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Critiques de Christian Kracht (46)
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Les morts

Vraiment, me voilà bien embêtée. Je dois faire une critique de ce livre reçu grâce à Babelio, c’est le deal, mais je n’ai rien à en dire. Tout simplement parce que je me suis mortellement ennuyée. A l’exception de brefs passages d’intérêt aussi inattendus que surprenants, je me suis battue – j’ai vraiment lutté – pour finir ce livre. J’ai essayé de ne pas trop lire en diagonale dans la seconde moitié bien que j’avais l’impression de ne pas progresser d’un iota, mais je m’aperçois à présent, deux jours après la fin de ma lecture, qu’il ne me reste pas grand-chose de plus que si je l’avais fait.



Nous sommes dans les années 1930 et, voyageant entre la Suisse, l’Allemagne et le Japon, nous suivons deux personnages : Emil Nägeli, réalisateur suisse missionné pour réaliser un film collaboratif entre Allemagne et Japon (et impatient de retrouver sa maîtresse Ida von Üxküll), et Masahiko Amakasu, agent ministériel responsable de la venue de ce dernier au Pays du Soleil Levant.

Si les personnages principaux sont nés de l’imagination de l’auteur, on croise également toute une galerie de personnages non fictionnels qui ont fait l’histoire cinématographique et politique de cette époque : Charlie Chaplin, Lotte Eisner, historienne et critique de cinéma, et d’autres que je ne connaissais pas comme Alfred Hugenberg, homme politique et soutien d’Adolf Hitler (merci Wiki !)…



Pour m’avoir laissée dans une telle indifférence, je me dis que ce n’était tout simplement pas le moment, pas le livre dont j’avais envie. Non ? Il a été primé, il est traduit en plusieurs langues, j’ai forcément raté quelque chose ! J’aurais aimé l’aimer, ce livre suisse – nationalité rarement rencontrée – publiée par une maison d’édition dont je n’avais encore rien lu (à ma connaissance).



Je suis sortie de ce livre… désabusée. Pas seulement parce qu’il n’a pas fonctionné avec moi – pourtant, je veux bien croire au potentiel du rythme d’écriture, des touches d’humour subtilement distillées, de la plume même de Christian Kracht –, mais aussi parce que les personnages ne m’ont inspiré aucune compassion, aucune sympathie. Egocentriques, pathétiques, se méprisant les uns les autres derrière les sourires et les courbettes, Emil remâchant sa relation avec son père encore et encore, et ne pensez pas que des personnages comme Chaplin remonteront la barre. Finalement, les seuls passages que j’ai lus avec intérêt sont ceux concernant l’enfance d’Amakasu, ses parents, ses obsessions, ce pensionnat qu’il a tant haï. Il me laisse en bouche un vague goût de déchéance et de déception.



Je ne dirai rien de plus car, si je sais parler d’un livre que j’ai adoré, que j’ai détesté, qui m’a un peu déçue, qui m’a agacée, je peine à le faire pour un livre qui n’a rien éveillé chez moi si ce n’est l’ennui et l’incommensurable envie de passer à autre chose. Je trouve cette position très inconfortable, mais sincèrement, je ne sais pas quoi dire de plus.
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Je serai alors au soleil et à l'ombre

J'avais adoré 'Imperium', traduit en français et lu récemment, il me tardait donc de découvrir plus avant les précédents ouvrages de cet auteur.



Las, si le thème d'une Suisse devenue soviétique suite à l'installation définitive de Lénine dans ce pays, et le récit d'une Europe en guerre depuis plus de 90 ans, paraissaient alléchants sur le papier, cette uchronie s'avère au final quelque peu décevante.



Il y avait pourtant de quoi faire, mais tout paraît ici un brin précipité, et l'on referme ces 140 pages avec l'impression de n'avoir qu'effleuré un univers riche en possibilités. Christian Kracht s'y montre déjà assez proche de Thomas Pynchon dans sa recherche du vocabulaire et de la précision documentaire, mais encore une fois, il s'agit ici plus de pistes que d'un texte véritablement abouti.



