- Nom de Dieu, le feu. Le feu dans les moissons !
Un homme a hurlé. Tout le monde s'affole. Sans savoir comment, Paulette se retrouve dans les bras rassurants de Marcel :
- On ne voit pas de fumée dans la vallée. T'inquiète pas, la Grande, c'est pour un mort.
Berthe, suivie de ses deux frères, les rejoint.
- Il crie bien de long, ce tocsin, c'est pas normal.
Le son des cloches, de l'église de Beaujeu monte à son tour vers les collines, porté par l'air pur de ce jour d'été. Un long glas bientôt repris en écho par les clochers de Monsols, d'Ouroux, d'Avenas, des autres bourgs et des villages de la vallée, comme un interminable appel à la mort.
Il y aurait, en Allemagne aussi, des femmes qui, comme les femmes françaises, ne savent pas ce que sont devenus ceux qu'elles aiment. Et des garçons de l'âge de Louis obligés, comme lui, d'aller se battre contre d'autres garçons de leur âge ? Et notre guerre, alors, serait aussi la leur ?
une fois encore, avant que ne sonne l'angélus, les chars écrasent, pêle-mêle, les blessés, les fuyards et les jeunes poiriers.
Camille et ses amis font partie de ceux qui ouvrirent leur porte. Lorsque les Allemands repartent, ils vont chercher les blessés avec les habitants du village. ils en recueillent une quinzaine qu'il soignent.
C'est vrai que ce sont les hommes mariés sans enfants, comme Louis, et les célibataires, qui ont été envoyés le plus loin, sur la ligne Maginot.
Rose ne veut plus bouger. Quand elle attendait le retour de Louis, elle pouvait résister à cette sensation de vide que creusait son absence.