suis peut-être passée à côté, vus les prix et les critiques en Allemagne… Je remercie néanmoins vivement babelio et les éditions Phebus qui m'ont permis de découvrir cet auteur




Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Les morts

Bizarrement titré "Les Morts" le livre du Suisse alémanique Christian Kracht, dont trois ouvrages ont déjà été publiés en France, avait tout pour m'attirer.



On y parle d'histoire, de géopolitique et de cinéma.



Dans les années trente, Masahiko Amakasu, un haut fonctionnaire japonais à la psyché durablement traumatisé par un père sadique et un long séjour en pensionnat contacte l'UFA, le plus grand studio allemand de l'époque pour tourner un film au Japon qui ferait pièce aux superproductions hollywoodiennes. Las ! les plus grands réalisateurs allemands ont déjà fui l'Allemagne hitlérienne. Et c'est à Emil Nägeli, un réalisateur suisse quasi inconnu, qu'échoit cette tâche. Il retrouvera au Japon sa fiancée Ida von Üxküll et y croisera Charles Chaplin.



Un tel résumé met l'eau à la bouche.



Mais hélas, le livre de Christian Kracht qui ne compte pas deux-cents pages est trop court pour prendre son envol. Il est découpé en quarante-six courts chapitres qui en rendent la lecture hachée et malaisée. Sans savoir s'il faut en blâmer la traduction, son style alterne maladroitement de longues tirades alambiquées et les expressions les plus familières. Et si on se prend d'amitié pour les différents protagonistes ballottés par l'histoire, le temps manque pour s'attacher à eux.



Dommage...
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Imperium

L'auteur serait connu pour écrire des oeuvres singulières comme l'annonce la quatrième de couverture. Je le découvre avec ce livre et oui, je confirme qu'il est singulier.



Pour la forme d'abord. De longues, longues phrases entrecoupées de virgules (heureusement, sinon on en perdrait le sens), développant tout un tas de détails autour du sujet principal. Beaucoup se demanderaient à quoi servent-ils. Il est vrai que l'on pourrait supprimer les deux tiers. Et pourtant, on ne retrouverait pas cette mélodie que l'on perçoit à la lecture au point que l'on a envie de lire à haute voix. L'écriture est en effet très fine, riche et subtile, un peu comme les classique du dix-neuvième siècle.



Pour le fond ensuite. Il est en effet surprenant de découvrir l'histoire vraie de August Engelhardt (1875-1919). Engelhardt. Vraiment, vous ne connaissez pas ? Moi non plus, je ne savais rien de cet homme. Jeune allemand, il ne supportait plus ni ses congénères ni le monde évoluant trop vite et trop mal. Végétarien, il s'exila en Nouvelle-Guinée, fit l'acquisition d'une île destinée à la culture de la noix de coco, se fit aider des autochtones pour ce travail de récolte.



La noix de coco devint pour lui "le couronnement légendaire de la création", offrant à l'homme l'eau, le lait, le beurre, la chair mais aussi le matériau pour les maisons, les meubles, les accessoires, le bois de chauffage. Persuadé qu'en se nourrissant de ce fruit à l'exclusion de tout autre aliment, on deviendrait l'égal des dieux, Engelhardt n'hésita plus. Adepte du naturisme, se nourrissant uniquement de noix de coco, il pensa créer un monde exemplaire, en communion avec la nature, loin du vice, du pouvoir et de l'hypocrisie. Il ira au bout de ses convictions mais ne parviendra pas à faire adopter son mode de vie, malgré l'amitié d'un pianiste et quelques illuminés vite renvoyés chez eux par le gouvernement.



Beaucoup d'humour (justement grâce à ces longues phrases; voir ma citation) pour décrire la vie tragique de cet homme. Quelle vie ! Et quelle fin de vie surprenante.



Alors, j'ai aimé ? oui et non. Oui pour l'écriture plus que belle qui me donne vraiment envie de découvrir une autre oeuvre de Christian Kracht. Non, pour avoir accompagné cet homme, pour ne pas dire cet illuminé, sur son île avec ses noix de coco et ses noix de coco et ses noix de coco...
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Imperium

L’histoire d’un utopiste allemand du début du XX ième siècle , August Engelhardt qui part en Nouvelle Guinée allemande pour réaliser un rêve fou : vivre uniquement de noix de coco .

