Citations de Clotilde Leguil (27)
Comment ne pas voir que pour qu'il y ait du "Je", il faut aussi qu'il y ait un régime politique qui puisse laisser une place vide, un lieu où le pouvoir s'abstient, ne pénètre pas, et laisse chacun exister avec ses doutes, ses questions, son non-savoir, son désir et son histoire? (...) Le "Je" n'est donc pas indestructible. Il est même souvent menacé et l'identité totalitaire est ce qui vient à la place du "Je" lorsque l'espace pour le faire exister disparaît.
Le nouveau champ du toxique déborde la sphère des addictions et ne se restreint plus au monde des objets ou des produits dont l'effet était dit toxique. Le toxique dorénavant appliqué aux discours, aux relations amoureuses, à la vie sexuelle, désigne une substance d'un nouveau genre. Le toxique s'est en effet répandu aux autres, à la virilité, aux pères, à l'amour, au management, au progrès, à la surexploitation des ressources de la terre.
À la façon d'une substance, le toxique distille en nos tissus un venin invisible.
C'est bien à travers la langue que l'on parle, que l'on révèle ce dont on pâtit de façon nouvelle. Être sensible à la langue permet de déchiffrer les mutations de notre monde mais aussi les failles de notre être.
"Consentir" peut conduire à "céder", sans même s'apercevoir que la frontière a été franchie.
La politique à l'âge des statistiques et aujourd'hui des algorithmes propose aux citoyens un savoir préfabriqué sur leur être. Cette somme de données personnelles sur l'être ressemble à une accumulation de savoir sur soi , mais paradoxalement l'accumulation de ces données renvoie en même temps à un refus de savoir ce qui relève du sujet en chacun. Le Big Data annule le cogito.
C'est comme ça. Psychanalyser, tout comme éduquer ou gouverner, conduisent à faire l'expérience d'une tâche de l'ordre de l'impossible
L'analysant, en même temps qu'il parle de son symptôme, voit s'éveiller en lui un sentiment d'amour à l'égard de celui qui l'écoute.
"Ce qui traumatise ne se laisse pas dire." Cela ne se dit pas, non pas simplement parce que la décence ou la pudeur exigeraient de ne pas en parler, mais parce que l'effet du trauma percute le corps de telle façon que le langage est comme court-circuité.
L'uniformisation engendre un monde d'où les couleurs de la subjectivité ont disparu. Car où que l'on se rende, sur la planète que nous habitons, nous pourrons nous y retrouver en rencontrant les mêmes paysages, les mêmes productions industrielles, les mêmes constructions, les mêmes hôtels, les mêmes plats, et voire la même langue.
Le malaise s'éprouve, il se ressent, il dérange, sans pouvoir être défini clairement.
Il n'y a pas de psychanalyse de couple, mais seulement de la psychanalyse pour chacun, dans sa solitude, arraché à son partenaire dans la vie pour aller à la rencontre d'un nouveau partenaire, l'inconscient.
L'inconscient n'a pas d'être-là si ce n'est ce vacillement éphémère qui fait qu'on dit autre chose que ce qu'on voulait dire.
Car comme l'énonçait si succinctement Héraclite en son époque, "ceux qui ne savent pas écouter ne savent pas non plus parler".
Le stade du miroir électronique est une transformation produite chez le sujet quand il cherche à se définir depuis ce double de lui-même qu'est l'image virtuelle.
Ce qui s'est globalisé, ce ne sont pas seulement les échanges économiques, les rapports sociaux et les relations politiques, mais finalement l'intimité de chacun.
Les nouvelles technologies captent le psychisme de chacun et absorbent la libido de tous.
Car le "Je" est aussi ce qui permet de ne pas disparaître dans la mondialisation sans pour autant nous accrocher à une identité close et définitive.
Nous sommes dans un nouveau moment, celui de l'angoisse réelle.
Le burn out est ce moment où le sujet n'a pas vu venir le forçage de ses propres limites, la violation au fond de sa temporalité subjective et de son dévouement, et se voit confronté à un effondrement intérieur