J'en garde tout de même quelques scènes assez mémorables : notre héros piégé par une mine, la description du baroque Réduit, montagne aménagée pour accueillir le soviet suisse, la traque de Brazhinsky...
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Les morts

'Les Morts' raconte à travers quelques personnages allemands, suisses, anglais, japonais, américains et français, un certain bouillonnement culturel dans les années 1930. Le réalisateur encore débutant Emil Nägeli est envoyé réaliser un film muet au Japon par une firme allemande, pour damer le pion aux producteurs américains et créer un "axe celluloïdique" entre Tokyo et Berlin. Une collaboration ratée, mais pourtant annonciatrice d'un rapprochement politique lors de la Seconde Guerre mondiale.



C'est sur cette toile de fond que se déploie tout le talent de Christian Kracht : traiter de l'Histoire par la marge et l'anecdote, comme il l'avait fait dans l'excellent 'Imperium', le récit de la fondation d'une communauté cocovore sur une île du Pacifique Sud par un Allemand quelque peu illuminé. On retrouve dans 'Les Morts' cette distance inhabituelle entre un auteur et ses personnages, souvent grotesques mais tout de même attachants. Dont forcément, les actes et les petites compromissions prennent un sens autre au regard du destin qui se dessine alors pour l'Europe et le monde, à quelques années de la Seconde Guerre mondiale.



Construit en trois parties, sur les principes du théâtre japonais Nô, 'Les Morts' déroule ainsi des vies à travers l'habitus et l'objectal : plus que leur psychologie, c'est ici les actes et comportements des personnages, leur rapport à leur environnement direct et les détails qui pourraient paraître les plus insignifiants de leur vie, qui semblent ici les plus éloquents - une manière très intelligente et tout à fait désespérante d'évoquer l'humanité, souvent réduite à sa trivialité. D'autant que Kracht ne nous donne pas non plus en pâture ses personnages : il nous les décrit comme il se décrirait sans doute, créature agitée ayant un pied dans le berceau, l'autre dans le tombeau.



De ce livre se dégage une grande originalité, pas mal d'ironie et de cynisme, et des images évoquant finalement plus la photographie ou la peinture - j'ai eu la sensation de me retrouver dans des tableaux d'Otto Dix ou de George Grosz parfois, lors des scènes présentant "l'élite" allemande de l'époque notamment - que le cinéma. Ajoutez-y une pincée de mystique et un portrait égratignant la réputation de quelques stars de l'époque (Charlie Chaplin en tête), et vous obtenez l'un des livres les plus intéressants que vous pourrez lire cette année - et même sûrement la prochaine.



Un roman qui a un seul défaut : sa brièveté. J'attends maintenant avec impatience la traduction de 'Faserland', toujours prévue chez Phébus.
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Les morts

Christian Kracht nous invite à voyager, au tout début des années trente, en cinématographie nippone et germanique. le Japon écartelé entre économie conquérante, occidentalisation et traditionalisme, mais aussi la République de Weimar foisonnante, écorchée et fiévreuse constituent les extraordinaires arrière-plans de ce très beau livre. Les nationalistes allemands et japonais omniprésents dans le roman, avant le grand affrontement, chauffent leurs muscles et roulent des épaules. Ils sont sur tous les fronts et notamment en première ligne du cinématographe. Forts de leurs talentueux représentants, F. W. Murnau, Fritz Lang ou Y. Ozu, K. Mizoguchi, ils entendent bien damer le pion aux conquérants américains du grand écran et constituer une sorte d'axe « celluloïdique » germano-nippon.