Rêve fou , le mot est dit , personnage au regard halluciné sur les photos trouvées sur Google , un aventurier jusqu’au boutiste car il a vécu nu sur son île , loin de tout confort .

Un roman qui m’a beaucoup plu , l’écriture est très belle , maîtrisée , un vrai bonheur de lecture . On y rencontre l’inventeur du Vegemite , ami des frères Kellogg’s .

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Faserland

Faserland , c’est le roman de la jeunesse dorée dans les années 90 en Allemagne , où la drogue , l’alcool coulent à flots , c’est l’image d’une jeunesse aux vestes Barbour bien coûteuses , aux codes vestimentaires bien codés mais une jeunesse désœuvrée, qui se cherche tristement

J’ai été étonnée des nombreuses évocations de la guerre 40 - 45 dans ce roman , comme si un demi - siècle après les jeunes étaient toujours marqué par ce conflit mondial

Il est vrai que dans les années 90 , il y a à peine quelques années que l’Allemagne est réunifiée , le passé est encore très présent .

L’histoire en elle même est sans espoir , on y parle sans cesse de comas éthyliques ou dus aux consommations de drogues diverses .

C’est l’histoire d’un désenchantement, d’une jeunesse qui n’a pas de but , un monde vide de sens .

Merci à NetGalley ainsi qu’aux Editions Phébus .
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Les morts

C'est le cinquième roman de l'écrivain suisse Christian Kracht, germanophone. Ce récit nous entraîne dans le climat crépusculaire des années 30, au moment où l'essor du fascisme en Europe et en Orient va compromettre la paix mondiale. Les deux principaux personnages sont Emil Nägeli, cinéaste suisse et un fonctionnaire japonais, Masahito Amakasu, qui veut créer un axe Tokyo-Berlin en matière de cinéma. Nägeli sera envoyé en mission au Japon pour développer cette collaboration.

Le récit se centre assez vite sur la tentative de coup d'Etat avorté, le 15 mai 1932, lancée par des militaires réactionnaires japonais et qui a eu pour conséquence l'assassinat du premier ministre Inukai Tsuyoshi. Un coup d'Etat avorté donc mais qui a montré les tendances ultra nationalistes de la population japonaise qui a marqué son soutien aux militaires.

Dans ces conditions, on imagine combien le séjour de l'acteur britannique mondialement connu Charlie Chaplin, en tournée à ce moment-là au Japon, va être mouvemeté...

Le récit est intéressant et nous fait découvrir les milieux cinématographiques et l'atmosphère politique des années 30. On découvre une industrie cinématographique allemande et japonaise qui veulent faire face à la toute-puissance de Hollywood.

Les personnages Nägeli et Amakasu ont des choses en commun comme cette enfance un peu difficile avec des parents distants et peu aimants.

Le sujet est intéressant mais j'ai regretté une trop grande fréquence d'anecdotes dans le récit, anecdotes parfois réussies comme celle concernant l'enfance malheureuse de Amakasu mais qui tendent à nous écarter du sujet principal. La construction du roman s'en trouve affaiblie.

Une structure intéressante en trois parties, évoquant celle du théâtre Nô.

Merci à Babelio de m'avoir fait découvrir cet auteur dans le cadre de l'opération Masse Critique.

Christian Kracht a remporté le Schweizer Buchpreis en 2016.

Il est l'auteur de "Imperium" et vit désormais à Los Angeles.
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Les morts

Que peut l'art face au mal? Vaste question, abondamment traitée et encore une fois mise ici sur le métier. La littérature et le cinéma ont amplement prouvé leur capacité à se ranger du côté des puissants; Christian Kracht va donc raconter les efforts sino-nazifiants pour contrer la propagande hollywoodienne et créer une industrie cinématographique au service des idées totalitaires, mais il va raconter cela avec le double recul de l'ironie et de la stylistique.

