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Citations de Claude Olievenstein (76)


3. « Une société sans drogues est un leurre.
Ici ou ailleurs, demain comme hier, toute communauté organisée ne peut vivre sans amortisseurs chimiques quels qu'ils soient. Ceux qui affirment que la drogue est un "fléau" comme la peste et donc que, comme elle, elle disparaîtra avec le temps, oublient que la drogue est encore plus vieille que la peste, qu'elle a des racines immémoriales et universelles, que c'est son passage du sacré au profane qui l'a fait croître et multiplier.
La peur, l'angoisse, l'ennui, la solitude, parties intégrantes de la condition humaine, sont des éléments constitutifs de l'appel aux drogues, ces substances qui peuvent apaiser rapidement la souffrance, donner du plaisir, rendre le monde vivable. L'homme est ainsi fait qu'il ne veut pas savoir que leur consommation entraîne souvent à son tour d'autres souffrances et la fin du plaisir. » (p. 265)
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6. « Nous le savons, la drogue est un phénomène de société, un des visages les plus caractéristiques de notre époque traumatisée : le toxico est malade de notre monde ; et puisque c'est par sa famille qu'il se relie, concrètement, à la collectivité, on peut dire qu'il est, d'abord, malade de ses parents. Pour lui, la came constitue le plus souvent un moyen, quasi magique, de survie au sein de rapports familiaux vécus comme un conflit sans issue. » (p. 305)
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4. « Nous entrons dans l'ère de la psychochimie, dont la substitution n'a constitué qu'un avant-goût déjà archaïque et le Viagra un exemple symbolique, lancé comme un éclaireur avant la patrouille.
Déjà, de la façon la plus légale qui soit, des pédiatres et des éducateurs américains font gober aux enfants de deux à quatorze ans, décrétés hyperactifs […] des amphétamines, des antidépresseurs et d'autres neuroleptiques. […]
L'idée première, c'est la recherche de la normalité.
[…] Il n'y a aucune raison de s'arrêter en si bon chemin : on a commencé par les plus jeunes, on poursuivra par les adolescents. Ils recevront des hormones destinées à soigner les troubles de leur libido et à obtenir de meilleurs résultats scolaires et sportifs. Aidera-t-on les timides à devenir des leaders et les poètes à entrer dans une école de commerce ?
Que les adultes se rassurent : on a pensé aussi à eux. Dans le monde du travail, des "pilules de la performance" ont déjà été expérimentées. Les premiers essais d'application aux golden boys de la Bourse ayant été considérés comme peu opérationnels, de nouveaux dosages moins "lourds" sont à l'étude. À la disposition des personnes âgées voulant vieillir jeunes, on proposera des "pilules de jouvence", du type de celles déjà mises sur le marché aux États-Unis, en particulier la DHEA (déhydroépiandrostérone).
[…]
La vie médicalement assistée est pour demain. […] Tout ce qui apparaîtra comme "anormal" justifiera une médicalisation. […] À vouloir masquer ou supprimer par des médicaments les expériences et les rugosités de la vie, on obtiendra un monde sans diversité, sans but autre que le profit et le bonheur sur commande. Ce qui sera considéré comme déviant fera peur à cette société rivée à ses béquilles chimiques. » (pp. 271-273)
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5. « Le manque n'est pas une maladie. C'est une organisation psychologique, celle-là même qui définit le toxicomane. On pourrait la décrire ainsi : il y a la béance, le manque premier ; il y a la drogue qui la colmate provisoirement dans le "flash" ; et puis il y a le manque de la drogue qui est comme une métaphore de la béance : à travers l'alchimie de la mémoire, la béance s'est inscrite, jusqu'à s'y donner figure, dans ce qui l'a un moment comblée. Le toxicomane apparaît donc comme un système double : lui et la drogue, avec la béance pour moteur. Je dirai qu'il constitue un duo.
Le projet global du toxicothérapeute se définira dès lors comme une prise en charge de ce duo. Dans un premier temps, il s'agira pour lui de le contrebalancer à travers un autre duo, qu'il s'efforcera de rendre aussi dense : celui dans lequel le toxico se trouve engagé avec lui, la relation psychothérapique se substituant, de ce fait, à la drogue. Le nouvel équilibre instauré, le thérapeute établira un échafaudage thérapeutique autour du sujet, en lui ménageant des repos sécurisants, en variant ses lieux de vie, en s'efforçant de susciter chez lui des intérêts et des plaisirs neufs. Le troisième temps, enfin, correspondra à l'organisation progressive de l'indépendance de celui qui, maintenant, commence à devenir un ancien toxicomane. » (pp. 232-233)
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7. « La découverte de la toxicomanie a donc constitué pour moi un phénomène extrêmement troublant. Et les jeunes que j'ai rencontrés m'ont conduit à me mettre en question : ne se trouvaient-ils pas sur la bonne voie ? Que valait, auprès du leur, mon engagement personnel ? Cette volonté de se déconnecter, cette libération intérieure, n'était-ce pas là ce qu'il y avait de plus urgent, de plus profondément raisonnable ? Au fond de moi, cependant, quelque chose résistait. Et, soudain, j'ai vu se dissoudre le magnifique envol spirituel qui s'était développé autour des hallucinogènes, puis surgir la misère, la folie, la mort. J'ai continué de respecter le choix qu'avaient fait les toxicos : ils étaient libres et ce n'étaient presque jamais des êtres médiocres. Mais, dans le recours à la drogue, j'ai vu qu'il n'y avait ni vérité, ni raison. » (pp. 408-409)
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5. « Avec Edith, on s'en souvient, je m'étais beaucoup interrogé sur le plaisir chez le toxicomane. Il nous était apparu que ce plaisir ne relevait pas de l'illusion vécue, du fantasme, qu'il appartenait, au contraire, au réel, à la jouissance vraie. […]
Qu'est-ce à dire, sinon que se droguer, c'est faire l'amour avec soi-même ? Ici, le plaisir se définit par le rapport à un nouvel interdit, non plus celui de l'inceste – fondamental, pour la psychanalyse, de tout ce qui est de l'ordre de l'interdiction – mais celui de jouir soi-même, à l'intérieur de soi-même, par soi-même. » (p. 290)
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« Nous le savons, la drogue est un phénomène de société, un des visages les plus caractéristiques de notre époque traumatisée : le toxico est malade de notre monde ; et puisque c'est par sa famille qu'il se relie, concrètement, à la collectivité, on peut dire qu'il est, d'abord, malade de ses parents. Pour lui, la came constitue le plus souvent un moyen, quasi magique, de survie au sein de rapports familiaux vécus comme un conflit sans issue. » (p. 305)
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... au risque de caricaturer, on peut dire qu'à la fois dans la société et dans la famille, s'installe une sorte de schizophrénisation que l'on peut résumer dans le couple discours inaudible écoute impossible. Ill faut pourtant dépasser ce couple afin d'essayer d'y voir plus clair pour répondre à cette agression qui nous frappe dans nos valeurs et dans notre avenir tant social que familial.