Les amateurs de romans bien documentés, qui mêlent la grande histoire de prodigieux bouleversements et la petite de personnages insignifiants et bien campés, en seront pour leurs frais. Il ne s'agit pas avec « Les morts » de cet artisanat-là. L'auteur suisse ne fait-il pas dire à un de ses personnages : « Il faut inventer quelque chose de neuf, d'inédit, qui soit fautif, oui, c'est exactement ça ; il ne suffit plus de vouloir créer par le film [le roman] une membrane transparente qui permette peut peut-être à un spectateur [lecteur] sur mille de discerner la sombre, la merveilleuse lumière magique derrière les apparences. Il doit créer quelque chose qui soit au plus haut point artificiel tout en se rapportant à soi-même » ? Christian Kracht, en véritable écrivain et en artiste, toujours particularise les personnages, les situations et les lieux. Ils apparaissent le plus souvent pleins de son expérience personnelle et de sa sensibilité. Ainsi, dans ce foisonnant récit, dans ces longues phrases, jamais rien d'asséné. L'idéologie, les sentiments, les défauts et les qualités de chacun sont toujours discrètement suggérés, montrés et jamais déclamés.





La structure du récit semble être ici celle du théâtre nô. Un personnage du roman indique d'ailleurs […] que dans le premier acte , le jo, le rythme des évènements doit commencer avec une lenteur prometteuse, puis s'accélérer dans l'acte suivant, le ha, pour à la fin, dans le kyu, parvenir le plus vite possible à son apogée ». C'est tout à fait cela. Aussi, la première partie du roman prend tout son temps. Elle alterne le présent et le passé, l'orient et l'occident des héros, le réalisateur suisse Emil Nägeli et le haut fonctionnaire japonais Masahiko Amakasu. C'est dans ce chapitre qu'une improbable proposition de collaboration cinématographique est esquissée entre Tokyo et Berlin. La deuxième partie, mêlant personnage historiques et de fiction, prend alors de la vitesse. Emil Nägeli convainc le tout puissant et de sinistre mémoire, patron de l'UFA, Alfred Hugenberg, de financer une gigantesque production cinématographique au Japon. C'est en Allemagne qu'il croise le critique de film Siegfried Kracauer et l'historienne du cinéma Lotte H. Eisner mais c'est de retour au japon qu'il perd sa maitresse et rencontre Charlie Chaplin. La dernière partie enfin, comme il se doit classiquement au Japon, entre farce et histoire, se termine dans un grand fracas qu'il ne convient pas de raconter ici. Décidément, traduit en quinze langues, ce best-seller en Allemagne mérite bien, à notre humble avis, d'être le lauréat du Schweizer Buchpreis 2016.

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Faserland

Quel étrange voyage… Curieuse de découvrir ce roman culte de la littérature allemande, j’avais quelques attentes sur les désillusions de cette jeunesse dorée dans les années 90.

Je ne m’attendais pas que ma lecture soit aussi… Déroutante ?



Ce road-trip, teinté de désespoir, se fait en compagnie d’un narrateur cynique, arrogant, et quelque peu dépressif. Il nous relate, dans les moindres détails, son voyage dans une partie de l’Allemagne. Comme lui, lorsqu’ils croisent des connaissances lors de sa pérégrination, j’ étais à moitié attentive à ses dires, tout en grommelant à moi-même que ce n’était que les états d’âme d’un gosse de riche. Je commençais à avoir déjà une lassitude alors que je n’étais qu’au début du roman.



Puis, il commence à nous parler de certains souvenirs de son enfance, de son meilleur ami, même de la première fille qu’il a aimé. Mais chacun d’entre eux se finit sur une note négatif. La lassitude que j’ai ressenti, c’est alors changé pour de la curiosité. Je commençais à voir les fêlures de ce personnage qui se perd dans ses désillusions. Celles-ci paraissent plus évidentes lorsqu’il échange avec ses « amis » qui eux, dénués d’espoir, décident de se perdre dans l’alcool et les drogues. Et encore plus, lorsqu’il parle des villes détruites sous la Seconde Guerre Mondiale qui bien que reconstruite, gardent toujours en elle ses cicatrices. D’ailleurs, je trouve dommage que l’on ne parle que des villes de l’Ouest et qu’il n’y est pas d’illusion sur la chute du mur de Berlin.