Comme Charlot ridiculisa le Führer, Chaplin sert ici de balise burlesque pour se moquer moins des seconds couteaux de la politique que des artistes prêts à vendre leur âme en prétextant d'un second degré bien utile. Mais c'est surtout au Candide de Voltaire que ce court texte m'a fait penser: déplacement sur l'axe du mal, personnages fantoches, amours contrariées avec une amoureuse délurée puis bien punie de l'avoir été, références plus ou moins cryptées à l'actualité de l'époque, ricanements et style souvent éblouissant. le problème, c'est que Kracht la joue j'ai mis à jour mes fiches Wikipedia et pas vous bande de rigolos et qu'il prend son lecteur de haut. Lecteur qui rame, le malheureux, et s'efforce de combler son retard. Ah, oui, zut, c'est qui, déjà, Lotte Eisner? Mince, un exposé sur l'art du nô et ses trois mouvements, damned, le livre aussi est divisé en trois parties, il doit y avoir un rapport, d'ailleurs c'est pile au milieu du bouquin, va falloir que je prenne des notes... euh, ben non, finalement. Je n'ai pas les références, je me sens comme une carpe extirpée de son biotope et tentant vaguement de garder ses esprits dans le demi-centilitre d'eau qui stagne au fond de la barque du pêcheur. du coup, je laisse Kracht faire son intéressant et retourne au fond de mon étang, parmi les algues et les coraux.
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Faserland

La littérature n'est pas aussi accessible que le cinéma pour le grand public car l'art de l'écriture, s'il semble plus facilement accessible - nul besoin d'argent ou de moyens techniques - est en fait aussi complexe, et même plus complexe que le cinéma. Combien de fois, d'ailleurs, oublie-t-on de mentionner qu'un film a un livre pour origine ? Un savoir-faire qui n'est pas enseigné car le talent cela ne s'enseigne pas, c'est naturel. Par conséquent, de nombreux lecteurs ne comprennent pas les sens sous-jacents, ils s'indignent qu'un protagoniste boive à chaque page et ne donne pas un sou aux valeurs du monde libéral. Je suis sincèrement déprimée par cette attitude. Mais il n'y a pas d'affaire plus ennuyeuse que d'expliquer des livres...



Christian Kracht, l'auteur de "Faserland", est un garçon talentueux et mélancolique. e protagoniste de Kracht à "Faserland" passe d'une soirée de bar à une rave-partie, puis à une villa sur le lac de Constance et achève enfin ses déplacements chaotiques en Suisse idyllique. Tout, autour, tourmente l'âme d'un jeune alcoolique : les employés de l'aéroport, sous les regards réprobateurs desquels il remplit ses poches de yaourt, une voisine décrépite dans l'avion, dont les taches de rousseur se sont transformées en taches séniles sans transition douce, les homosexuels sur une plage grecque abandonnée et, bien sûr, ses amis lui offrant une drogue et un gangbang avec la participation d'une mannequin noire.



Douloureusement sensible comme un personnage de Proust le protagoniste dans "Faseland" se souvient de ses peines d'adolescence, de sa déception et de la honte associées à son premier amour, car alors qu'il rendait visite aux parents de sa première petite amie, il a fait pipi dans sa culotte et puis il s'est enfui pour de bon.



Kracht est un enfant d'un monde suranné, il est né dans les années soixantes et son modèle de comportement dépassé n'est plus adapté au mode de vie contemporain, sa personnalité est une relique étrange, regardons-le ensemble. C'est comme s'il se trouvait dans le plexus solaire de la modernité, parmi des junkies, des clochards riches et des filles vaguement séduisantes, dont aucune n'ose approcher notre héros douloureusement timide...



Je suis très proche mentalement de ces personnes vulnérables, observatrices qui écrivent dans l'angoisse en écoutant rêveusement les cris des mouettes au loin et avec un pessimisme sombre se rendant compte de tout le besoin pressant d'asservissement corporel et social.
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Les morts

Voici bien un roman insolite qui sème des morts partout dans une atmosphère pesante, introspective et parfois onirique.