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Refuser l'existence telle qu'on la vit est le seul point commun entre les suicidants et les toxicomanes. A partir de là tout diverge.
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1. « Pour moi, c'est une période critique qui commence. D'autant plus angoissante qu'elle ne met pas seulement en cause ma pratique et mes conceptions de soignant : il y a l'âge, aussi, qui s'inscrit dans mon corps, quelques problèmes de vie qu'il me faut affronter. Et ces choses, également, auxquelles je ne m'habitue pas : la mort de jeunes filles et garçons que j'ai côtoyés quotidiennement, la rechute de ceux que j'ai crus tirés d'affaire, la vie parfois médiocre, dépressive de ceux que nous avons guéris et dont les yeux, muet reproche, me demandent pourquoi je les ai menés là, et si je n'ai pas un sort meilleur à leur proposer... » (p. 8)
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On le voit, rien n'est mon simple , ni plus ingrat que la prise en charge des "déséquilibrés". nous n'avons rien dans cet article des recherches sur les anomalies chromosomiques, elles ne semblent pour l'heure n'avoir de répercussions que dans les plaidoiries d'avocat.
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Nul n'est "psychopathe" ou "déséquilibré" qu'à la condition expresse d'être désigné comme tel par le consensus médico-social. Aussi verra-t-on ce "profil pathologique" et l'attitude thérapeutique qui en résulte varier à l'infini suivant les circonstances, l'idéologie et les opinions du thérapeute.
Pourtant, il faut essayer d'y voir clair. Voir clair dans quoi ? Essentiellement dans le récidivisme du sujet et dans l'attitude à adopter devant celui-ci.
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... tant que les causes sociales et psychologiques qui entraînent des jeunes à se droguer ne seront pas élucidées et abordées, la seule prise en charge thérapeutique des héroïnomanes restera le tonneau des Danaïdes.
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Les free-clinics
Elles nous semblent être le meilleur moyen d'approche des jeunes toxicomanes hostiles à toute société.
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Nous avons vu des succès remarquables avec une méthode dans un endroit et des échecs non moins remarquables avec la même méthode dans un autre endroit. Tout nous a semblé être plus une question d'hommes que de méthodes.
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Nous avons pleinement conscience du stade paléolithique dans lequel nous nous trouvons, nous n'avons rien dit ni des méthodes de substitution ni des méthodes médicamenteuses plaintives à l'état trop embryonnaires ou trop discutées à l'heure actuelle.
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Il n'est pas du pouvoir du thérapeute de changer maintenant et tout de suite le sens de la vie, la fatalité de la mort et du vieillissement, mais il est du pouvoir et de l'obligation du thérapeute d'aider quiconque à prendre une certaine distance avec l'acuité de telles interrogations surtout quand le signal d'alarme est déclenché au niveau des synapses nerveuses ou des membranes cellulaires. Aussi rétablir le rythme du sommeil, combattre chimiquement les notions d'incurabilité et de culpabilité sont une nécessité qu'aucune pureté doctrinale ne peut permettre d'éviter à la condition expresse qu'il ne s'agisse pas seulement d'une réassurance du thérapeute et de la forme pharmaceutique du rejet.
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La dépression du toxicomane est une dépression grave, elle a un substrat biologique et physiologique et un substrat métaphysique ou idéologique.
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Mais débusquer les culpabilités, accepter des frustrations ne peuvent constituer une fin en soi. Le problème angoissant se pose de restituer le toxicomane dans son temps biologique dans le temps réel maturation nécessaire pour lui apprendre que vieillir est inéluctable.
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Le toxicomane, plus que tout autre, se situe dans l'alternance, alternance du plaisir et du manque, alternance des forces de vie et des forces d'annulation dissolvantes. Mais la différence est, qu'initialement du moins, il est maître du jeu. C'est là, et là seulement, que situe le départ d'une différence minime encore, mais énorme dans son devenir et qui fait que l'analyse le situe comme un ennemi irrécupérable. Car il peut , d'une façon précaire, certes, mais il eut seul, (ou du moins sans l'aide de l'analyse) annuler les forces d'annulation. Pour lui la loi commence à cesser d'être l'ordonnatrice du désir. Il y a début de possibilité de désir sans loi.Dès lors où se situe l'interdit l'analyste le situe dans le "dit". Le toxicomane ignore, méprise ce "dit" là. Son désir il l'a dans la veine. il l'a dans la veine.
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