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Citations de Daniel Adam Mendelsohn (214)


Il y a des larmes dans les choses. Mais nous pleurons tous pour différentes raisons.
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Nous sommes, chacun de nous, myopes, ai-je compris à cet instant-là; toujours au centre de nos propres histoires.
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L'Odyssée, nous l'avions vu plus d'une fois, est un poème qui met à l'honneur la narration sous toutes ses formes, certaines de ces formes, d'ailleurs, étant trompeuses, voire mensongères - preuve en sont les histoires contées par Ulysse lui-même. Pourtant, s'il n'a aucun scrupule à mentir à ses compagnons, à ses hôtes, à ses bienfaiteurs, à ses domestiques, à son fils, à sa femme ni même à Athéna, il est une fable qu'il ne parvient pas à mener à terme: celle qu'il raconte à Laërte. Ma question, si j'avais eu la possibilité de la poser, eût été la suivante: comment se fait-il que, du point de vue d'Homère, le seul mensonge vraiment inconcevable soit celui d'un fils à son père?
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Mon père aimait connaître les choses et ma mère aimait organiser les choses, et c'est peut-être pourquoi j'ai découvert en moi, à un âge précoce, un plaisir intense à organiser la connaissance. (…) C'était, je m'en aperçois aujourd'hui, la première expression d'une impulsion qui, en définitive, est la même que celle qui pousse quelqu'un à écrire — imposer un ordre au chaos des faits en les assemblant dans une histoire qui a un commencement, un milieu et une fin.
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Depuis cette petite ville, les rares survivants devaient, après la guerre, se répandre dans toutes les directions, vers de lointaines parties du monde – des lieux qui, quinze ans plus tôt à peine, leur auraient paru improbables, voire absurdes comme destinations, et plus encore comme lieux de vie : Copenhague, Tachkent, Stockholm, Brooklyn, Minsk, Beer-Shevah, Bondi Beach. Ce fut dans ces villes que j’ai dû me rendre soixante ans plus tard, pour m’entretenir avec les survivants et entendre ce qu’ils avaient à raconter sur ma famille. Le seul moyen d’atteindre le centre de mon histoire était de prendre des détours compliqués vers de lointaines périphéries.
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En dépit de la diversité des cultures nationales analysées chapitre après chapitre [de "Mimésis"] dans leurs plus infimes détails, en dépit de la spécificité des contextes permettant de comprendre et d'analyser les littératures de ces cultures, Auerbach part du principe que certaines réalités sont, en fin de compte, communes à tous les humains. Il y a un "destin commun", résultat d'un "arrière-plan divers", comme il l'écrivit dans un article quelques années avant de s'éteindre dans une maison de retraite des environs de New Haven (Connecticut), dernière de ses nombreuses destinations. C'était là un concept auquel il s'accrochait avec une ténacité qui ne peut que nous paraître poignante, au vu de l'histoire particulière de sa propre époque.
p. 63
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La littérature, dont l'interprétation passe aux yeux de bien des gens pour un exercice subjectif, vague, ouvert à tous les points de vue, était pour les premiers philologues un objet d'étude pareil à tout autre objet d'étude scientifique : la pesanteur, les plantes, les étoiles. Pour comprendre le sens d'un texte littéraire, il fallait en maîtriser les différentes composantes, de la même façon qu'il fallait maîtriser l'addition, la trigonométrie ou le calcul infinitésimal pour prétendre aborder les mathématiques ; ces composantes étant, dans le cas de la littérature, non seulement la langue dans laquelle le texte était écrit, sa grammaire, sa syntaxe et son lexique, mais aussi l'Histoire, la religion, la sociologie et le système politique de la civilisation qui avait produit le texte.
p. 58
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J'ai toujours trouvé cette étymologie du mot "proème" fascinante, car, partant de l'introduction d'un chant, elle nous entraîne vers l'idée élémentaire de mouvement : l'idée, tout simplement, de "cheminer". Pour les Grecs, la poésie était mouvement.