Alternant des chapitres dédiés à deux personnages, l'un suisse-allemand, l'autre japonais, le récit se déplie sur leurs parcours respectifs dès l'enfance, pour les réunir dans un projet cinématographique entre les deux pays dans les années 30. Il s'agit pour le gouvernement japonais de favoriser la culture nipponne et l'image du pays en contrant l'expansion des productions américaines.



Cette thématique avait été d'importance dans le choix de ce livre proposé en masse critique privilégiée. Je ressors quelque peu frustrée de ne pas y avoir trouvé mon compte sur le plan historique et social. La structure littéraire m'a rapidement agacée, par une écriture lourde et alambiquée, des phrases longues et mal construites, des chapitres presque indépendants qui n'apportent rien au sujet.



J'avoue ne pas avoir dépassé la première partie concernant les biographies des deux personnages fictifs. La suite semble présenter plus d'intérêt concernant l'époque de création cinématographique. Mais ma démotivation m'a contrainte à l'abandon, avec toujours ce regret prégnant de n'avoir pas rencontré un auteur.

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Imperium

Voilà l'histoire étonnante d'August Engelhardt (1875 - 1919), un Allemand hors du commun, marginal, végétarien et adepte du nudisme. Il décida de quitter son pays et une société qu'il ne supportait plus et s'exila en Nouvelle-Guinée dont une partie était alors un protectorat allemand. Il investit une petite île pour faire vivre ses idées, vivant nu et se nourrissant uniquement de noix de coco, persuadé que c'était là l'aliment idéal, contenant tous les nutriments nécessaires à l'homme, idée farfelue !

L'auteur nous dresse un portrait cruel de la société coloniale de l'époque, usant d'un style ironique, caustique et sarcastique, multipliant les épisodes les plus loufoques.

Ce livre se lit avec grand plaisir, grâce également, il faut le souligner, à la superbe traduction de Corinna Gepner.
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Fin de party

C'est l'histoire de deux cyniques arrogants à Téhéran en 1979, c'est-à-dire en pleine révolution islamique. Deux homosexuels imbibés de décadence cherchent à faire encore la fête alors que tout s'écroule autour d'eux. Sur un ton loufoque, l'auteur diserte sur la montée de l'islamisme. Un des deux rigolos quitte pour accomplir une espèce de pèlerinage étrange au Tibet, où il se fait capturer par les autorités chinoises. On le fait prisonnier dans un goulag chinois. Le travail forcé et le régime hypocalorique à l’extrême finissent par le rendre complètement heureux, content de son sort, lui qui voulait perdre du poids...



Épopée burlesque et horrifiante.



Beigbeder, dans son Premier bilan après l'apocalypse, a écrit que «Kracht décrit un rêve cauchemardesque qui ressemble au monde réel, une planète sans vainqueurs, une époque où il n'y a que des perdants superbes avec tout de même des principes : «Je n'ai jamais mangé de chair humaine.»»
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Imperium

Un grand merci à Babelio qui, par les judicieuses informations envoyées à ses membres m'a informé de cette parution chez Libretto. Sans cette aide du site dédié aux livres et à leurs lecteurs, je serais sans doute passé à côté de ce bijou littéraire où il est question d'utopie et d'une vie passée à accomplir son rêve tel un Lawrence d'Arabie. Cela fait du bien d'être rendu en un temps où les hommes avaient assez de cervelle pour ne pas se soumettre aussi aveuglément et impunément à l'ubérisation des esprits et à la dictature des gafa. Un temps aussi où on pouvait envisager de découvrir et de vivre dans des régions du monde où l'universalisme de la mondialisation malheureuse n'avait pas encore aplani toutes les différences.
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Imperium

Découvert via un article de Mediapart sur la polémique que le livre a suscitée en Allemagne - où Kracht est taxé de complaisance vis-à-vis du colonialisme, voire de racisme -, cet 'Imperium' est une excellente découverte.



Cynique, souvent ironique, et terriblement bien écrit, ce récit de la vie d'un idéaliste allemand exilé en Nouvelle-Poméranie, alors allemande, pour fonder une communauté cocovore (dont les membres se nourrissent exclusivement de noix de coco) se révèle une lecture savoureuse, aussi drôle qu'édifiante. J'ai souvent pensé à Thomas Pynchon durant cette lecture, à ce mélange caractéristique d'érudition, d'humour et de digressions.



