Tout commence par une condamnation .....Douze mois dont six avec sursis. Le verdict est tombé, les larmes viennent après la demande de pardon, il ne reste qu'à en connaître les causes.
A travers un récit à plusieurs voix, l'auteure traite de l'usurpation d'identité par désœuvrement, pour ne plus être celle qui courbe la tête dans ses épaules, celle que personne ne remarque mais devenir celle qui participe à l'actualité, celle qui attire la compassion, celle qui vit.
C'est l'histoire d'un engrenage dans lequel Adèle ne va pas chercher à sortir. Grâce aux événements tragiques, elle va s'inventer un amour, un lien, une raison d'exister, presque une famille, alors que jusqu'à maintenant elle était toujours en échec, seule.
Le récit choral permet de connaître les points de vue de ceux qui l'ont approchée : Francesca, la mère de Mattéo, le jeune homme décédé, Saïd le psychologue volontaire de la Croix Rouge etc..... Personne, sous le choc des événements, n'a rien soupçonné malgré certaines interrogations.
Une lecture dans laquelle je me suis lancée, sans temps mort, très vite interpellée par l'idée de départ, par l'écriture fluide, la construction et le fond. On peut aisément penser (et je crois que cela est arrivé) que des personnes, pour différentes raisons, s'immiscent parmi les victimes ou leurs collatéraux lors d'attentats. Pourquoi agissent-ils ainsi, quelles sont leurs raisons profondes et qui sont-ils ?
L'auteure dépeint Adèle comme une jeune femme un peu "paumée", depuis la perte de son père et de son boulot. Adèle fantasme des vies, sa vie, celles des autres lorsqu'elle est assise le soir près de la fenêtre, dans l'obscurité et qu'elle observe ses voisins. Alors quand elle aperçoit la photo de Matteo parmi celles des victimes du Bataclan, ce jeune homme croisé au bar où elle travaillait et avec lequel elle avait imaginé une histoire, elle concrétise son fantasme et passe sur le devant de la scène, enfin elle existe.
"Adèle sentit immédiatement, instinctivement, sans y avoir réfléchi, qu'elle pourrait trouver dans ce drame où elle avait été projetée presque par hasard, en tout cas par une force qui lui avait échappé, une raison d'être, une densité, une consistance.(p54)"
C'est l'histoire d'une revanche, la revanche d'Adèle, devenue la fiancée d'une victime, celle qui s'implique, celle qui se fait la porte-paroles des proches, une sorte de porte-étendard des victimes, mais restant assez sourde à la douleur des autres, elle ne fait qu'enregistrer les informations pour tenir son rôle, le rôle de sa vie mais cela demande beaucoup d'attention, d'efforts pour être crédible.
L'auteure arrive parfaitement à décortiquer tous les détails de cette usurpation, sa montée en puissance puis son effondrement. Elle maîtrise l'engrenage des mensonges, le ressenti de chacun des acteurs, la construction de ce double, assez froide et sans émotions. Elle dépeint son héroïne comme un être assez froid, égoïste, sourde à la douleur des autres.
Un premier roman dont je n'avais pas entendu parler et que j'ai lu d'une traite, intéressée par le thème, par la forme, par l'écriture.
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