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Personne n'a jamais écrit de tragédie sur Ismène, la sœur d'Antigone – celle qui conseillait la prudence, celle qui a survécu. Comment serait-il possible ? La tragédie aime les extrêmes. Elle célèbre la beauté vertigineuse de la destruction totale. […] C'est de la beauté de la jeunesse sacrifiée que nous nous souvenons en sortant du théâtre, la beauté de ceux pour qui il n'y avait au bout du compte pas d'autre possibilité que la mort, que le renoncement à la vie pour son contraire. Le compromis ne peut être tragique ; il ne laisse rien derrière lui dont on puisse se souvenir. Les Athéniens, dans leurs éloges des morts au combat, parlaient d'une chose appelée « thanatos kalos », « la belle mort » – une mort qui est belle notamment parce qu'elle vous préserve dans la mémoire, dans l'oraison par laquelle on se souvient de vous, comme potentiel pur, de telle sorte que votre mort devient d'une certaine manière un moyen de garder la beauté intacte, elle devient un monument à elle-même. Dans « Antigone », si l’héroïne peut aller à son exécution en chantant qu'elle est une « épouse d'Hadès », une « épouse de la mort », c'est parce que, eût-elle choisi de vivre, de se marier, de devenir une épouse, il n'y aurait pas d'histoire à raconter, rien à célébrer, rien à chanter. Le quotidien est anathème pour la tragédie. C'est à partir de l'autodestruction, de l'échec, du manque et de la dévastation que la tragédie construit le beau monument qu'elle est elle-même.
Nous allons voir des tragédies parce que nous avons honte de nos compromis, parce que nous trouvons dans la tragédie la beauté pure de l'absolu, une beauté qu'on ne peut avoir si on choisit de vivre. On ne peut faire une tragédie de la survie. On ne peut écrire une tragédie sur Ismène (J'ai lu, 2018 : pp. 219, 222-223).
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Le meilleur enseignant est celui qui veut vous faire découvrir le sens des choses qui lui ont donné du plaisir, de façon que l'appréciation de cette beauté lui survive. A cet égard -- parce que cela procède de l'acceptation du caractère inévitable de la mort --, ce qui fait le bon enseignant fait aussi le bon parent (J'ai lu 2018, p. 342).
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En partie parce qu'il donnait l'impression d'être toujours penché sur un livre, en train de raisonner ou d'absorber les raisonnements des autres, quand j'étais petit, je ne voyais mon père que comme une tête. Cette impression que sa tête était la plus grande partie de son corps était accentuée par sa calvitie précoce, apparue sans doute alors que j'étais encore enfant, et j'imaginais que l'énorme cerveau qui se logeait à l'intérieur de sa boîte crânienne avait tellement grossi qu'à force d'appuyer sur les parois, il avait fini par faire tomber les cheveux de son crâne. Nombre de mes souvenirs de lui partent d'une image, non pas de son visage - l'ovale cireux souligné par l'arcade de ses sourcils et ses petits yeux marron foncé légèrement rapprochés, le long nez busqué, un peu tordu au bout, qui avait l'apparence du caoutchouc, la bouche aux lèvres fines qui avait tendance à se figer dans un pincement -, mais de sa tête, cette tête dégarnie qui semblait presque émouvante de vulnérabilité, comme exposée aux blessures (J'ai lu, 2018, pp. 45-46).
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C'est cet échec arbitraire à comprendre Sodome dans son contexte, en tant que métropole ancienne du Proche-Orient, en tant que lieu de plaisirs sophistiqués et même décadents, de beautés hyper-civilisées, qui aboutit à cette incapacité du commentateur à saisir la véritable signification des deux éléments cruciaux de cette histoire : le commandement de l'ange à la famille de Lot de ne pas se retourner vers la ville qu'ils fuient et la transformation de la femme de Lot en statue de sel. Car si vous voyez en Sodome quelque chose de beau – qui le paraîtra encore plus, sans aucun doute, du fait qu'il faut l'abandonner et la perdre à jamais, précisément de la même manière que des parents morts sont toujours plus beaux et meilleurs que ceux qui sont encore en vie –, alors il me paraît clair que Lot et sa famille reçoivent l'ordre de ne pas regarder en arrière non comme une punition mais pour une raison pratique : parce que le regret pour ce que nous avons perdu, pour les passés que nous devons abandonner, empoisonne parfois toute tentative pour commencer une vie nouvelle, ce qui est ce qui attend Lot et sa famille, tout comme l'avaient fait Noé et sa famille, et comme doivent le faire d'une manière ou d'une autre tous ceux qui ont survécu à d'horribles annihilations. Cette explication, à son tour, permet d'expliquer la forme prise par le châtiment de la femme de Lot – si c'est bien un châtiment, ce que je ne crois pas personnellement, dans la mesure où, selon moi, cela ressemble beaucoup plus à un processus naturel, à l'expression inévitable de sa personnalité. Pour ceux qui sont contraints par leur nature de regarder toujours en direction de ce qui est passé, plutôt que vers l'avenir, le grand danger, ce sont les larmes, les sanglots impossible à contenir dont les Grecs, sinon l'auteur de la Genèse, savaient qu'ils n'étaient pas seulement une douleur mais aussi un plaisir narcotique : une contemplation endeuillée et cristalline, si pure, qu'elle peut finalement vous immobiliser.