Voilà un texte très maîtrisé (glissements temporels, style impeccable, références culturelles) où l'on ne s'ennuie pas une seconde, et qui paraît au final un peu court, tant il y a à dire sur cet August Englehardt et la pléthore de personnages ridicules et/ou fascinants qu'il croise. A lire absolument.



Pour ce qui est de la polémique, elle ne semble avoir agité que l'Allemagne, et pas les pays qui ont accueilli une traduction ; d'ailleurs tout le monde en prend pour son grade, que ce soient les colons, les indigènes ou le personnage principal. De mon point de vue, aucune trace d'un quelconque message idéologique malsain ici, simplement un excellent texte. Je vais de ce pas poursuivre la découverte de cet auteur avec deux autres de ses livres : 'Fin de party' et 'Je serai alors au soleil et à l'ombre'.
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Imperium

« T'as le look, coco ! »

Comment associer le nudisme et le végétarisme pour un « avenir sans souci », loin du monde civilisé du début du vingtième siècle ? Se rendre dans une colonie de Nouvelle Guinée pour y fonder « l'ordre du soleil » dédié à la culture de la noix de coco !

Telle est l'histoire d'August Engelhardt, aventurier allemand à la recherche du « pouvoir suprême » - Imperium – dont le Suisse Christian Kracht nous narre la biographie (très romancée) dans un style mettant en évidence l'étendue de l'espace et la longueur du temps.

En effet, un « look » inédit, style et regard confondus, pour mettre en exergue la  Cocos nucifera , « couronnement légendaire de la création, fruit de l'arbre cosmique Yggdrasil ! ». Impossible donc, d'adopter une écriture simple, un style passe-partout, pour raconter les bienfaits d'une plante salvatrice portée aux nues.

Je devrais dire « nus », car c'est l'association d'une végétation luxuriante (luxe et riante) vénérée dans le plus simple appareil qui permet d'atteindre la plénitude d'un ascétisme exacerbé. le style employé par l'auteur est par là-même inversement proportionnel à la façon de vivre du héros de l'histoire, qui végète après s'être planté.

Des phrases interminables, utilisant toute la panoplie des signes graphiques à disposition - virgules, tirets, parenthèses – pour exprimer l'emphase d'un monde idéalisé à construire. En somme, se mettre à nu en empilant des couches successives, de façon à passer inaperçu dans un monde qui ne comprend pas les extravagances des illuminés solitaires.

En voici un exemple.

« Et comme celui-ci lui répondait par la négative, il sortit de son sac quelques pamphlets qu'il posa timidement à côté de lui, sur le banc – les écrits de ce swami indien dont les idées originales et le talent rhétorique venaient de faire sensation dans le Nouveau Monde - , ainsi que, miméographié et attaché avec un ruban (la reliure franconienne s'était décollée dès l'arrivée en mer Rouge, à Aden, sous l'effet de la chaleur), le traité qu'il avait lui-même rédigé et qui parlait de la puissance curative du cocovorisme, malheureusement en allemand, de sorte qu'Engelhardt pouvait certes faire état de l'objet, mais non familiariser son nouvel ami avec ses réflexions, formulées par écrit avec un savoir-faire nettement supérieur ».

Il va sans dire que si le livre avait dépassé les 180 pages j'aurais sans doute capitulé avant la fin de l'histoire. J'ai en effet passé la moitié du temps de lecture à revenir sur chaque phrase, au demeurant très bien écrites et sans fausse note, pour m'imprégner de l'ambiance décrite. Une mention particulière à la traductrice Corinna Gepner, qui a dû jongler avec ce style si particulier.

Aussi, je ne saurai dire si j'ai passé un bon moment avec ce roman d'aventures singulier, pétri de grandiloquence et de démesure, qui décrit l'impérialisme décadent d'un occident qui sombra quelques années plus tard dans un fascisme dévastateur. Ce livre fourmille de références et de rencontres, toutes aussi indispensables qu'anecdotiques. Je n'ai pas envie de vous révéler le déroulement de cette histoire véridique, faite de petits riens étirés à l'extrême, sorte d'exil onirique. Il y a du Conrad et du Rabelais dans le procédé narratif, agrémenté de sauce proustienne. Un cocktail à la noix.

