A l'occasion du centenaire de l'écrivain auvergnat Jean Anglade, les éditions Presses de la Cité proposent un cycle de lectures dans la régions. Elles ont confié à "Acteurs, Pupitres et Compagnie" la mise en place de ces lectures et la sélection des extraits de textes parmi les plus remarquables de Jean Anglade.
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Sa première ?période bleue? de romancier social des années 50 à 70, sera particulièrement mise en lumière avec ses oeuvres plus littéraires (Des chiens vivants) puis ses textes populaires dans sa veine auvergnate à partir de 1969 (La pomme oubliée). Ces lectures donneront à découvrir ou redécouvrir un grand auteur qui a su fédérer un public nombreux, fidèle, transgénérationnel. Il est un homme aux valeurs humanistes et son oeuvre considérable aborde des genres et des sujets très différents: romancier, essayiste, traducteur (de Boccace et de Machiavel), biographe, mais surtout intarissable conteur, Jean Anglade est l?auteur d?une centaine d?ouvrages.
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Pendant quatre ans, des hommes avaient souffert et espéré entre ces murs, percés, amputés, émasculés, la figure ravagée par les lance-flammes, les poumons brûlés par l'ypérite. Cela me rappelait mon séjour à Dinan. Un brouillard dont j'avais mis longtemps à émerger. L'immense salle commune, puante de chloroforme et d'éther, pleine de gémissements, de délires, de râles, de fureurs. Les vieux médecins barbus et hautement galonnés, indifférents et sourds. Mais je n'ai que vingt ans ! Comment avez-vous pu me couper la jambe pour une simple rotule qui manquait ? L'urgence mon ami, l'urgence. Tu es vivant, pour toi la guerre est finie, de quoi te plains-tu, biquet ? On te fera cadeau d'une médaille en bronze. Et aussi d'une superbe prothèse toute neuve, en bois de châtaignier, celui qui résiste le mieux aux vermoulures, avec rondelle en caoutchouc et changement de vitesse. Comme tu seras admiré, quand tu circuleras dans les rues de Clermont, exhibant cette preuve de ton héroïsme !
Le livre est le meilleur remède contre l'ignorance, la bêtise, le racisme, l'ennui, la solitude, le chagrin ...
- C’est un cercueil. Pour un vieux qui a cassé sa pipe hier soir. J’y ai travaillé une partie de la nuit. Je ne veux pas le faire attendre.
- Est-ce que vous ne pourriez pas en avoir deux d’avance ? Trois d’avance ?
- A Non, parce que je livre toujours de l’ouvrage sur mesure. Comme Garachon le tailleur d’habits. Sauf que le dernier pardessus, c’est moi qui le coupe.
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Le paysan remonta sur son siège. Non sans peine : il devenait de plus en plus obèse. Et de plus en plus jaune. Sa femme lui disait : - Tu me fais honte. Ah ! Si je devais t’éplucher, me faudrait un moment avant d’arriver au trognon ! 145
- Vous voulez en mariage et sans dot ma Étiennette ? Tope là ! Vous l’avez !
Il tendit sa main ouverte dans laquelle Pancrace fit claquer la sienne. Ainsi, il cédait sa fille, non pas comme un champ de blé, mais comme une vache à la foire de Craponne. / ...Pancrace écrivit à ses parents corses qu’il allait épouser une Auvergnate s’ils n’y voyaient pas d’inconvénient….. L’aubergiste de Speloncato fit répondre qu’il était satisfait de sa lettre ; qu’il lui donnait l’autorisation d’épouser cette étrangère, malgré le proverbe qui conseille « ta femme et tes bœufs, pas à plus d’une lieue » 60
Si l'amour, selon St-Exupéry, consiste à regarder dans la même direction, l'amitié interraciale consiste à marcher l'un vers l'autre.
Le livre est le meilleur remède
contre l'ignorance, la bêtise, le racisme,
l'ennui, la solitude, le chagrin.
Attendre, c'est pourtant le premier geste de l'amour.
Les gens sont drôles : ils aiment les nombres ronds, vingt ans, cinquante ans, cent ans... Moi, j'aime autant les nombres tordus.
C'est ce qu'il ya de terrible avec la guerre. Qu'elle t'apprenne à tuer, passe encore; mais elle étoufe en toi tout sentiment humain. Même celui de la peur.De la peur animale qui devrait te retenir, par exemple, au moment de sauter la tranchée, t'empêcher de courir à la rencontre des balles. Eh bien non ! Tu es tellement abruti que tu sautes quand même.
Je constatais en moi-même que ce tu est un étrange mot, puisqu'il peut exprimer alternativement l'affection, la haine, le mépris. Tu...: étape délicieuse dans l'escalade de l'amour ; moment où l'on passe du faux pluriel au singulier irremplaçable, charmantes bévues où les pronoms se font des crocs-en-jambe, dénonciations au public qui soupçonnait, mais ne savait pas encore. Tu... : pronom de la police envers le malfaiteur possible, plus lourd que les menottes. Terme de canaille complicité entre la prostituée et son chaland : mot de passe. Pronom colonialiste à l'usage de tous ceux qui ont la peau plus foncée que vous. Et en bas, tout au fond de l'échelle, le tu automobiliste, comble du dédain : "Pas possible ! T'as trouvé ton permis dans une pochette-surprise !"