Quatrième partie : « Lech Lecha, ou En avant ! (juin 2003-février 2004) », 4. « Chez soi de nouveau (un faux dénouement) », pp. 808-809.
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Car de ce vaste terrain qui avait été acheté par les Juifs de Vienne dans les années 1920 pour la nouvelle section du cimetière, une fois que l'ancienne section avait été surpeuplée par les morts de cette florissante communauté, seule une petite portion était occupée par des tombes. A côté de ces tombes (presque aucune d'entre elles, avons-nous remarqué en y circulant, ne porte de dates postérieures au début des années 1930), se déployait une vaste prairie vide. Nous l'avons regardée fixement pendant un moment, avant de comprendre que la Nouvelle Section juive était en grande partie vide parce que tous les Juifs qui auraient dû être enterrés là, selon le cours normal des choses, étaient morts dans des circonstances qu'ils n'avaient pas prévues et s'ils avaient été enterrés, l'avaient été dans d'autres tombes moins élégantes qu'ils n'avaient pas choisies. Quand nous pensons aux terribles ravages produits par un certain type de destruction pendant les temps de guerre, nous pensons normalement au vide des endroits qui étaient autrefois pleins de vie : les maisons, les boutiques, les cafés, les parcs, les musées, etc. J'avais passé pas mal de temps dans les cimetières, mais il ne m'était pas pourtant jamais venu à l'esprit, avant cet après-midi dans le Zentralfriedhof, que les cimetières, eux aussi, pouvaient être vidés de leur vie.

Quatrième partie : « Lech Lecha, ou En avant ! (juin 2003-février 2004) », « 2. Suède/Israël de nouveau (automne) », pp. 525-526.
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La tragédie grecque nous apprend entre autres, que la véritable tragédie n’est jamais une confrontation directe entre le bien et le Mal, mais plutôt, de façon plus exquise et plus douloureuse à la fois, un conflit entre deux conceptions du monde irréconciliables.
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Nous n’avions pas la moindre idée de ce que nous allions découvrir là bas, et l’impression non dite mais étouffante, aussi persistante et irritante que le crachin constant, que nous avions peut-être bien fait ce voyage difficile et onéreux jusqu’à cet endroit appauvri et détrempé pour rien nous rendait tous irascibles.
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Passer un an à rechercher…… le temps lui même semblait désarticulé, alors que le passé resurgissait de ses cendres et de sa poussière, et de son vieux papier, et de la poudre, et du whishey et des sels de violette, et refaisait surface une fois encore comme l’écriture presque illisible au dos d’une vieille photo, remontant pour entrer en compétition avec le présent et le rendre confus.
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Lorsque mon grand père racontait une histoire, il ne recourait pas au procédé évident de commencer par le commencement et de finir par la fin ; il préférait la raconter en faisant de vastes boucles, de telle sorte que chaque incident, chaque personnage, pendant qu’il était assis là, sa voix de baryton déchirante oscillant sans cesse, avait droit à une mini-histoire, à une histoire à l’intérieur du récit.
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Etre en vie, c'est avoir une histoire à raconter. Etre en vie, c'est précisément être le héros, le centre de l'histoire de toute une vie. Lorsque vous n'êtes rien de plus qu'un personnage mineur dans l'histoire d'un autre, cela signifie que vous êtes véritablement mort.
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Freud a écrit: « Les garçons que l’adolescent aime désormais ne sont que des personnes de substitution et des renouvellements de sa propre personne enfantine, qu’il aime comme sa mère l’aimait enfant ». (…) Je trouvais [Brad] irrésistible parce que certains détails me redonnaient accès à ma propre enfance perdue et malheureuse, comme si j’avais pu en aimant Brad être capable de récupérer et de réparer quelque chose en moi qui n’avait pas été comme il fallait, quelque chose qui avait été abimé.
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Les couples gay heureux de ma connaissance ont tous une chose en commun: ils cherchent et trouvent des satisfactions sexuelles en dehors de leur relation amoureuse. (…) Cela suggère simplement une chose évidente (…): le sexe pour les hommes est finalement séparable de l’affect. Trios, cuir, orgies, jeu de rôle: pour les gays le sexe peut être séparé du moi, du sujet.
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