« T'as le look, coco ! »



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Les morts

«...la vérité, à savoir qu'il est un réalisateur sur le retour, qui a fait « un » bon film il y a longtemps et ensuite, après sa faillite artistique et la mort de son père, poussé par un soupçon de convoitises et de surestimation de soi, s'est fait expédier au Japon par ce monstre allemand de Hugenberg pour y réaliser un projet qui lui a été soufflé par deux critiques de cinéma lors d'une nuit de beuverie à Berlin […] (il ne soupçonne nullement qu'en réalité, c'est Amakasu lui-même qui l'a invité.) »



Voilà, tout est écrit : le parfait résumé de ce livre écrit de la plume de l'auteur.



Ici, ce sont les morts qui seront les plus nombreux et il ne restera qu'un vivant : le personnage principal qui aura su se soustraire à la manipulation.



La manipulation est toujours cruelle et c'est une lecture « assaisonnée » de cruauté à chacun des chapitres. La manipulation est si souterraine, si perverse, mais aussi si prégnante que ceux qui y sont soumis se dévorent d'angoisse, s'auto-cannibalisent discrètement, en se rongeant les ongles, dépeçant le bout de leurs doigts jusqu'à les rendre sanguinolents.



Comme au cinéma, le personnage principal ne fait pas son entrée dés les premières images, les premières pages.

Celles-ci seront consacrées à la mise en situation : quelqu'un filme à travers un œilleton un « seppuku » que s'inflige un jeune homme pour se punir d'un « manquement » à quelque règle sociale, petit bout de bobine qui sera expédié à une importante société de production de cinéma. Pour quoi faire du reste ?

Manipulé par la société dans laquelle vit ce jeune homme, manipulateur celui qui filme. Frisson du lecteur quand la dague érafle la sangle abdominale et dégoût devant cet acte abject de celui qui assiste et va utiliser cette séquence filmée.

Une page recto-verso pour introduire le roman. Parfaitement construite et dans un style à la fois serein et poétique jusqu'à la phrase aussi glaçante qu'un coup de fouet qui déchire la chair.



Christian Kracht situe l'action entre Japon, Berlin et Suisse à ce moment très spécial où le cinéma va basculer du muet au parlant, à ce moment du début du 20ème siècle où on raisonne en « axes » de pouvoir : les accords bipartites pour conquérir le monde. Il y avait eu l'axe austro-hongrois, il y aura celui entre l'Allemagne et l'Italie et pour concurrencer l'hégémonie cinématographique de l'Amérique, un astucieux imagine une rapprochement sino-germanique.

Et c'est là que Nâgeli se fait piéger. Déboussolé, naïf qui s'ignore, conscient de sa qualité de cinéaste exceptionnel, il sera au centre de jeux pervers de manipulation ; mais ce sera le seul qui en en fuyant ce monde artificiel retrouvera son humanité.



Lecture qui nous perd entre Berlin et Tokyo et la Suisse, entre les références cinématographiques, où l'on voit passer des Fritz Lang en errance, des mouvements migratoires à venir, un Charlie Chaplin égaré dans une réception en son honneur qu'il fuira, et pire encore, quand le maquillage de « Charlot » s'efface, se liquéfie, se dissout pour laisser apparaître un être aussi abject que les autres. Le "rêve" hollywoodien !



Lecture qui assaille, met à mal tant le propos est insidieusement féroce. On pourrait se laisser bercer par l'illusion que ce monde décrit est vieux de près d'un siècle...

Mais lecture fascinante par la beauté du style, le développement du propos.



Lecture perturbante d'autant plus qu'il est évident que Christian Kracht est un écrivain hors-pair au sens littéral du terme.

Merci à Babelio de m'avoir permis de le découvrir.