Au fil des pages, j’ai continué à marcher au bord du précipice en sa compagnie, me demandant de quel côté la chute du roman allait nous conduire…



Conclusion:



Faserland fut une lecture intéressante, parfois déroutante, par le style atypique de l’auteur qui a su retranscrire la mélancolie de son narrateur dont on ne saura jamais le nom.



Ce roman restera pour moi cet étrange voyage au bord d’ un précipice en compagnie d’un personnage cynique. A vous de voir si cette « promenade » vous attire ou non.



J’ai quitté la dernière page avec le désir de ne pas perdre, malgré les épreuves vécues et celles à venir, cette lueur d’espoir. Elle aura beau vaciller, je la conserverais tant que j’en ai la force…
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Imperium

Mélange plutôt réjouissant d’aventures, de philosophie, d’Histoire, d’histoires, le tout sans grand ordre - la faute, volontaire, aux multiples allers et retours dans le temps. Sur fond de lèvres salées, de soleil, et de la chaleur et de l’immensité des Mers du Sud.
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Je serai alors au soleil et à l'ombre

court (140 pages) roman d uchronie avec la surprise de voir la suisse en république soviétique et ayant abandonné l écriture.
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Faserland

Il y a parfois des romans dont je me dis que c'est de la bonne, voire de la très bonne littérature, mais que ça n'est pas pour moi. Faserland en est un exemple typique. Si j'en crois la quatrième de couv, c'est même un roman culte pour une génération. Alors je vois venir ceux qui vont dire que Faserland, c'est le roman d'une certaine jeunesse allemande, et que certainement, je suis trop vieux pour comprendre. Peut-être bien, mais quand le roman est paru en 1995, j'avais tout juste 18 ans. Il n'y quand même pas grand chose dans le fil narratif pour soutenir l'attention du lecteur : le narrateur se déplace de villes en villes, plus ou moins au hasard, il y fait des rencontres toutes plus improbables les unes que les autres, et écluse pas mal d'alcool. Il y a certes quelques passages qui m'ont amusé, ou énervé (plus souvent), mais globalement, je me suis ennuyé, je dois le reconnaitre. Mais encore une fois, cela ne signifie pas que ce soit un mauvais roman ; seulement, la rencontre n'a pas eu lieu.
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Les morts

S’il est plutôt facile de chroniquer un roman que l’on a aimé ou détesté, il est en revanche beaucoup plus compliqué de parler d’un livre qui vous a laissé indifférent. Et c’est bien là le problème auquel je suis confronté avec celui de cet écrivain suisse qui m’était jusqu’alors inconnu. Pourtant, « Les morts » avait a priori tout pour me plaire. Son cadre (le Japon et l’Allemagne des années trente), ses personnages (un cinéaste suisse, un diplomate japonais et une actrice allemande) et même son sujet (le cinéma) laissaient présager une histoire détonante où le drame comme l’humour auraient pu s’exprimer de bien des manières.

Cela commence d’ailleurs plutôt bien avec les portraits croisés d’Emil Nageli et Masahiko Amakasu, le cinéaste et le diplomate. On découvre tout d’abord leur enfance marquée par un rapport compliqué à l’autorité, paternelle pour le premier, institutionnelle pour le second. Puis on embraye sur leur existence actuelle grâce à quelques scènes assez cocasses qui se déroulent à Berlin ou à Tokyo et où il est aussi bien question d’une beuverie chez un dignitaire du Reich que d’un attentat contre le premier ministre japonais et Charlie Chaplin ! Malheureusement, il faut presque attendre la troisième et dernière partie pour qu’Emil et Masahiko se rencontrent et qu’on ait enfin l’espoir qu’il se passe quelque chose de significatif. Mais non ! L’histoire bascule alors dans un quasi vaudeville avant de rebondir une toute dernière fois pour sombrer dans la noirceur la plus totale.

