— On t’a sans doute abreuvé de conseils sur la manière de surmonter ça,
sur le temps qui arrange les choses et blablabla.
— Oui, un peu.
— Eh bien, c’est de la merde. Ça ne passe pas. La douleur reste,
comme si on se promenait toujours au bord d’un abîme, avec la peur d’y tomber pour de bon.
Les deux femmes arrivaient au même constat: la charge était tellement lourde, qu'un jour prochain, elles devraient peut-être cesser de travailler à temps plein et faire comme les autres femmes en restant à la maison jusqu'à ce que leurs rejetons aillent à l'école. Cette perspective ne les enchantait ni l'une ni l'autre. Elles rêvaient tout haut d'un endroit où elles pourraient déposer leurs enfants le matin et les confier à la garde d'une personne responsable, une idée utopique.
Le 20 novembre, les deux frères tinrent une ultime séance d’entraînement, la plus précise possible. De son côté, Alice avait acheté une jolie robe qu’elle comptait mettre pour le défilé. Elle s’était même payé le luxe d’un foulard.
Le lendemain, Max revint avec deux sacs de toile qui servaient aux soldats américains, sans doute achetés aux surplus de l’armée. Ils contenaient le premier versement en coupures de cent dollars. Dix mille beaux billets de cent dollars regroupés en liasses de cent. Jamais les deux frères n’avaient vu autant d’argent. Max préférait le garder en liquide. Quant à Marcel, il choisit trois grandes banques et ouvrit autant de comptes où il déposa son magot, ne gardant que dix mille dollars en billets (…)
Le réveil les fit sursauter. Ils se dépêchèrent de se lever et de s’habiller. Leurs valises étaient prêtes. Ils les mirent dans la voiture avec les sacs d’argent et démarrèrent. Ni l’un ni l’autre n’eut un regard pour l’appartement de Dallas. Marcel avait laissé sur la table de la cuisine une note pour Alice lui rappelant ses instructions (…)
-- Bon ben, tu pourrais aller te confesser. Ça t'aiderait à y voir clair.
-- Raconter mes malheurs de femme enceinte à un homme célibataire qui a fait vœu de chasteté, je ne crois pas que ce soit une bonne idée.
"Il n'y a pas de hasard dans la vie, ma fille. Dieu ou le diable mettent sur notre route des gens qui peuvent nous nuire ou nous aider à nous élever. Il faut savoir les reconnaître."