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Les morts

Avec un titre pas vraiment vendeur, "Les morts", si on le résume, n'a rien d'un roman morbide ou nécrophile ou sanglant. Il se déroule au début des années 30, dans deux pays visant un certain expansionnisme pas des plus démocratique : l'Allemagne et le Japon. L'esprit guerrier de l'époque ne se focalisait pas uniquement sur des territoires ou des ethnies, mais sur la domination culturelle. Ainsi, pour lutter contre l'impérialisme cinématographique américain, les dirigeants des deux pays décident d'unir leurs forces, et leurs deniers, pour tourner une superproduction pouvant à la fois damer le pion à ce que l'on n'appelait pas encore des blockbusters mais également servir de propagande pour leurs visées à tendances fascisantes. Les fonds et la réalisation seront allemands et l'oeuvre tournée au Japon. Comme la plupart des grands cinéastes allemands ( Murnau, Fritz Lang, ...), finauds, ont déjà pris le chemin de l'exil, le choix se porte sur un certain Emil Nägeli, cinéaste suisse allemand, auteur d'un seul film remarqué et à la personnalité un peu fade. Cela tombe bien pour lui, sa fiancée, un brin délurée, vit justement au Japon...

Contée ainsi, cette trame laisse augurer un roman engagé sur des bases apparemment classiques et s'inscrit sans problème dans ce courant actuel d'ouvrages romanesques situés dans ces années 30 qui rappellent tellement notre époque actuelle. A la lecture, l'ensemble s'avère nettement plus déroutant.

Divisé en trois parties, le roman débute par une scène d'hara kiri filmée secrètement ...dont on n'entendra plus parler. Puis, l'auteur s'attarde sur l'enfance assez rude des deux personnages principaux pour finalement dérouler son histoire de film dans une deuxième partie qui mêlera personnages fictifs avec d'autres plus réels ( comme Charlie Chaplin en tournée au Japon). Jamais réellement linéaire, le récit prend le temps de baguenauder, avec de courts chapitres qui pourraient parfois être des nouvelles, vaguement humoristiques mais aussi tragiques. Certaines phrases, une peu emberlificotées ( et je ne pense pas que ce soit un problème de traduction) rendent l'ensemble un peu obscur, voire maniéré. On oscille entre légère parodie, ironie, drame, trame politico/historique et réflexion sur l'art sans jamais percevoir le réel enjeu de l'ensemble.

Certes, on compte quelques morts dans ce roman, mais l'essentiel n'est pas là mais plutôt dans la création d'une fausse anecdote historique, pas inintéressante mais un brin déconcertante.
Lien : https://sansconnivence.blogs..
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Faserland

Il ne se passe rien dans ce roman, le narrateur est détestable et on a qu'une hâte, avoir fini les 120 pages... (plus d'infos ici : https://pamolico.wordpress.com/2019/09/03/dun-ennui-incommensurable-faserland-christian-kracht/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Faserland

A la lecture de la quatrième de couverture, je me faisais une joie de découvrir un auteur de langue allemande mettant en scène de jeunes déglingos désœuvrés et défoncés à longueur de journée comme je les aime, car cela me permettait de quitter les sentiers parfois trop familiers de la littérature anglo-américaine à ce sujet.



Je dois avouer que j'ai été plutôt déçue : Faserland est un roman sans couleur, d'une fadeur comme j'en ai rarement rencontrée. Les dialogues, les situations et les personnages m'ont semblé tout du long peu naturels, particulièrement poussifs, à tel point que je suis restée complètement extérieure au récit malgré une narration à la première personne qui aurait dû avoir l'effet inverse. Je n'ai de plus trouvé aucun intérêt narratif ou stylistique qui aurait pu me rendre davantage réactive à ce que je lisais. Le nombre peu important de pages à lire m'a paradoxalement donné l'impression d'une longueur terrible, d'un récit sans fin que j'ai eu du mal à terminer.



Alors oui, je conçois que cette fadeur et ce manque de naturel aient un lien avec la génération dorée désabusée des années 1990 que le roman tente de décrire par l'intermédiaire d'un de ses protagonistes, en errance de ville allemande en ville allemande pendant quelques jours. Mais cela n'a pas pris avec moi qui ne m'attendais pas à si peu de corps et d'âme dans cette errance... Un rendez-vous littéraire raté en somme, comme il en arrive parfois.



