Citations de Daniel Bailly (137)
Il se peut justement qu'une approche non traditionnelle, et par là-même, non juridique, non médicale, non sanitaire, non morale, puisse nous ramener nouveau vers la signification réelle du mot drogue, nous aidant ainsi à la compréhension du phénomène.
"Le concept de drogue suppose, implique, une définition instituée, institutionnelle. Il a besoin d'une histoire, d'une culture, de conventions, d'évaluations, de normes, de tout un réticule de discours entrecroisés, d'une rhétorique explicite ou elliptique. En ce qui concerne la drogue, on n'en donne pas une définition objective, scientifique, physique ou "naturiste". On peut prétendre définir la nature d'un toxique, mais, justement, tous les toxiques ne sont pas des drogues et ne sont pas considérés comme tels. Ce qui nous amène à conclure que le concept de drogue demeure un concept non scientifique, institué à parti d'évaluations morales ou politiques, et portant en soi-même la norme ou la prohibition" (Derrida, 1990).
... alors que de nombreuses études attribuent à la molécule alcool une propriété antiathérogénique, on ne peut exclure un effet protecteur indépendant lié au gradient social selon lequel se distribuent les maladies cardio-vasculaires.
Ainsi, alors que les études épidémiologiques prospectives reconnaissent uniquement le rôle de l'alcool comme effet protecteur, il y a vraisemblablement un recouvrement entre les modèles de consommation qui sont liés au revenu et les facteurs structuraux qui interviennent dans la survenu des maladies cardio-vasculaires. De fait, les bienfaits potentiels de la consommation modérée constituent un problème définit comme strictement biologique alors qu'il y a lieu de croire qu'une composante liée au facteur "M" est opérant.
De nombreuses études épidémiologiques des années 80 ont constaté une relation positive entre la CMRA [Consommation régulière et modérée d'alcool] et la réduction du taux de maladies coronariennes. [...]
Les travaux les plus récents, qui ont constitué meurs groupes de contrôles uniquement avec des abstinents à vie, éliminant ainsi les abstinents récents susceptibles d'avoir une moins bonne longévité et de biaiser les résultats en faveur de la confirmation de l'hypothèse, ont réitéré l'effet protecteur de l'alcool [...].
On pourrait donc conclure que certaines habitudes de consommation peuvent être modifiées par des actions qui affectent la structure de l'environnement.
C'est donc davantage à travers un schème de conditionnement opérant, où les punitions dont la sévérité est croissante visent des individus bien ciblés, qu'il faut comprendre le changement (Skinner, 1953).
Bien que, dans la plupart des modèles, les facteurs liés à l'environnement soient toujours présents dans l'étiologie de la toxicomanie, ils occupent rarement une place prépondérante.
[D]es travaux ont démontré que ce ne sont pas les différences en matière de revenu qui expliquent les différences en matière de longévité, mais les différences dans la distribution des revenus.
[...]Le Japon offre ici un bon exemple. il y a 30 ans, ce pays présentait un taux élevé de mortalité infantile et une espérance de vie médiocre alors qu'il est aujourd'hui un de ceux qui présente certains indicateurs de santé parmi les meilleurs du monde. Durant la même période, l'économie japonaise a connu un redressement spectaculaire et es revenus ont considérablement augmenté. Fait ) signaler : ce pays distribue très équitablement ses richesses, détenant le record parmi les pays de l'OCDE pour la plus petite différence relative de revenu entre la tranche supérieure et la tranche inférieure [...].
Marmor conclut que les facteurs de la petite enfance et les facteurs de la vie adulte pouvaient à la fois et indépendamment prédire la mortalité.
Il existerait donc un facteur inconnu, que nous appellerons facteur "M", comme macrosocial, et qui, indépendamment des autres facteurs de risque déjà connus, augmente le risque de mortalité pour un certain nombre de troubles. On en veut pour preuve une analyse des données qui a permis de constater u'un administrateur qui fume ses 20 cigarettes ar jour présente un risque moindre de mourir du cancer du poumon que le fonctionnaire au bas de la hiérarchie qui fume tout autant, même après qu'on eut contrôlé, pour les années/cigarettes, la teneur en goudron et le gradient de mortalité pour les maladies cardio-vasculaires des non-fumeurs.
... des facteurs macrosociaux ont autant d'influence sur l'état de santé des populations que les compétences des particuliers, des professionnels et des communautés.
Si le constat aujourd'hui d'une prédominance de certaines conduites addictives chez les garçons et d'autres chez les filles est reconnu par chacun, les explications qui sont proposées restent encore parcellaires et incertaines. Il nous semble cependant que cette question peut à l'inverse éclairer sous un jour nouveau celle des différentes modalités addictives. L'hypothèse d'une modalité dont la fonction serait l'évitement des émotions négatives, plus fréquemment rencontrée chez le femmes et une modalité, dont la fonction serait la recherche d'excitation, plus fréquemment rencontrée chez les hommes mérite sans doute d'être approfondie.
La compréhension psychodynamique des addictions a tenté de prendre en compte la complexité de la vie psychique et de ses avatars à interpréter la subjectivité de chacun et les entraves à la subjectivation et ainsi montré que la compréhension à ce niveau des addictions restait difficile. Cette difficulté est d'autant plus grande si l'on veut introduire comme facteurs explicatifs les différences constatées, selon le sexe [...] Paradoxalement, ce n'est peut-être pas du côté de la psychanalyse qu'il faut chercher, pour ce type de problématique, la différence sexuée. Nous ne sommes pas dans le champ de la névrose.
Plus encore, comme chacun sait, l'anorexie mentale est une pathologie typiquement féminine, le sex-ratio étant généralement de 1 garçon pour 10 filles.
... 10.7% des filles et seulement 2.9% des garçons reconnaissaient des sentiments de honte et d'autodépréciation après ces crises. Ainsi, ce qui différencie les garçons des filles n'est pas tant la fréquence des crises de boulimie que le sentiments d'autodépréciation, ainsi que l'utilisation d'une stratégie de contrôle, qui y sont associés.
... l'expérience clinique de chacun, confirmée depuis par des travaux épidémiologiques, amène à constater que si aucun type d'addiction n'est strictement masculin ou féminin, certains ont une forte prédominance masculine et d'autres une forte prédominance féminine.
... il semble clairement établi que les troubles du comportement alimentaire et les troubles liés à l'utilisation de substances répondent à des déterminants d'ordre essentiellement psychologique, psychiatrique et/ou biologique [...].
... de très nombreux adolescents expérimentent ou utilisent de façon occasionnelle de l'alcool et/ou des drogues. A l'inverse, très peu d'entre eux développeront un trouble du comportement alimentaire ou un trouble lié à l'utilisation de substances. C'est dire que les facteurs qui déterminent les comportements à l'adolescence diffèrent sans aucun doute de ceux à l'origine des troubles liés à ces comportements.
Au total, notre étude montre que le trouble [d'Angoisse de séparation] de l'enfance pourrait constituer un facteur de risque pour le développement ultérieur de troubles addictifs. Elle montre qu'il pourrait aussi constituer un indice de gravité, les patients ayant des antécédents de trouble ADS présentant une comorbidité pour les troubles anxieux plus élevée et un profil psychopathologique général plus sévèrement perturbé que les autres.