Citations de Christian Rauth (32)
À Paris, on laisse les gens vivre leur vie. Cela la changeait. Elle restait parfois de longs moments assise dans son mini-jardin, à contempler ce nouveau paysage, comme pour s’imprégner de la réalité de cette vie.
Elle l’aime, c’est sûr, mais à dix-huit ans, est-ce que l’on sait vraiment qu’on aime ? Elle s’en persuade. Virgile est heureux, il se retourne vers l’assemblée, mais son sourire s’éteint. Espérait-il voir quelqu’un ? Non, Virgile ! Fausto et Fatima ne sont pas là. Sant’Angelo est passé par là. Elle lui presse le bras et il reprend le dessus.
Cette souffrance, cet amour irrationnel, c’est ce qui nous lie. Je meurs de l’absence d’elle, et tu crèves de la peur de la perdre. Fais ce qui est écrit dans ce carnet, sans rien en changer. Ça ne sera pas simple, certaines choses vont te paraître même impossibles. Tout est possible. Des amis d’une autre vie seront là derrière toi, pour t’aider. Ils me le doivent. Je leur fais confiance. C’est ce que nous appelons l’esprit de corps…
Quand on est au fond du trou, on se raccroche à tout, et parfois à n’importe quoi.
À vrai dire, perdre sa maison, ses studios, il s’en foutait presque. Ce qu’il ne pouvait envisager, c’était de perdre Gina ! Il avait peur qu’elle le quitte. Une peur panique, une peur irrationnelle. Comment pourrait-elle renoncer à tout ce qu’il avait mis des années à lui offrir ? Comment accepterait-elle de revenir au temps où il montait des murs de parpaings, pendant qu’elle faisait des gommages et des maillots à domicile ?
L’adolescent fixait encore son entrejambe. Il s’enhardit même à lui sourire.
Elle se mit à haïr ce regard malsain, qui lui rappelait celui du porc qui l’avait entraînée dans cette chambre aux fenêtres donnant sur la tour Eiffel, elle qui n’avait pas encore dix-huit ans.
" Mentir pour se tirer d’affaire, ce n’est pas mentir, c’est se tirer d’affaire ".
Cette jeune femme ignorait qu’elle avait en face d’elle un cœur anesthésié par une histoire d’amour destructrice. Trois ans avaient passé et Timon avait encore l’amer souvenir des baisers d’une Charline follement aimée… puis follement haïe. Ses cauchemars étaient peuplés de supplications grotesques, de désirs de chair et parfois de meurtres.
Il suffit parfois de peu de chose pour qu’une enquête rebondisse, ce qui avait été le cas avec la préparation de cette purée.
Un homme qui souffre, ce n’est pas bien beau à voir.
Virgile lisait peu. Pas très envie de se coltiner les problèmes des écrivains, il en avait suffisamment lui-même, et puis les histoires d’amour finissaient toujours mal dans les romans, sauf bien sûr dans ceux de Marc Levy que Gina lui offrait chaque été. Il aimait bien cet auteur, qu’il lisait sur la plage avant de s’endormir sous le parasol.
En réalité, Virgile détestait courir. Certes, il avait couru dans sa vie, mais surtout après l’argent, puisqu’il voulait le meilleur pour Gina, par amour et par peur de la décevoir. « T’es trop gentil avec elle », lui surinait Elio du temps où ils étaient encore amis.
Non, il n’était pas gentil, il était simplement l’homme le plus amoureux du monde. C’était la raison pour laquelle il courait ce matin. Et tant que son pauvre corps de quinqua bedonnant le pourrait, il chausserait ses baskets, c’était décidé.
Il adorait ses seins. Il adorait tout chez cette femme : ses lèvres pourprées, charnues, ses yeux bleu azur si malicieux, jusqu’à ces petites ridules qui commençaient à poindre à la commissure des lèvres. Une adoration qui durait depuis qu’elle était en âge d’être aimée.
Les SDF qui disparaissent, ce n’est pas ça qui manque : ça voyage, ces gens-là, c’est même pour ça qu’on dit « sans domicile fixe », hé, hé !
Les légendes foisonnent dans le monde de la débine, mais si cette histoire de chien s’avérait exacte, cela rendait peu probable qu’Œil de Lynx et Dante Vincent soient la même personne.
… il s’appelle Ferdinand. Mais ce Ferdinand est un fou, entendez par-là qu’il aime Marianne d’un amour fou… avec ce que l’amour-passion comporte de déraisonnable, de tragique et de foudroyant. De poignant et de dérisoire. De tendre et de dévastateur.
Jean-Luc Godard
La référence à Shakespeare avait largement dépassé les capacités cognitives de Kevin Pallardon. Timon se rendit à l’évidence : il venait de tomber sur ce qu’il appelait dans le jargon professionnel « le barrage du con ». La guerre de tranchées commençait.
PROLOGUE
Une petite estrade et un micro ont été installés devant la tombe ouverte. La foule patiente devant le cercueil posé sur des tréteaux, dans l’alignement du trou béant.
Virgile Santos
9 mai 1964 – 4 mars 2014
La plaque de cuivre rutile sous le soleil de mars, projetant des rayons jusqu’à cette chapelle à l’intérieur de laquelle il s’est réfugié. Derrière la porte métallique, par un trou créé par la rouille, il observe le spectacle. Il ne devrait pas être là. Ce n’était pas prévu comme ça.
De sa cachette, il peut voir son ami le capitaine Perot, au premier rang. Il vient de lui jouer un mauvais tour : quelques jours plus tôt, au volant de son pick-up, il a traversé le muret des remparts entourant la ville haute et il a basculé dans le vide.
– J’ai pas toujours été à la rue monsieur, vous savez. J’ai eu ma boîte à moi ! Oui, oui, monsieur ! Maison Lumière ! Faut dire que j’m’appelle Lumière, comme les deux frères. J’avais vingt-deux piges et ça marchait du tonnerre de Dieu… jusqu’au jour où j’ai signé cette saloperie de contrat avec la mairie. Un projet d’installations lumineuses grandioses ! Et patatras ! Le maire s’est barré en Afrique du Sud, il a laissé un trou dans la caisse gros comme celui de la Sécu ! Moi, je n’ai jamais été payé, et au final je me suis assis sur six millions de francs de l’époque. L’Urssaf m’a tout pris, j’ai fait faillite, ma femme s’est barrée avec les mômes, et depuis je bosse ici. La manche, c’est un vrai boulot à plein temps, je vous garantis.
La fumée dissipée, l’ermite se leva pour refermer le fenestron. Ce faisant, un rouleau de papier toilette roula au sol et Virgile repensa à une conversation à l’automne dernier, alors que Perot et Kevin étaient venus prendre l’apéro à la villa Soprano, comme l’appelait le capitaine pour se moquer gentiment de Gina. Ils entretenaient d’excellentes relations avec le capitaine Perot, tout comme avec son adjoint Pallardon qui faisait sauter quelques PV quand il le pouvait. Leur conversation avait tourné autour d’un article de L’Angoumoisin qui faisait ses choux gras des vols à répétition commis dans le camping des Charmilles.