Je remercie Netgalley et les éditions Phébus de m'avoir permis de lire ce roman.
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Imperium

Un végétarien (voire vegetalien) nudiste et allemand, Engelhardt, tente de fonder une communauté de cocovores en Nouvelle Poméranie, colonie allemande au début du 20e siècle. Engelhardt vit selon ses convictions au bord de l'eau et au milieu des noix de coco dont il se nourrit exclusivement, mais il se sent un peu seul. Bientôt, son mode de vie attire quelques curieux et quelques problèmes.

Roman étonnant par l'histoire, par le style et par la tournure des phrases, Impérium convoque des personnages loufoques, ridicules ou méchants. il évoque l'absurdité de la vie et de la colonisation, ainsi que la beauté d'avoir la volonté de changer de vie et de poursuivre ses rêves mêmes s'ils sont, comment dire?.....délirants?
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Les morts

Vraiment, me voilà bien embêtée. Je dois faire une critique de ce livre reçu grâce à Babelio, c’est le deal, mais je n’ai rien à en dire. Tout simplement parce que je me suis mortellement ennuyée. A l’exception de brefs passages d’intérêt aussi inattendus que surprenants, je me suis battue – j’ai vraiment lutté – pour finir ce livre. J’ai essayé de ne pas trop lire en diagonale dans la seconde moitié bien que j’avais l’impression de ne pas progresser d’un iota, mais je m’aperçois à présent, deux jours après la fin de ma lecture, qu’il ne me reste pas grand-chose de plus que si je l’avais fait.



Nous sommes dans les années 1930 et, voyageant entre la Suisse, l’Allemagne et le Japon, nous suivons deux personnages : Emil Nägeli, réalisateur suisse missionné pour réaliser un film collaboratif entre Allemagne et Japon (et impatient de retrouver sa maîtresse Ida von Üxküll), et Masahiko Amakasu, agent ministériel responsable de la venue de ce dernier au Pays du Soleil Levant.

Si les personnages principaux sont nés de l’imagination de l’auteur, on croise également toute une galerie de personnages non fictionnels qui ont fait l’histoire cinématographique et politique de cette époque : Charlie Chaplin, Lotte Eisner, historienne et critique de cinéma, et d’autres que je ne connaissais pas comme Alfred Hugenberg, homme politique et soutien d’Adolf Hitler (merci Wiki !)…



Pour m’avoir laissée dans une telle indifférence, je me dis que ce n’était tout simplement pas le moment, pas le livre dont j’avais envie. Non ? Il a été primé, il est traduit en plusieurs langues, j’ai forcément raté quelque chose ! J’aurais aimé l’aimer, ce livre suisse – nationalité rarement rencontrée – publiée par une maison d’édition dont je n’avais encore rien lu (à ma connaissance).



Je suis sortie de ce livre… désabusée. Pas seulement parce qu’il n’a pas fonctionné avec moi – pourtant, je veux bien croire au potentiel du rythme d’écriture, des touches d’humour subtilement distillées, de la plume même de Christian Kracht –, mais aussi parce que les personnages ne m’ont inspiré aucune compassion, aucune sympathie. Egocentriques, pathétiques, se méprisant les uns les autres derrière les sourires et les courbettes, Emil remâchant sa relation avec son père encore et encore, et ne pensez pas que des personnages comme Chaplin remonteront la barre. Finalement, les seuls passages que j’ai lus avec intérêt sont ceux concernant l’enfance d’Amakasu, ses parents, ses obsessions, ce pensionnat qu’il a tant haï. Il me laisse en bouche un vague goût de déchéance et de déception.



Je ne dirai rien de plus car, si je sais parler d’un livre que j’ai adoré, que j’ai détesté, qui m’a un peu déçue, qui m’a agacée, je peine à le faire pour un livre qui n’a rien éveillé chez moi si ce n’est l’ennui et l’incommensurable envie de passer à autre chose. Je trouve cette position très inconfortable, mais sincèrement, je ne sais pas quoi dire de plus.
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