Le lecteur lui, sort de tout cela un peu désorienté, sans être parvenu à comprendre quel était l’objectif recherché par l’auteur. A moins qu’il ne faille trouver une piste dans les réflexions que celui-ci prête à l’un de ses personnages et notamment celle-ci : « … à présent il doit créer quelque chose de théâtral, tourner un film explicitement artificiel, qui donne au public un sentiment de maniérisme et surtout d’incongruité ». Théâtral, artificiel, maniéré et incongru sont en effet des adjectifs qui collent parfaitement à ce livre. Théâtral parce que ce roman peut se lire comme une succession de saynètes indépendantes les unes des autres ; artificiel car l’ensemble manque d’unité et demeure parfaitement abscons ; maniéré à cause de son style précieux, presque pédant, et ses phrases extrêmement longues et bourrées de point-virgule, de guillemets et autres parenthèses ; incongru enfin parce que l’ensemble laisse une impression d’extravagance et de loufoquerie.

Ceci étant, et en dépit de tout ce qui précède, je dois avouer que j’ai lu ce livre sans déplaisir. Une fois habitué à l’écriture de Christian Kracht, on se laisse aisément entraîner par cet ensemble de péripéties et par ces personnages guère sympathiques mais néanmoins touchants dans leur quête, souvent très drôle, de reconnaissance. On se prend alors à penser que ces individus seraient peut-être bien ces morts du titre, « des créatures immensément solitaires entre lesquelles il n'y a pas de cohésion, qui naissent seules, meurent et renaissent également seules ». Emil, Masahiko et Ida sont morts aux autres à cause de leur égoïsme et de leur arrivisme, parce qu’ils sont incapables d’aimer et de se livrer à leurs proches.


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Imperium

August Engelhardt était un idéaliste utopiste allemand, comme il en a beaucoup existé au début du 20 ème siècle. Il avait un vision particulière de la vie, romantique sans nul doute. Très tôt végétarien, il inventa une théorie un peu extrême où la noix de coco, à cause de sa forme rappelant le cerveau, pouvait suffire à la survie de l'homme. Totalement perdu dans une Allemagne froide et rigoriste, il décide de mettre sur le cap vers la Nouvelle Guinée, qui fut colonie allemande jusqu'à ce que les australiens la reprennent en 1914. Et c'est là qu'il mettra en place sa théorie. Il acheta une petite île plantée de cocotiers et peuplée de quelques habitants serviles, enleva ses vêtements et commença une vie de naturiste se nourrissant exclusivement de noix de coco. Son originalité fera d'abord sourire, puis le marginalisera au fur et à mesure que souffrant de malnutrition, son cerveau commencera à dérailler complètement.

Christian Kracht fait donc revivre ce brave exalté dans un récit mordant et fort bien documenté. Pas vraiment en empathie avec son personnage principal ( il en fait un utopiste maladroit et un peu ridicule), on comprend très vite qu'Engelhardt n'est qu'un prétexte pour nous brosser une page de la colonisation allemande dans le Pacifique assez méconnue ( mais de courte durée ...) mais aussi de l'importance de toutes ses philosophies hygiénistes de cette époque. Exercer sa plume un peu acide sur ce pauvre malheureux nu et buvant son lait de coco ne fait pas un roman. Alors le texte digresse pas mal autour d'autres personnages censés avoir croisé l'illuminé.

Nous voguons donc sur les eaux turquoises du Pacifique, parmi tout un tas d'aventuriers pas tous poussés par un romantisme de saison, sous un soleil dont la rigueur allemande semble s'être bien acclimatée. C'est un joli voyage qui joue avec des styles soutenus différents au gré des escales et des anecdotes. L'auteur s'est fait plaisir, le lecteur, tout du moins moi, un peu moins. Cette volonté d'étirer l'histoire m'a un peu lassé parfois, m'étant quand même attaché à ce pauvre August que l'auteur abandonne trop souvent à son triste sort ...
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Eurotrash

Réjouissant ! Du grand helvète underground ! Christian part chercher maman et roule ma poule. Qui a dit que la vieillesse était un naufrage ? Dans ce livre, c'est plutôt un crash aérien. Il y a une certaine noblesse dans la décadence chez les friqués, particulièrement quand le magot se compte en CHF.
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Eurotrash

qui en principe est une suite de « Faserland » (2019, Phébus, 160 p.).



