Citations de Christiane Singer (665)
Laisser un enfant, en guise de vraie vie, presser des boutons, avant de lui avoir appris à danser, courir, sauter, dessiner, palper la terre, la boue, le sable, la glaise, voyager du doigt sur un globe terrestre assis sur les genoux de son père, que sais-je encore... c'est le traiter comme certains chercheurs traitent les rats dans leurs cages d'expérimentation : à ceux qui ont pressé le bon bouton, une boulette de hachis.
Le prodigieux réservoir du passé livre une inspiration inépuisable et engendre une combinatoire sans fin. Un esprit vivant a la vocation de changer instantanément l'éclairage de sa vie. Non pas changer les choses elles-mêmes (bien que parfois cela advienne) - mais changer sa façon de les voir, de les éclairer.
Rendre hommage met en mouvement une machinerie secrète qui ouvre les prisons.
il existe une question qui, lorsqu'on la pose sérieusement, donne le vertige : qu'as-tu que tu n'aies pas reçu en don ?
Car sans connaissances, sans vision et sans fertilité imaginaire, toute société sombre tôt ou tard dans le non-sens et l'agression.
Il existe à ce jeu macabre un puissant contre-poison.
A portée de la main, à tout instant : c'est la gratitude.
Elle seule suspend notre course avide.
Elle seule donne accès à une abondance sans rivage.
Elle révèle que tout est don et qui plus est : don immérité. Non parce que nous en serions, selon une optique moralisante, indignes, mais parce que notre mérite ne sera jamais assez grand pour contrebalancer la générosité de la vie !
Ainsi, comment pourrions nous sérieusement mériter d'avoir des yeux ?.
"Souviens-toi de ta noblesse !" (Saint-Augustin.)
Lorsque la conscience touche cela qui n'appartient à personne en particulier et qui est pourtant en chacun l'intime de l'intime, alors le mépris de l'existence fond immédiatement et la sensation de non-sens et de solitude perd son aiguillon.
Lorsque nous confondons le passé avec ses désastres et ses faillites, sa poussière et ses ruines, nous perdons accès à ce qui se dissimule derrière - à l'abri des regards : le trésor inépuisable, le patrimoine fertile.
Peut-être les saiints sont-ils capables de voir sur toute chose et sur tout être cette lumière originelle ? Pour moi, c'est un corps de femme qui l'avait captée tout entière.
J'étais le saint d'un seul corps.
Je crois que si nous sommes sur terre, c'est parce que la magnificence du jardin d'Eden ne nous était pas supportable. Comprenez-moi : c'est l'énergie de la vénération lorsqu'elle est devenue trop aiguë qui brûle les nerfs de l'homme. Ce n'est ni le dépit ni la malveillance - oh non ! -, c'est la vénération chauffée à blanc qui fait le meurtrier.
Comme cette histoire me trouble !
De cette interjection monte en moi un frémissement de mémoire : la peur panique que je n'ai cessé d'éprouver une vie durant de toute tiédeur
- Nihil nisi ardeat ! Seul ce qui brule ! et la hantise de vivre plat.
Je ne suis plus l'homme que vous m'avez connu, mais je ne suis pas non plus tout à fait un autre? Vous étonnerai-je en vous disant qu'il y a même des jours où il ne me semble plus y avoir personne au lieu où je me tiens ? Une absence heureuse, c'est tout.
La phrase s'est gravée sur mon front comme sur un linteau :
- Celui qui fait sien son destin - aussi hostile et terrible soit-il - celui-là est libre.
Ce fut le début d'une incroyable transformation, qui s'est poursuivie jusqu'à ce jour où le goût m'est venu de prendre la plume.
Jamais il n'a cherché ni trouvé" l'accès de mes rêves. Je ne l'y ai jamais rencontré. Je continue à l'appeler le page. Son nom n'a pas de cohésion dans ma tête, Bal-tha-sar, et quand j'essaie d'en assembler les lettres, il se désagrège à nouveau comme un objet très compliqué dont les pièces se détachent et roulent sous les meubles. Son adhérence au monde était légère, je crois. Il n'était venu que pour un temps et quelques joutes !
Il ne faut jamais faire semblant de croire que les choses telles qu'elles se produisent dans nos vies soient évitables.
Ce serait la source d'une inutile souffrance.
Quand Amanda s'endormait sur mes genoux, elle devenait beaucoup plus lourde que le poids de son corps. S'ajoutait à sa chair toute l'immolation qu'elle me faisait d'elle.
Il n'est guère que l'arrogance des hommes que les bêtes n'aient pas.
N'y a -t-il pas grand bonheur à savoir que toutes les eaux de la terre sont reliées par le jeu subtil des infiltrations et des nappes ? N'y-a-t-il pas grands bonheur à savoir que les vivants, bêtes et gens, sont reliés par d'invisibles rhizomes : une seule respiration pour tous sous le soleil.
Il n'y a que les sots qui ne veulent être que soi et ne se réjouissent pas d'un si vaste lignage !
Je retournerai dans le monde et le monde en moi.
Et plus jamais ma plume n'aura à courir sur le papier puisque je vivrai !
Désormais je n'ai plus à confronter l'insoutenable beauté du monde, j'en suis part intégrale. L'observateur s'est fondu entier dans ce qu'il regardait.
Un vide lumineux, un tumulte incandescent d'atomes.
Tout dépend maintenant de la vigilance de ma dévotion amoureuse et, comme je la veux brûlante, l'idée d'en être distraite m'est insupportable.
Qui sait encore que la vie est une petite musique presque imperceptible qui va casser, se lasser, cesser si on ne se penche plus vers elle ?