En 1999, Christian Kracht se réuni avec quatre autres écrivains à l’Hotel Adlon à Berlin. Avec Joachim Bessing, Eckhart Nickel, Alexander von Schönburg et Benjamin von Stuckrad-Barre, ils projettent de jeter les bases d’une « pièce situationniste ». Cette réunion est retranscrite dans le livre « Tristesse Royale » (2001, Ullstein Taschenbuch Verlag; 201 p.) qui ne rencontre pas le franc succès éditorial escompté. Plus tard, Kracht qualifiera cet évènement de « grosse erreur ». Le texte aura toutefois l’effet de renforcer l’existence d’une « popliteratur » fondée sur une équipe d’écrivains, dont Kracht serait en quelque sorte à la tête pensante. Tout le monde n’est pas André Breton, ni Guy Debord pour faire tendance, ni même CF Ramuz pour faire plus simplement hélvète.

Alors que le narrateur de « Faserland » parcourait l’Allemagne en train ICE, là c’est en voiture que cela se passe. Un homme d’âge moyen nommé Christian Kracht, se rend à contrecœur à Zurich pour rejoindre sa mère malade et sénile. Arrivé à son luxueux domicile à Zurich, la vieille femme à moitié ivre l’accueille avec des reproches. Il décide cependant, après que Frau Kracht ait retiré une forte somme d’argent à la banque, d’embarquer sa mère pour un voyage à travers la Suisse. Et le lecteur repart dans une histoire à la fois comique et spectaculaire d'une famille avec ses démons. Existe t’il une culpabilité de la honte d’être riches. Mais ce sont les restes de l’origine de la fortune familiale, soit l’argent nazi. Le roman dresse un portrait touchant d'une mère toxique et de son fils intoxiqué avec les relations mère-fils. La critique dit de ce livre. « La réalité, dans son cas, est définitivement la haine de la Suisse, de ce qu’il trouve être un pays débauché et abîmé par l’argent. La Suisse prend cher dans ce roman, un peu à la manière de ce que Thomas Bernhard infligeait à l’Autriche ».

On connaissait les « Ponk et Replonk », qui sont du Jura, puisque situés à La Chaux de Fonds. Ville dont Francis Blanche a mis en garde ses lecteurs « Ami qui visite la Suisse / Malheur à toi si tu confonds / Pour éviter La Chaux-de-Fonds / Il faut passer par Saint-Sulpice ». Ils ont même traduit leurs cartes postales en allemand. C’est une façon d’exporter l’humour. D’eux j’adore « Le Percement de l’Arc de Triomphe » et l’album de la cavalerie de montagne suisse, avec des chevaux à pattes inégales de chaque côté. Un faible aussi pour l’album de « La Face Cachée du Léman » avec en particulier, une vue de son point le plus élevé. De plus, je ne manque pas de m’offrir leur calendrier, qui m’octroie chaque année un 13ème mois supplémentaire.

Bref Christian Kracht revient en Suisse en plein cœur du monde qu’il a quitté ou fui. C’est la terre de son enfance, Gstaad, Zurich, les glaciers, les banques. Lieu qu’il déteste, mai lieu auquel il appartient. On y croise le fantôme d’un grand-père nazi et plus ou moins sadomasochiste, les traces du gotha des années 1980 entre les chalets du Saarland, devenus depuis les fastes des nouveaux riches russes, avant que la Confédération ne les exile à Dubaï, mais conserve leurs avoirs à Zurich. Il y a en plus du grand-père, l’ombre d’un père allemand qui ne vaut guère mieux. Mais dont les cendres ont été dispersées sur le lac de Hambourg quelques années plus tôt, Ainsi que le grand personnage du livre, la mère, moitié sénile, mais riche, épave alcoolique qui aime à citer Talleyrand et se nourrit de vin blanc à trois francs et fromage en pate moisi. Tournée automobile à travers les paysages alpestres. « Ces sommets glacés, le ciel blanc, les glaciers, dix mille ans de glace. La montagne m’est insupportable ». Pas trop loin des lacs, avant de rêver et de fantasmer sur les grands lacs, où la vieille dame voudrait « voir une dernière fois les zèbres ».

C’est la fuite en avant « J'ai attrapé la maman, le déambulateur, la bouteille de vodka et les pilules, je suis monté dans le taxi et nous sommes partis pour une folle balade à travers la Suisse. Ils tirent leur arc gaiement, gaiement, grotesquement. Jetez l’argent des poubelles ».

Bref, l’existence d’une « popliteratur » fondée sur une équipe emmenée par Christian Kracht et reprenant des thèmes et de fragments littéraires ou non, ainsi que leur mise en œuvre sous une nouvelle forme via une description superficielle caractérise cette nouvelle littérature allemande. Cependant le caractère subversif initial semble avoir été perdu en route pardes protagonistes issus d'une classe supérieure et de CSP++. Le fait d’avoir euun père qui était le bras droit d'Axel Springer, le manat de l’édition n’est certainement pas étranger au succès d’estime vu par les critiques.



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Imperium

Je n'avais jamais entendu parler ni rien lu de l'histoire tragi-comique, mais vraie (j'ai vérifié sur Wikipédia) d'August Engelhardt racontée avec dérision et ironie par Christian Kracht (rien à voir avec Velcro), auteur suisse de langue allemande que je découvre également.

August Engelhardt est un jeune allemand rêveur, sensible et fragile, adepte du nudisme et du végétarisme, ne supportant plus une société bourgeoise conformiste. Il s'exile au tout début du 20ème siècle en Nouvelle-Guinée, dont une partie était alors un protectorat allemand, pour y fonder une communauté. D'une grande naïveté, il se fera voler son argent et perdra une partie de sa bibliothèque au cours du voyage et se fera escroquer dans la négociation de l'achat d'une petite île.

Ce doux rêveur a une idée fixe : la noix de coco. Pour lui, elle est à la base de toute la vie. Elle permet de se nourrir, de se désaltérer, de se chauffer et, éventuellement, de l'utiliser pour la construction ou la confection d'outils. Vivant nu et ne se nourrissant que de noix de coco, il en fera la culture, aidé par les habitants de la petite île de Kabakov dont il a fait l'acquisition. Il ira au bout de ses idées mais sans jamais parvenir à établir "sa nouvelle société."

Et, comme beaucoup de rêves fous, insensés, utopiques, l'aventure se terminera par un fiasco dans la plus grande confusion.

Kracht nous raconte avec ironie, humour et parfois cynisme, la société coloniale de l'époque , le petit monde des colons allemands « des allemands blafards, hirsutes, vulgaires, ressemblant à des cochons de terre, qui s’éveillaient lentement de leurs sommes digestifs, des allemands au zénith de leur influence dans le monde », français « dans leur élégance autiste, les français étaient certes des snobs patentés, mais comme leur culture se définissait par la langue, et non comme en Allemagne par le mythe ronflant éthnique, la loi du sang, ils paraissaient plus hétérogènes que les allemands chez qui il n’y avait pas de demi-teinte, pas de nuance, pas de dégradé. » , les indigènes nonchalants, avec une écriture subtile, intelligente" et riche de détails authentiques.

A lire pour découvrir l'auteur et son style particulier.
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Faserland

J'ai une relation particulière avec l'Allemagne des années 90, et cette génération de jeunes paumés par cette réunification, ou plutôt unification de deux pays qui n'avaient plus grand chose en commun. Comment trouver ces marques dans la nouvelle distribution géopolitique mondiale, qui les affecte de plein fouet ? Cette époque est celle de mon adolescence, celle de séjours en Allemagne et de rencontres pour certaines très marquantes...

J'avais vraiment envie de découvrir ce roman, cette traversée d'un pays en mutation aux côtés de jeunes désabusés. On traverse cependant uniquement l'ex-RFA, aux côtés de jeunes privilégiés de l'ouest, occultant de fait un pan de l'histoire que je pensais trouver.

Passé ce moment, j'ai pu enfin détester en toute quiétude notre anti-héros plein aux as, qui accorde une importance démesurée aux marques comme marqueurs de réussite sociale. Il est désabusé, ironique, accro à toutes sortes de substances, cynique à souhait, bref un sale gosse de riche qu'on a envie de claquer !

Et pourtant je l'ai suivi dans son voyage, j'avais envie de voir si il allait réussir à éviter le mur qui se profilait au bout de sa route... On alterne les moments présents avec des divagations dans le passé, quand, fatigué ou trop stone, les souvenirs remontent à la surface.

Ce court roman a su me retenir jusqu'au bout, jusqu'à cette fin suspensive, même si assez inéluctable, car je voulais justement voir comment la conclusion serait gérée par l'auteur.

Ce roman ne sera pas une lecture inoubliable, loin de là, mais la découverte de la plume d'un auteur, et d'un style atypique.

J'ai reçu ce livre des éditions Phébus dans le cadre d'une masse critique Babelio. Merci à eux pour la découverte.
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Faserland

Une traversée de l'Allemagne du nord - Sylt - au sud jusqu'à la Suisse par un homme sans but, cynique, légèrement misanthrope mais recherchant la compagnie, ayant un penchant pour les fêtes, les beuveries, et un certain souci hygiéniste.





Cet homme, on le voit assez maniaque, pointilleux, méfiant par rapport au manque d'hygiène. Il est seul, et on ne lui connaît aucun but réel à ce voyage avec escales. De ville en ville, il atterrit chez de pseudo vieux amis chez qui il squatte logement et soirées. De cuite en cuite, il revit certains souvenirs, subit quelques déceptions, et puis il se rapproche du sud du pays.



Comme un roadtrip un peu déjanté, on suit un homme qui n'est pas à la rue (il a toujours assez de ressources financières pour loger ou payer le train), qui n'est pas malade, qui est juste un peu dépressif et désabusé sur l'état de la jeunesse allemande des années 90's, et qui heureusement sait parfois être assez drôle.



Initialement paru dans sa version allemande en 1995, Faserland serait un roman culte. Pour moi c'était juste - déjà - un roman.


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Les morts

Dans les Morts, la marche vers le désastre n’a même pas besoin d’être soulignée, Hitler sera bientôt au pouvoir, et même s’il est encore temps de tourner des chefs-d’œuvre cinématographiques, certains font leurs bagages.
Lien : https://next.liberation.fr/l..
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Eurotrash

Christian Kracht a écrit, une fois de plus, un livre grinçant.


Lien : https://www.lesoir.be/571116..
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Eurotrash

Christian Kracht tient ces propos un brin défaitistes dans son excellent nouveau roman, Eurotrash : "Il n’y avait ni musique ni cinéma ni littérature, il n’y avait absolument rien en Suisse, si ce n’est une avidité de luxe, une formidable envie de sushis, de baskets aux couleurs criardes" [...]
Lien : https://www.lexpress.fr/cult..
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Eurotrash

Né dans le canton de Berne, l’écrivain a longtemps vécu, par choix, loin de son pays, forgeant ailleurs ses romans sarcastiques. Il y est revenu, et signe « Eurotrash », critique envers la Confédération mais témoignant d’un certain apaisement.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Eurotrash

Le récit vibre de colère sourde et d’autodestruction, dans un étrange cocktail qui mêlerait Thomas Bernhard et Bret Easton Ellis, avec de brusques moments d’émotion.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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